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Randonnée vers les sommets

Revue N° 26 Page 77

Profitant de quelques jours de vacances passées chez ma fille à Carros dans l'arrière pays niçois, je m'étais promis d'aller "faire" la Bonette, un col légendaire que je n'avais jusque-là jamais eu l'occasion de franchir.

Départ de la vallée du Var pratiquement au niveau de la mer, tôt le matin pour éviter la grosse chaleur annoncée, pour un périple de 180 km environ, passant par l'un des plus hauts cols routiers européens, entouré de ses quatre satellites à plus de 2000 m, eux aussi.

Commence bientôt la longue remontée de la vallée de la Tinée entrecoupée de défilés et d'impressionnantes gorges : route encaissée longeant le torrent et surplombée d'énormes chaos rocheux au coeur desquels elle a été taillée. Vers Saint Sauveur, les gorges de Valabres offrent un décor différent avec leurs masses schisteuses de couleur violacée, spectacle magnifique ! Traversée d'Isola, sur la droite des panneaux indiquent la direction de la station de ski (Isola 2000) et celle du col de la Lombarde (2350 m), ce sera pour une autre fois.

Une bonne cinquantaine de kilomètres de faux plats à 2 ou 3 % ont été parcourus et me voici à Saint Etienne de Tinée (1144 m), véritable pied de l'ascension (25 km à 7 % de moyenne). J'enclenche tout de suite un 28x18 qui me convient très bien et m'élève tranquillement sur une route ombragée longeant constamment la tumultueuse Tinée aux eaux turquoises. Un peu plus haut, la belle cascade de Vens éclabousse les rochers environnants, apportant de la fraîcheur appréciée et...je suis heureux sur ma randonneuse.

Bientôt le petit hameau du Pra se profile entre deux éboulis : c'est un sanctuaire de la randonnée pédestre, de nombreux sentiers balisés y convergent : le GR5, GR 56 et autre P.R. Ca et là plusieurs groupes de marcheurs se rassemblent pour un tour des cimes qui doit valoir le déplacement.

Un peu plus haut, une voiture garée autour de laquelle s'affairent quatre cyclistes équipés de vélos de course dernier cri. Sans doute vont-ils monter la Bonette ? Je poursuis ma route... La forêt a maintenant disparu laissant place à la caillasse et aux pentes arides où poussent néanmoins de jolies fleurs de montagne ; plus le moindre espace ombragé. Les lacets se succèdent à perte de vue, il faut faire preuve de beaucoup de patience !
Un petit détour sur la route pour emprunter les 300 m du chemin muletier conduisant au col de Fourches (2261 m), vue imprenable sur les crêtes marquant la frontière franco-italienne. Je rejoins le macadam pour atteindre le Raspaillon (2513 m). une hermine vite identifiée au pelage marron et à la queue noire jaillit soudain devant mes roues et bondit vers les multiples mares d'eau reliées entre elles par de fins ruisselets formant la source de la Tinée. Le petit mustélidé trouve sans doute en ces lieux un terrain de chasse (donc de vie) idéal.

Le col de la Bonette n'est plus qu'à quelques kilomètres lorsque deux des cyclistes vus plus bas me dépassent hors d'haleine. Ils raconteront sans doute qu'ils ont gravi la Bonette sans préciser qu'ils sont partis du Pra... Ainsi, on peut très bien faire le Galibier en partant de Valloire, la Colombière du Reposoir ou le Tourmalet à partir de Barèges... Facile un plus de 2000 dans ces conditions !

Après le col, je poursuis jusque "la Cime" (2802 m) au prix d'un effort total pour gravir ces derniers 800 m à plus de 15 % parait-il. La vision périphérique sur le parc national du Mercantour offre une immense récompense que je savoure en avalant mes sandwiches.

Descente prudente de la cime au col, un petit crochet pour franchir le muletier du Restefond (2692 m) et je m'engage sur la piste en caillasse menant à la Moutière (2454 m) joli col peu fréquenté si ce n'est par quelques vététistes, et où mon 650 convient parfaitement. L'autre versant par le valon de Sestrière est en revanche macadamisé : c'est une petite route sinueuse et verdoyante, géniale et faite sur mesure pour le cyclotourisme, qui vous descend jusque Saint Dalmas le Selvage (1500 m) humble village endormi dans la fournaise retrouvée de cet après-midi estival. A la terrasse ombragée d'un café, j'y déguste une bonne bière tandis que défilent dans ma tête les images sublimes des paysages conquis tout au long de cette mémorable journée.

En pente douce avec vent favorable, les soixante derniers kilomètres me ramenant au bercail se feront pratiquement en roue libre.

Pierre ETRUIN N°341

de BAVAY (Nord)


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