La lecture de la revue du Club des "Cent Cols" ravive de nombreux souvenirs montagnards dont certains demeurent plus vivaces en raison des circonstances. C'est ainsi que le récit de René Codani" Le bout du tunnel " (revue n°29-2001, p.49) m'a ramené une vingtaine d'années en arrière où il m'est arrivé la même (més)aventure. A cette période, comme je le fais encore actuellement avec mon ami Jean Barrié, je partais de temps en temps pour des campagnes de cols (souvent muletiers), généralement en compagnie de deux compères, Jean-Jacques Laffitte et Alain Migot, certaines fois seulement, avec l'un ou l'autre, comme ce fut le cas ici avec le dernier nommé. Nous étions tous équipés de randonneuses 650 B avec pneus de 35, à une époque où l'inexistence des VTT ne nous empêchait pas de quitter le goudron avec nos robustes machines de route, toujours performantes et fiables. Ce jour-là, Alain avait prévu un long circuit muletier depuis La Brigue nous faisant parcourir, si ma mémoire n'est pas trop défaillante, la route stratégique du Mont Saccarel au col de TENDE. Le temps était beau et propice aux photos, notre programme se déroulait sans problème particulier malgré un départ trop tardif, Alain n'étant pas un lève-tôt. Alors qu'après notre pique-nique nous déambulions depuis des kilomètres sur un chemin caillouteux en corniche, nous nous sommes trouvés face à un engin de travaux publics qui obstruait le passage. En proie au vertige, j'eus les pires difficultés pour passer cet obstacle dans la mesure où la seule possibilité consistait à le contourner sur la droite côté précipice. La journée étant bien avancée, Alain, plus habile que moi, finit par perdre patience devant mes tergiversations et repartit sans m'attendre. Une fois sain et sauf de l'autre côté, je ne me pressais pas particulièrement pensant qu'Alain s'arrêterait sûrement pour que je le rejoigne. Il n'en fut rien ; sujet sans doute à un mouvement d'humeur d'autant qu'il s'était fait mal à une jambe (coup de pédale) en essayant de m'aider, il continua rapidement sur la lancée et, comme il me le raconta ensuite, entreprit immédiatement la descente depuis le col de Tende pour rejoindre La Brigue avant la nuit. |
Je me retrouvai donc isolé au niveau du col de Tende, à la nuit tombante, sans âme qui vive, avec uniquement la carte Michelin, insuffisante en la matière : Alain, qui avait concocté ce périple, possédait seul la carte IGN au 1/25000 indispensable pour la circonstance. Il m'avait pourtant bien expliqué la veille qu'un chemin sur la gauche difficile et très sinueux, marqué même, je crois, comme dangereux, permettait de redescendre directement en France, mais comme René Codani, je n'arrivai pas à le trouver dans l'obscurité naissante. Après avoir, pour explorer toutes les possibilités, grimpé jusqu'à un fort en cul de sac, j'atterris près d'une borne frontière d'où démarrait une petite route asphaltée plongeant vraisemblablement vers l'Italie, au fin fond de laquelle on apercevait de lointaines lumières. Je ne vis pas d'autre alternative que de brancher ma dynamo et de me lancer - très précautionneusement - dans la descente. Celle-ci fut interminable, d'autant qu'à chaque épingle à cheveux, ou virage très serré, j'étais quasiment obligé de mettre pied à terre, l'éclairage devenant alors insuffisant vu la vitesse réduite. Enfin j'atteignis à la nuit noire un village italien, et restais bloqué devant le fameux tunnel de 3 km interdit aux cyclistes. Malgré l'heure tardive (il devait être entre 21 et 22h), le douanier ou carabinier de faction m'interdit formellement le passage, exigeant que j'attende la venue d'un véhicule pour me transporter. Je pense avoir poiroté, en grignotant, au moins trois quarts d'heure avant qu'on me donne enfin l'autorisation exceptionnelle de traverser faute de voiture pour m'amener, quand justement arriva un camion rempli de légumes qui fut illico réquisitionné pour embarquer le cyclo et son vélo. C'est donc dans cet équipage que je fus véhiculé jusqu'à Saint-Dalmas, particulièrement frustré d'avoir manqué une belle et longue descente. Je repris alors ma machine pour atteindre notre hôtel de La Brigue, où j'arrivai passablement furieux : il n'y eut cependant pas de tempête, car je retrouvai un Alain assez inquiet, mais quand même serein comme le Ventoux car sans doute très confiant en mes capacités de survie ! Des souvenirs lointains qui ne s'effacent pas facilement même s'ils manquent de précision dans cette petite narration. Henri BOSC N°110 de ONET LE CHATEAU (Aveyron) |