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COUP DE FOUDRE

Revue N° 06 Page 09

Jolie, fine, élégante, racée, personne pour me rendre hommage. Pendant longtemps les regards m'ont effleurée, sont passés sur moi sans vraiment être accrochés. J'ai eu des moments d'espoir, de crainte, de désespoir. Brusquement, au moment de ma plus sombre nuit... l'illumination... deux lumières intenses me brûlaient de leurs feux. Les yeux extasiés de celui que j'attendais. Regard de joie, de rire, de doute de celui qui n'ose y croire, regard de vie, d'espérance, de promesses et d'amour. J'avais rencontré mon seigneur et Maître, mais aussi mon valet d'amour pour la vie.

Mon seigneur et Maître, je l'ai servi de mon mieux avec autant de joie et d'amour qu'il en a eu pour moi. Parée, pimpante, toujours brillante grâce à ses soins et ses attentions incessantes, jamais personne n'a pu dire qui de notre couple était le plus heureux. Bien sûr, nous l'étions tout autant, chacun à sa manière, l'un étant le complément indispensable de l'autre.

Notre roman d'amour a duré. Les Noëls, les 14 juillet, se sont ajoutés au fil des jours et des années, toujours traitée avec douceur et compréhension. Notre existence vagabonde fut pour nous le motif de nous réjouir toujours de nous être rencontrés.

Les plaines et les ruisseaux, les arbres des forêts, les montagnes majestueuses savaient nous reconnaître et nous aimer puisque nous les aimions.

Quelle fierté pour moi de voir dans ses yeux la joie du vainqueur d'un haut col de montagne ! Et aussi de sentir son regard adouci et reconnaissant de lui avoir fait éprouver une des émotions les plus profondes que nous puissions connaître parce que partagée. Seuls tous les deux, le ciel à portée de main, insatiables, nous pensions déjà aux rivages méditerranéens ou atlantiques, à ceux découpés et sauvages de la Bretagne, à la forêt landaise.

Il y avait le temps de la pause à la saison la moins favorable à notre vagabondage. Jamais oubliée, II venait s'asseoir tout près. Je devais avoir sur moi, imprimées par je ne sais quel sortilège, les vues des contrées parcourues. Dans ses yeux défilaient comme sur un kaléidoscope, des paysages connus mais aussi des sites paradisiaques, promesses de nos futures découvertes.

Longtemps, longtemps notre inséparable couple a communié dans l'amour de la nature. Et puis vient un temps où l'âge aidant, toute remplie de souvenirs, il a fallu savoir se retirer. Surtout ne croyez pas que je suis oubliée, que je suis triste. Je suis encore choyée, j'ai ma place au foyer et je ris bien des aventures de mon fils le Vélo. Un peu plus turbulent que je ne l'ai été (il faut bien que jeunesse se passe !). Il est sur la bonne voie et en bonnes mains. Il aime bien sa partenaire, 19 ans, je crois. L'avenir est à eux.

La vieille bicyclette de M. LAPEYRE.

René LAPEYRE

BIARRITZ (64)


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