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Les montagnes de Sion

Revue N° 28 Page 75

J'habite un petit coin sympathique de Loire-Atlantique : Sion-les-Mines. Je peux y circuler tranquillement à vélo sans y être gêné par les automobiles. Il y a des bois, des forêts, des étangs, des rivières et, selon les saisons, une multitude de fleurs multicolores, des oiseaux de toutes sortes, du martin-pêcheur à la buse variable. Les mammifères n'y sont pas en reste ; chiens - pas toujours aimables - chats, bien sûr, chevaux respectables, ânes charmants, mais aussi, des chevreuils, des renards, et même des sangliers et des blaireaux, sans compter toute une faune de petits rongeurs et des insectes, pas plus agressifs qu'ailleurs.

Donc, tout serait parfait, si je n'étais pas un insatiable chasseur de cols, et, hormis trois cols en Bretagne et le fameux Saint-Sulpice en Mayenne, c'est le désert, le terrain étant quasiment plat.

Mais, grâce à la revue des 100 cols, moi qui ne savais à quel saint me vouer, j'ai trouvé le moyen de sublimer mes parcours. Nos amis belges m'ont sauvé de l'ennui et peut-être de la neurasthénie. Ils ont déniché une profusion de cols. Et bien ! moi aussi j'en ai découverts, enfin presque, car en fait je les ai inventés. 12 ! dans un rayon de moins de 10 kilomètres. J'aurai même pu en créer davantage, mais, je risquais de ne plus être crédible.
Je vous présente donc la quintessence de mes virées cyclistes.

J'entre directement dans le vif du sujet en franchissant le Seuil du Portail de mon jardin. C'est toujours assez dur à froid. Je mets petit et je ne force pas, car le sommet du Col Christian (106 mètres) m'attend à moins de 500 mètres. Je l'aime tant ce col que je lui ai donné mon prénom (Oui, Oui, je sais pas très modeste ceci !). Ensuite, je file vivement vers Saint-Sulpice des Landes et j'attaque les 60 mètres du Col de la Tante Jeannette (une de mes tantes bien sûr !). 7 kilomètres plus loin, c'est le Pas de la Poubelle, près de la Dominelais où le maire veut implanter une décharge pour produits toxiques, un secteur que je serai obligé d'éviter si le projet se concrétise. Sur la gauche, une petite départementale où les voitures sont aussi rares qu'une éclipse complète, m'amène en bordure du bois de Thiouzé vers l'adorable col de Cherhal (là j'ai emprunté le nom du hameau le plus proche). Puis c'est la descente et une période de récupération en attendant la Baisse de la Tour-Saint-Clair, dont le château fut détruit au cours de la guerre de 100 ans par Du Guesclin.

Après ce hors-d'œuvre d'une vingtaine de kilomètres, s'écoule un long temps mort d'une quinzaine de bornes où il faut se risquer sur la route Redon-Châteaubriant dans un trafic assez conséquent. Si on a eu le bonheur d'échapper aux bolides prédateurs, c'est un régal d'escalader le peu pentu Collet de l'Homme sans Tête, sans que le compteur ne descende sous le 30 km/h, il faut juste freiner un peu au sommet, pour bifurquer sur la droite. (Dans cet Homme sans Tête, certains crurent reconnaître Quemeneur qui faillit perdre la sienne lors de la fameuse affaire Seznec. Mais la piste, malgré un reportage TV, ne fut pas retenue).
C'est alors la plongée vers la Chère, petite rivière omniprésente et idyllique, compagne de mes pérégrinations. Ce charmant cours d'eau m'encourage car le Col de la Grippais se profile (toponyme) redoutable avec un passage de quelques mètres avoisinant les 10 %. Mais je suis déjà à Saint-Aubin-des-Châteaux et je m'engouffre dans sa tortueuse descente. L'autre versant, en lacets, deux au total, me propulse à 140 mètres, au sommet du Collet de la Guêpe, où je fis un jour la douloureuse connaissance de la maîtresse des lieux, une jolie dame jaune et noire, dangereuse, tenace et efficace. Il ne faut donc pas s'y attarder : Vite ! Demi-tour ! Et opter pour le Portet de la Délivrance, 140 mètres également, ainsi appelé, car, après un vrai billard de 16 kilomètres, il mène à Châteaubriant. Mais aujourd'hui, c'est le summum de l'escalade et je reviens sur Saint-Aubin-des-Châteaux. (Tiens, j'aurais pu ajouter un treizième col, je vais étudier la question !... Plus tard car le numéro 10 s'impatiente). Le Port de Chahin (toponyme encore), 60 mètres, un petit raidard vicieux que je vais prochainement rebaptiser me coupe le souffle et se prolonge par un faux-plat pernicieux. Et maintenant, vient le moment d'affronter le redoutable Col du Chien Méchant, par la route des crêtes, facile, comparé à sa face Ouest, où la pente va crescendo sur un kilomètre. Non, la difficulté essentielle de l'obstacle réside dans la présence quasi permanente du chien. Un féroce, un teigneux à la mâchoire d'acier, à la pointe de vitesse irrésistible, de surcroît grand amateur de mollets et de fesses, et qui se montre viscéralement allergique aux vélos. Comble de perfidie, ce monstre est silencieux. La seule chance du cycliste est que la bête soit occupée ailleurs. Si l'on aperçoit son museau, le salut consiste en une retraite éclair. Cependant, le molosse est sournois, et surgit souvent alors qu'on savoure sa victoire. Bref ! Ce col, on doit l'aborder seulement les jours de grande forme ; la suite est une simple formalité car, le dernier rempart, la Brèche des Poires, en hommage à un poirier et non pas à de vulgaires pigeons, (le nom du prochain village est La Cramoisière qui est aussi une variété de ce fruit) se négocie en descente et il ne me reste plus que deux kilomètres et la première partie du Col de Christian pour agrémenter ma liste de 12 nouveaux cols et cela en 60 kilomètres.

Merci amis belges et, si vous passez à Sion-les-Mines, je me ferai un plaisir de vous faire découvrir le "Pays des Trois Rivières".

Christian CAMOZZI N°3733

de Sion les Mines(Loire Atlantique)


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