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Hendaye - Cerbère

Revue N° 28 Page 76

(ou comment relier l'Atlantique à la Méditerranée)

Tout avait commencé l'hiver dernier lorsque, au cours d'un repas, Guy avait proposé négligemment "Et si on faisait Hendaye-Cerbère ?", fourchette en l'air et sourire en coin... J'avais compris. Avec lui, André, Jean-Marie, votre serviteur, nous tenterions l'aventure. A ces quatre, au dessert, vint s'ajouter Georges qui avait accepté le rôle de chauffeur, directeur sportif et supporter de l'équipe.

Et la veille du départ, nous sommes tous les cinq aux anges. Nos épouses, qui ont l'habitude, nous ont regardés partir avec le sourire. Elles savent qu'au départ, nous sommes comme des gosses devant un gâteau ! A Hendaye, nous ne rigolons plus en découvrant que notre hôtel voisine la gare de triage et ce n'est pas le souvenir de Pierre Loti qui vécut ici, qui nous fait passer une nuit blanche.

Le lendemain matin : après "LA" photo de notre départ, nous donnons nos premiers coups de pédales, direction le col de St-Ignace au pied du et sans ennui, nous traversons St-Jean-Pied-de-Port noyé de soleil. Georges nous a rejoints lors de l'arrêt pique-nique. Le col d'Osquich : là, ça devient plus sérieux, car la pente s'accentue et cela fait mal aux jambes. Le Pays Basque n'est qu'une suite sans fin de vallées tortueuses où les montées y succèdent aux longs faux plats. Avec cette chaleur qui finit par devenir accablante, nous boirons plus de cinq litres d'eau chacun durant cette journée. Nous arriverons au terme de cette étape de 180 km auxenvirons de 18h, surpris d'avoir eu à tant forcer dès le premier jour.

Deuxième jour, l'étape la plus courte : 140 km, mais la plus dure. Jugez plutôt : Aubisque, Soulor, Tourmalet, Aspin... digne de l'étape de légende ! L'Aubisque comme petit déjeuner, ce n'est pas l'idéal ! Guy ne ratera pas l'occasion de nous lancer en traversant Gourette : "je m'en gourette que ce soit si dur". A la sortie de la station, nous ne l'entendrons plus et idem pour tous les autres. Passé le col, la route domine le cirque du Litor, passage le plus saisissant si ce n'est le plus mythique du parcours. A 11h 30 nous voilà parvenus au Soulor. L'occasion de déguster son fromage et rapide dégringolade sur Arrens et Argelès.

Nous savons que la montée vers Luz est longue ; aussi, essayons-nous de faire le plus possible de route avant le déjeuner. Un coin d'herbe au bord du torrent, quoi de mieux ? Seulement voilà ; je n'arrive pas à avaler et comment passer le Tourmalet le ventre vide ? C'est sans trop d'illusions que je remonte en selle. Au pont de la Gaubie, arrêt, et là, ô miracle, l'appétit revient ! Un énorme sandwich au jambon est englouti le temps qu'André avale son tube de miel sans prendre le temps de respirer. Maintenant, la route est tracée à flanc de montagne sur des portions raides et découvertes. Au loin, le pic du Midi impressionne d'immensité et nous nous sentons minuscules. Une heure plus tard, nous serons là-haut : l'arrêt à la Gaubie nous a été bénéfique !
Après la descente sur Ste-Marie-de-Campan, la remontée vers l'Aspin, dernière difficulté du jour nous attend. Nous y allons, et chacun pour soi : André, décidément en forme, accélère et nous laisse sur place ; dans la descente sur Arreau, André encore, et moi-même, descendons à tombeau ouvert ; Guy est plus sage tandis que Jean-Marie, très prudent depuis sa terrible chute, traîne à l'arrière.

Troisième jour : le Peyresourde pour débuter. Tout le monde démarre prudemment, sauf peut être encore Guy qui nous distance sans un regard. Reste beaucoup à faire, avec entre autres, un col qui se nomme Portet d'Aspet. Pas haut 1069 m, pas long 4,500 km, mais un véritable mur avec une déclivité qui va jusqu'à atteindre les 17 %. Nous restons en équilibre sur cette route fraîchement gravillonnée. Au sommet, Guy se précipite sur la fontaine, se trempe, boit et reboit de cette eau presque glacée (c'est après midi, il le paiera). La descente est une fournaise et dans la traversée de St-Girons, un véritable sirocco nous assomme littéralement. Un premier diabolo menthe ne réussira même pas à nous désaltérer. Dans le col de Port, nous calquerons notre allure sur celle de Guy, car il ressent les premiers troubles : l'eau glacée commence à faire son effet.

A l'aube du quatrième jour, le Puymorens nous attend ; il est long, long... long de 28 km avec ses voitures et ses voitures et encore des voitures, à croire que la terre entière s'est donné rendez-vous en Andorre. La bifurcation qui nous permet de quitter ce grand axe routier est la bienvenue. Le Puymorens est notre dernier grand col et le sourire, même un peu figé, est de rigueur. Après un bon repas pris à Bourg-Madame, je décide d'aller de l'avant seul, malgré la chaleur. Les copains me rattraperont au col de la Perche et ensemble, nous atteindrons Mont-Louis. Maintenant, " y a plus qu'à " se laisser glisser vers Thuir qui nous accueille pour la dernière nuit.

Dernier jour : c'est presque fini ! Une petite côte et Argelès, et la voilà... Oui, elle est là devant nous, notre Méditerranée. Les passants ne comprennent pas notre joie en nous faisant photographier devant le panneau "Cerbère". Il est onze heures quand est donné le dernier coup de tampon.

Dire qu'il y a moins de cent heures, nous étions à Hendaye. C'est si près et si loin à la fois !!!

Jean LENFANT N°1091

de SAINT-VINCENT-de-B... (Hérault)


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