Voilà deux ans que j'y pensais, que je l'inscrivais à mon «programme» mais il y avait toujours une bonne raison qui m'empêchait de réaliser l'ascension de ce col du Gondran ! En fait, inconsciemment je crois que j'appréhendais de m'y aventurer seul : une route militaire sur laquelle la circulation est interdite ne m'inspirait pas, non que j'aime le trafic automobile mais à un certain âge on appréhende l'isolement total, une chute ou un malaise peut survenir... Quoiqu'il en soit en ce lundi de début septembre radieux, je suis à pied d' oeuvre accompagné de mon bon camarade Joël, « Cent Cols » lui aussi. Tout est prêt pour la fête : un ciel bleu sans nuage, un soleil éclatant, une petite brise pour nous rafraîchir. Dès la sortie de Briançon la route s'élève, quelques kilomètres pour se mettre en jambes sur le revêtement roulant et peu après Fontchristianne nous abandonnons la route de l'Izoard en tournant sur la gauche pour emprunter cette route militaire aux panneaux rébarbatifs. Le début est peu engageant, beaucoup de trous et des «manques» de revêtement, par contre quel régal de pédaler sous les ombrages ! Très vite la pente s'accentue: tout à gauche et concentration maximum. Joël mène le train à mon rythme. Surprise ! après un virage nous voyons sur notre gauche des chasseurs à l'affût (c'est l'ouverture de la chasse) ; un sourire, une parole d'encouragement. Bientôt nous arrivons à proximité du fort de Briançon et un virage à droite très sec nous propulse dans une partie encore plus raide, il me semble. Maintenant seul le chant des oiseaux nous accompagne ; voilà la première arche percée dans le rocher, c'est superbe mais attention le goudron est parti… sur quelques dizaines de mètres seulement, heureusement ! Un peu plus haut, du talus surgit une perdrix qui enfile la route et nous ouvre la voie une bonne centaine de mètres, encore plus loin c'est un écureuil roux qui arrête de sauter de branches en branches pour nous regarder passer et semble se demander ce que nous faisons là ! Tout va bien, le rythme est régulier, la brise nous caresse, les kilomètres défilent et nous pouvons admirer, entre les arbres, le panorama extraordinaire du massif du Pelvoux et de ses névés qui me rappellent d'agréables descentes à ski (pendant ce temps là on ne pense plus à l'effort). Bonne surprise : un replat assez long nous permet de souffler et de se refaire une santé. |
Passé la deuxième arche, ou le petit tunnel, les arbres disparaissent. Après cet été torride tout est grillé, pas la moindre trace de vert, tout là-haut à la cime un fort monte la garde, nous approchons du sommet ? Soudain un coup de sifflet strident déchire le silence et nous fait sursauter : dans l'alpage un couple de marmottes dévale la pente à toute allure, la première vire brusquement pour s'engouffrer sous un rocher, l'autre emportée par son élan bascule sur la route et y effectue un roulé-boulé avant de regrimper vers son terrier, voilà un intermède bien agréable ! Encore quelques virages, le vide à notre droite est impressionnant, une dernière séance de danseuse et j'y suis ! Quelle joie, c'est grand, c'est beau! Joël tout sourire a déjà mis pied à terre, je le rejoins et nous nous donnons l'accolade : nous sommes tellement heureux d'être arrivés là ; un coup de flotte pour arroser ce nouveau plus de 2000 m, une barre de céréales, un dernier coup d'oeil circulaire pour mémoriser le panorama qui s'offre à nous, là le Granon, là-bas le Pelvoux, les forts qui surveillent les vallées et on va se lancer dans la descente. Merci à mon copain Joël de m'avoir accompagné, c'est un beau cadeau d'anniversaire pour mes 70 ans ! Et même si ce décompte n'est pas tout à fait juste, puisque déjà dépassé, j'ai envie que ce col superbe soit le 700ème de ma collection. Jean Marie Godard CC n°3341 |