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Le Morvan, ou la montagne cachée

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Chaque année, je découvre un nouveau bijou pour grimpeur passionné. Celui-ci, (en faisant encore un peu de publicité) une randonnée permanente fantastique (à label) : Les Monts du Morvan : 223km, 3300m de dénivelé et... PAS UN COL ! A méditer ; ce n'est même pas pensable !!!

Parti un matin d'août, de très bonne heure de St-Honoré-les-Bains, très vite la petite route sinueuse s'élève vers le brouillard qui tapisse la base des monts feuillus entourant la station thermale. Les chemins sont de petits rubans gravillonnés se faufilant parmi la fougère et les prés torturés par le relief où des vaches vaquent à leurs travaux digestifs. Les trente premiers kilomètres sont une montée interminable où la sueur se mêle à l'humidité du brouillard qui a tout envahi. Bientôt, c'est le domaine de la forêt obscure qui a dû entendre, il y a deux mille ans, retentir quelque cri de guerre gaulois, saisissant d'effroi la patrouille romaine. La montée vers le Haut Folin, avec ses passages à 16 % ne laisse pas le grimpeur glacé d'effroi, mais suant d'efforts. Au sommet, le brouillard se déchire, libérant un soleil qui met en valeur une palette de verts, luisante de gouttes de condensation. Un cerf bondit sur la route, majestueux, toise la vallée plus bas et disparaît dans la futaie tel un félin.

Puis, c'est la descente sur Arleuf avant d'attaquer la terrible montée vers Château-Chinon dont on aperçoit la cité, bien longtemps avant d'y pénétrer. A peine traversée, on longe les rives du lac Chaumard et ses eaux immobiles dans lesquelles se mire l'armée des arbres gigantesques qui l'entourent. Tout est tranquille, et à chaque détour, on s'attend à rencontrer le vieux druide qui nous racontera les légendes qui hantèrent la région. Mais, je n'ai guère le temps de me laisser emporter par mes hallucinations, car le relief devient de plus en plus exigeant : la montée vers Ouroux-en-Morvan n'a rien à envier à un col (8 km à 7-8 %). Un peu de descente me conduit au Saut du Gouloux et ensuite, les montées successives vers le dolmen de Chevresse par une route où le VTT est à conseiller et surtout vers la maison forestière du Breuil (2 km à 14 %), vous font presque préférer notre bon vieux Tourmalet. Mais quelle sensation de solitude ! Reste à rejoindre Saulieu, terme de ma première journée de grimpeur morvandiau. Ce soir, je ne dînerai pas chez " Loiseau ", je me contenterai seulement d'un petit Hôtel-restaurant où l'on me servira des... pâtes.

Lendemain matin, le temps est au beau et le soleil va vite venir. Je commence par de la descente sur 25 km et me retrouve dans le Morvan proprement dit. Les routes deviennent sinueuses et traversent de sombres forêts. Je suis déjà sur le 30x28 à l'amorce de la montée vers Anost. Une brise fraîche me dessèche le visage tandis que mes yeux restent rivés sur la ligne bleue des sapins, cherchant l'ouverture annonçant la fin de la montée. Arrivent les gorges de la Conche avec ses pentes abruptes faites de rochers et peuplées d'arbres aux formes tourmentées. Partout, c'est le silence, profond, déchiré seulement par le cri strident du rapace en chasse. Ici, la forêt offre une symphonie d'obscurs ocres et noirs ne livrant aucun secret aux regards et exhale des odeurs de terre humide mêlées de parfums de champignons ou de myrtilles. Parvenu à Glux, je m'arrête pour cause de ravitaillement - véritable problème, vu l'exode rural - et me prépare à entrer dans l'ancienne capitale gauloise de Bibracte.
Ma rencontre avec ce gîte chargé d'histoire (César y aurait rédigé sa fameuse histoire sur la guerre des Gaules) va s'avérer plus qu'éprouvante. En plein centre d'une immense forêt de hêtres et de chênes, il me faudra gravir 2 kilomètres à 20 % pour pouvoir parvenir sur un plateau balayé par un vent froid ; mais là, quel point de vue (jusqu'au Mont-Blanc, paraît-il) ! C'est grandiose ! Je suis en effet au Mont Beuvray, livré aux archéologues qui découvrent des traces d'une civilisation extrêmement féconde, et poursuis vers le musée de la Civilisation Celtique, détour indispensable pour enrichir sa culture "gauloise".

C'est la descente sur St-Léger-sous-Beuvray qui me permet de récupérer un peu, mais bientôt, je serai de nouveau secoué par le terrible retour à St-Honoré. Au loin, le Mont Genièvre se profile ; il va falloir le contourner sans toutefois pouvoir éviter du dénivelé. D'abord, c'est la grimpée vers Larochemillay où l'on croit n'avoir plus qu'à descendre vers l'arrivée ; c'est sans compter sur l'itinéraire qui bifurque sur Montjuan et Sanglier où des portions à 10 % finissent par vous laminer les mollets. A la forêt a succédé maintenant le bocage où paissent de paisibles ruminants à robe beige : les charolaises (à vos fourchettes, c'est plein de vitamines et... vous en aurez bien besoin !)...

Parvenu au terme de cette belle randonnée, je ne pourrai que me tourner vers Monsieur Chauvot pour lui demander s'il peut aller faire un tour dans la région. Si un col est un passage entre deux vallées, sûr qu'il en trouvera au moins une bonne dizaine à inaugurer.
Dites-lui que je fournis les rubans !!!

Jacques TOUSTOU N°3172

d'EAUBONNE (Val-d'Oise)


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