D'un point de vue strictement biologique les fonctions de notre organisme ont pour but de le maintenir en vie et de lui permettre de se reproduire tout en réalisant un équilibre avec le milieu qui l'entoure. Cet équilibre se fait par l'assimilation des matériaux chimiques que le corps puise dans la nourriture et l'air. D'autre part, nous avons la faculté de nous mouvoir, qui constitue une heureuse adaptation au milieu. Les découvertes en physiologie ont apporté ces dernières années les preuves de nouveaux bienfaits de l'exercice physique sur la santé. Ce vaste sujet est instructif et concerne tous les sportifs, en particulier nous les "Cent Cols" soucieux de notre bien-être. La matière inerte et vivante est construite avec les mêmes briques : les atomes. La complexité de la matière vivante est un phénomène exceptionnel par rapport à la matière inanimée. Pourtant les atomes et les forces qui les gouvernent sont les mêmes dans les deux cas. La différence n'est pas liée à la matière elle-même mais à son organisation. Un des plus beaux exemples qu'il nous soit donné d'observer est celui du développement de l'embryon humain ou animal dans le corps de la mère, qui passe d'une unique cellule fécondée, l'oeuf, à un organisme adulte fait de milliards de cellules. Les cellules sont les unités de base de la matière vivante. Chaque seconde il en meurt des millions dans notre corps tandis que des millions d'autres se multiplient en se divisant en deux. Dans notre organisme elles se différencient et se groupent en organes et en appareils responsables chacun d'une fonction spécifique. Mon propos fera l'objet du tissu musculaire et de l'énergie qui permettent aux muscles de fonctionner. Il existe bien sûr une relation étroite entre les muscles et tous les autres organes du corps. Devant la complexité du phénomène de la physiologie de l'effort, j'en simplifierai la description sans pour autant en altérer la finalité. Je suis conscient que mes amis "Cent Cols" qui me liront sont déjà bien informés sur le sujet mais un petit rappel ne pourra pas nuire. Les muscles sont formés de fibres qui sont capables de se contracter et de se détendre. Toutes ces fibres sont irriguées par de petits vaisseaux sanguins (capillaires) à travers lesquels s'effectue la circulation sanguine. Il existe trois sortes de muscles : les muscles striés, les muscles lisses et le coeur. Les muscles striés sont des muscles volontaires, ils sont placés sous le contrôle de notre volonté. Ce sont des muscles du squelette qui permettent le mouvement. Ils sont formés de fibres parallèles enfermées dans une membrane résistante. Chaque fibre est composée d'un grand nombre de fibrilles qui sont elles-mêmes formées de minces filaments. Ces filaments sont constitués par des protéines dont les principales sont la Myosine et l'Actine. Les fibrilles longues et minces d'action glissent dans les espaces existants entre les fibrilles courtes et épaisses de myosine, permettant ainsi le mouvement des muscles. Chaque groupe de fibres est commandé par un nerf relié au système nerveux central ( cerveau et moelle épinière) Les muscles lisses sont des muscles des organes internes du corps: vaisseaux sanguins ou viscères: estomacs, intestins, vessie, utérus par exemple. Ils sont à contraction involontaire; Parce qu'ils ne fonctionnent pas sous notre volonté. Ils travaillent sous le contrôle du système nerveux autonome ou végétatif constitué par les systèmes sympathique et para sympathique. Grâce à ces deux systèmes régulateurs, sous contrôle du cerveau, l'organisme est à même de s'adapter de façon presque automatique à de nombreuses circonstances de la vie. Le muscle cardiaque est un muscle unique en son genre, il est à contraction involontaire. Il a les caractéristiques communes aux deux autres espèces de muscles; il est strié comme les muscles volontaires mais ses fibres cylindriques sont disposées comme celles des muscles à contraction involontaire, elles se ramifient dans tous les sens pour constituer une sorte de filet. Les contractions du muscle cardiaque sont provoquées par des impulsions nerveuses et électriques qui prennent naissance dans une zone bien précise, dans la partie haute de l'oreillette droite : dans le noeud sinusal de Keith-Flack qui est relié à deux autres zones actives du coeur. Dans les exercices violents, le débit cardiaque peut dépasser 20 litres par minute alors que le débit au repos est d'environ 5 litres. La fréquence cardiaque peut dépasser les 200 pulsations/minute (selon l'âge). Le coeur étant lui-même un muscle il se doit de se nourrir lui-même. Le sang lui parvient par les artères coronaires, branchées sur l'aorte. L'énergie : Le muscle peut être considéré comme un moteur remarquable tant par sa simplicité que par sa nature. C'est un moteur chimique linéaire puissant et souple. Selon les cas son rendement se situe entre 25 et 40 %. Il fonctionne au glucose, carburant dans lequel se trouve le combustible : l'hydrogène. Ce dernier fournira le travail s'il est combiné à des quantités suffisantes d'oxygène que nous respirons. Pour que cela fonctionne il faut de l'énergie. Mais l'énergie libérée par la digestion de nos aliments n'est pas directement employée pour fournir le travail du muscle. Cette énergie est utilisée par nos cellules pour fabriquer entre autre une molécule : l'adénosine triphosphate ou ATP. En bref l'ATP est le lien entre la dégradation du glucose et le travail musculaire. Autrement dit le glucose fournit l'énergie pour la formation de l'ATP et la dégradation de l'ATP fournit l'énergie pour le travail musculaire. Nos cellules musculaires contiennent normalement de l'ATP mais en quantité limitée. Dès le début du mouvement les cellules devront produire de l'ATP de façon différente selon l'intensité et la durée du mouvement. L'organisme dispose de trois moyens différents pour produire l'ATP, qui sont : Filière n°1 : par métabolisme anaérobie alactique : sans utilisation d'oxygène et sans production d'acide lactique (déchet) Ce procédé de fabrication d'ATP est de courte durée et est utilisé lors des sprints courts et démarrages brefs. Cette filière utilise une molécule appelée créatine phosphate emmagasinée en petite quantité dans le muscle pour produire l'ATP. Filière n°2 : par métabolisme anaérobie lactique : sans utilisation d'oxygène mais production d'acide lactique. Au cours de ce procédé les stocks de créatine phosphate étant épuisés, c'est la dégradation du glucose qui fournit la nouvelle source d'ATP. En l'absence d'oxygène ces réactions chimiques en chaîne produisent l'acide lactique. L'activité peut durer quelques minutes au plus. Filière n°3 : par métabolisme aérobie. C'est l'activité d'endurance qui utilise le glucose en présence d'oxygène. Elle a une capacité énorme puisqu'elle dispose d'environ 500 g de glycogène contenu dans les muscles et 100 g stocké dans le foie. Cette réserve est suffisante pour soutenir un exercice énergique pendant plusieurs heures, au-delà les principaux carburants énergétiques sont les lipides ( graisses) Commentaires : La filière n°3 est dominante lorsque la quantité d'oxygène est suffisante pour "brûler" entièrement les molécules de glucose. La filière n° 2 intervient lorsque l'apport d'oxygène est insuffisant et dans ce cas il y a production de déchets sous forme d'acide lactique responsable des raideurs, crampes et douleurs musculaires qui accompagnent la fatigue. Entre chacune des trois filières existent des zones de transition avec plus ou moins de dominante de l'une sur l'autre, le passage se fait graduellement. |
La graduation de l'intensité de l'effort dépend du nombre de fibres musculaires recrutées. Une fraction seulement de la totalité des fibres est engagée dans le processus de contraction. Ces fibres utilisent l'énergie de l'ATP. Pendant ce temps, les fibres inactives sont le siège de la synthèse de l'ATP. Ce fonctionnement alternatif et économique permet, selon l'intensité du travail, le prolongement de l'exercice. Lorsque l'intensité de l'exercice s'accroît, l'activité nerveuse augmente sa fréquence en recrutant de plus en plus de fibres et l'exercice exige de plus en plus d'énergie. Alors les conditions d'équilibre entre la dégradation et la resynthèse de l'ATP peuvent être rompues. La durée de l'effort, de l'exercice sera écourtée par la prépondérance de la filière n°2 qui produira de l'acide lactique ( on appelle ce phénomène en cyclisme : se mettre dans le rouge) Les glucides : Les sucres ou glucides sont des carburants de choix pour une activité sportive intense. Néanmoins il faut établir une distinction entre les sucres rapides "domestiques" qui ont une fâcheuse tendance, faute d'utilisation immédiate, à constituer des graisses de réserve indésirables et les "glucides complexes". Ces derniers, comme le riz, les pâtes, les pommes de terre et les céréales sont les seuls carburants non polluants de notre alimentation. Quand ils "brûlent" l'organisme les transforme entièrement en énergie sous forme d'ATP, en gaz carbonique éliminé à chaque respiration, et en eau par la transpiration. Lorsque les réserves de glucose sont épuisées le corps "brûle" les graisses mais pas complètement. Naissent alors des sous-produits toxiques comme les corps cétoniques qui sont les ennemis des top-niveaux Il est donc conseillé pour nous les cyclos chasseurs de cols de bien doser la ration de glucides complexes en fonction de notre activité et de consommer des glucides spécifiques pendant l'exercice. Les limites physiologiques : Le cyclotourisme pratiqué raisonnablement est considéré comme un sport d'endurance à dominante aérobie ( filière n°3). La réussite dans cette activité (comme dans les autres activités sportives) dépend, par ailleurs, des facteurs limitant liés aux systèmes suivants : a) VO2 max : C'est la mesure du débit d'oxygène maximal à l'effort en une minute, elle s'effectue en millilitre par kg de poids. Elle correspond à la quantité maximale d'oxygène qu'un sujet peut prélever au niveau pulmonaire, transporter au niveau cardiovasculaire et, finalement consommer au niveau des cellules musculaires. Chez les non-sportifs les valeurs se situent entre 35 et 45 millilitres/min. Un athlète normal atteint entre 50 et 60. Le record connu appartient à Hinault qui a atteint 92, Indurain 90. La VO2 max. de nos compagnes est inférieure d'environ 15 % à celle des hommes. Un entraînement bien conduit et ce malgré l'âge peut augmenter la VO2 max. Plus elle est élevée plus le sportif pourra soutenir des efforts intenses sur une plus longue durée. Il récupérera mieux entre les exercices et produira moins de déchets. Autre facteur : plus la masse grasse est élevée, plus la VO2 max. est réduite. On sait par ailleurs qu'elle est d'origine génétique mais pas dans quelle proportion. b) Seuil anaérobie : La dégradation du glucose se faisant en absence d'oxygène, il désigne le niveau de l'intensité de l'effort à partir duquel, lorsque l'effort est poursuivi et intensifié, on observe un excès d'acide lactique dans les muscles et le sang, une augmentation de production de gaz carbonique de la ventilation pulmonaire. Plus ce seuil est élevé, plus le sujet peut utiliser de manière efficace sa VO2 max. Il est également lié à une fréquence cardiaque bien déterminée. c) Les muscles : Le muscle est composé de deux grands groupes de fibres : celles à contraction lente et celles à contraction rapide. On comprend donc qu'il y a des coureurs de vitesse où les fibres rapides dominent et à l'inverse des sportifs d'endurance où les fibres lentes sont majoritaires. Un sportif qui possède une morphologie d'haltérophile ne peut pas devenir un marathonien et vice-versa. Le pourcentage de fibres de chacune des catégories est bien défini dès la naissance et ne peut se modifier que dans une certaine limite. Par exemple, dans les sports d'endurance l'entrainement peut transformer certaines fibres rapides en fibres lentes. Un mot sur les protéines : elles constituent la base des structures contractiles des muscles. La pratique sportive accroît les besoins en protéines dans une certaine mesure. Un apport judicieux et qualitatif de protéines est donc favorable, sans pourtant en abuser. d) Le coeur : Le frein à l'exercice musculaire peut être d'origine cardiaque. Il est bien évident que le coeur, à la fois pompe circulatoire et muscle lui-même, doit recevoir un apport de sang proportionnel aux besoins de sa contraction et cela ne peut se faire que par la circulation coronaire nourricière du coeur. Au repos la circulation coronaire représente en moyenne 250 millilitres par minute chez l'homme, un peu moins chez la femme. Mais à l'exercice d'après les spécialistes elle ne peut être multipliée que par 5 au maximum. C'est donc dans la limitation de ce débit coronaire que réside la première limitation des possibilités physiques. D'autre part, il existe une fréquence de contraction au-dessus de laquelle le coeur ne se remplit plus assez pour que la fréquence maximale efficace continue à augmenter. C'est la deuxième limitation qui peut très bien cohabiter avec la première. Conclusion : Les limites physiologiques connues et comprises nous donnent une idée de notre potentiel physique qui varie d'un individu à un autre. Il ne faut donc pas vouloir accroitre force et endurance au-delà de ses propres limites qui sont fonction de l'acquit génétique, de l'âge et de l'état de chacun. Le compteur de bicyclette à fonctions cardiaques est un instrument précieux qui donne la possibilité d'éviter la "zone rouge" préjudiciable à notre "capital santé" mais son utilisation n'aura aucun sens si le sportif ne connait pas sa fréquence cardiaque maximum ( FCM), sa VO2 max. et son seuil anaérobie. Les lecteurs désireux de connaître leurs limites physiologiques peuvent s'adresser à un centre médico-sportif ou à un service de médecine du sport connus de leur médecin ou de leur club. Ils connaîtront alors les données précises pour mieux entretenir leur endurance, reculer le seuil de fatigue, améliorer la VO2 max et reculer le seuil anaérobique. Ils pourront aussi évaluer le temps de récupération à respecter entre deux sorties. Les néophytes de la montagne qui sont déçus pour avoir mal abordé les cols auront une nouvelle chance qui leur donnera la réussite. Théodore BUIZZA n°3912 de TOUL (Meurthe et Moselle) |