Des pages lues et relues, des récits mille fois entendus m'avaient convaincu, que le jour de ma "cessation d'activité" arrivé, septembre me conduirait vers l'île de beauté... ... Là, au pays des mille criques ; là où la garrigue fleure bon la myrte et l'arbousier ; là où le bleu des bleus vous éblouit ; là où la roche est rouge, la roche est blanche, la roche est grise ; là où le sable est blanc, le sable est gris, le sable est... galet ! Une montagne dans la mer dit-on : des montées infinies vers les majestueuses aiguilles de Bavella où les splendeurs ocrées de St Eustache se mêlent aux lourds nuages noirs zébrés du feu du ciel qui déversent ce trop plein nécessaire, et puis, soudain, ce rai irisé éclairant les monts de Sartène...! Images... Images fixées à jamais. Plaisir de la vue, plaisir de l'odeur, plaisir de la vue et de l'odeur à Cargèse devant un mets au bruscio ou encore à Calvi devant un flan à la châtaigne accompagné d'un gouleyant Fiumiccicoli. Oubliée pour un jour, la retenue ; aujourd'hui tout est délice ! Demain, il fera beau sur les plages de Palombaggia ou de Santa Guila. Nos randonneuses embaumées à l'eucalyptus, et l'eau encore douce d'un été qui mourra bien plus tard, nous accueillera l'espace d'une halte réparatrice avant d'aller voir sur les hauteurs si les ondées de la veille n'ont pas éveillé les girolles et arrosé les cyclamens. Souvenir de la place de Bastelica où, loin des tumultes ajacciens du matin, la statue de Sampierro Corso sera témoin d'agapes rapides prises sur ses marches séculaires ; souvenir des jeunes chèvres intéressées par le cuir de mes... sacoches ; souvenir encore d'un café serré servi au bar du "Farniente" surplombant le golfe de Valinco ; souvenir aussi, du col de la Guardia et de ses 19 mètres. Tant et tant d'impressions fugaces, vécues dans l'instant, mais difficiles à partager ensuite. |
Comment chasser de soi-même les images négatives mais, pourtant bien réelles, d'une Corse rebelle sentant encore trop souvent la poudre, alors que tout semble vouloir inciter à la paix. Pourquoi les "nemrods" des montagnes s'ingénient-ils à modifier plus ou moins artistiquement les panneaux indicateurs de tirs nourris de gros calibres, au retour d'une infructueuse chasse au sanglier ? Pourquoi le magnifique col de San Martino sentait-il autant le roussi ? Trop de questions sans réponse s'entrechoquent en moi depuis mon retour vers un quotidien plus modeste, depuis que j'ai repris contact avec des paysages aux vallonnements plus doux et sans doute un peu moins excitants. Près de ma maison, la côte de Bazus n'aura jamais la saveur des calanques de Piana ; la montée du Cammas ne me conduira pas vers un point de vue de Coti-Chiavari ; la vallée du Girou sera moins profonde et moins mystérieuse que les gorges de Spelunca... mais, qu'y faire ? Les mets les plus ordinaires peuvent mettre en valeur les plus élaborés. J'espère, un jour prochain, les déguster à nouveau. Michel SAVARIN N°2739 de FOSSAT (Haute-Garonne) |