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MON TOUR DU MONT BLANC

Revue N° 06 Page 26

La borne kilométrique indique "ALBERTVILLE 4". Dans moins d'un quart d'heure, notre périple sera terminé, il aura duré trois jours et nous aura permis de faire le Tour du Mont-Blanc.

Mais qu'est-ce donc que le Tour du Mont-Blanc ? De la façon dont il a été effectué par notre groupe de dix (dont une dame, un monsieur de 70 ans et un gamin de 14 ans), ce n'est pas une épreuve, mais au contraire, une très belle promenade dans un décor d'une beauté incomparable.

Dommage que le Mont-Blanc ait été, pour nous, comme l'Arlésienne. Nous en avons beaucoup parlé, nous ne l'avons pas vu.

Et pourtant...

Il a débuté au matin du premier jour, par une erreur d'aiguillage et un demi-tour dans une cour d'usine. Après quoi, nous avons eu droit à la cohorte motorisée que nous avons laissée, en partie, à Séez, quittant à regret la route de l'Iseran.

Mais la montée du Petit-Saint-Bernard remplace avantageusement celle qui fut la plus haute route d'Europe. Malgré ses 2188 m, c'est un col de famille que l'on atteint en douceur par une route qui se prélasse à flanc de montagne comme pour retarder le passage en Italie. La pente est régulière et les surplombs pas du tout vertigineux. La haute vallée de l'Isère vers le Sud, les agglomérations de Séez et de Bourg-Saint-Maurice apparaissent tour à tour au gré des méandres. La descente vers Courmayeur se fait prudemment. Un arrêt avant Pré-Saint-Didier pour contempler et photographier les Grandes Jorasses.

Mon tour du Mont-Blanc, c'est aussi l'hôtel Lanterna à Saint-Pierre d'Aoste, un gîte comme tant d'autres et qui n'aurait laissé qu'un banal souvenir s'il n'avait été le théâtre d'un petit incident.

Après avoir rangé nos bicyclettes en sécurité dans un garage, nous pénétrons dans l'hôtel par un escalier monumental, les bras encombrés de nos sacoches, car nous sommes entièrement autonomes et nous trimballons nos bagages.

En ce lieu, voué aux automobilistes, nous sommes le point de mire de dizaines de paires d'yeux qui prennent l'air à la terrasse.

Et voici que, sitôt entré dans ma chambre, je sens quelque chose qui descend le long de mes jambes. C'est mon cuissard dont la ceinture élastique a cassé et qui subit l'effet de la pesanteur.

Je tremble encore à l'idée du résultat si cela s'était passé quelques minutes auparavant, sans que je puisse m'aider de mes mains encombrées pour retenir mon unique pelure. Depuis ce jour, je porte des bretelles...

Notre Tour du Mont-Blanc c'est le ravitaillement d'Aoste, avant d'attaquer le Grand-Saint-Bernard où les commerçants, pour éviter de rendre la monnaie, arrondissent les comptes à la dizaine de francs supérieure.

Et puis, il y a le Grand-Saint-Bernard... J'avais toujours rêvé d'escalader ce col que je considérais comme gigantesque. Il l'est !

Le paysage change constamment que ce soit dans la montée irrégulière du début ou dans la deuxième partie, au-dessus de Saint-Rhémy où nous nous arrêtons pour manger et faire provision d'eau.

L'on peut croire un moment qu'on approche du sommet, mais un coup d'œil sur la carte démontre le contraire. Les derniers kilomètres sont vraiment à la dimension de ces montagnes qui dominent le minuscule ruban goudronné culminant à 2473 m.

Notre tour du Mont-Blanc, c'est aussi la déception d'arriver à cette altitude avec un soleil radieux et de plonger dons le brouillard sur le versant suisse. Tandis que les uns visitent, les autres photographient et se couvrent pour la descente. Heureux cyclo qui possède survêtement, gants et bonnet !

Plus bas, nous aurons le plaisir de prendre en photo des marmottes en semi-liberté dans un parc grillagé. Nous aurons de la pluie pendant une dizaine de kilomètres et ce sera le moment de la première (et dernière) crevaison. Le pneu a rendu l'âme, et il faut le remplacer à Martigny où nous arrivons avec une heure d'avance, les suisses ayant conservé l'heure d'hiver.

Le patron de l'hôtel du Grand-Saint-Bernard, prévenu de notre arrivée, sort pour nous accueillir et le chef cuisinier nous dit que nous pourrons récupérer nos forces avec ce qu'il a préparé. Avant qu'il ne se remette à pleuvoir, nous allons mettre nos montures au bercail.

Ensuite, il y a le troisième jour, le troisième grand col, mais pas aussi terrible qu'on ne l'imagine.

C'est la Forclaz qui débute au niveau des vignes qui ont donné ce bon vin de Gorron que nous avons dégusté hier soir au repos, et qui se termine à 1527 m pour basculer vers la France. A la frontière, au Châtelard, nous retrouvons le train que nous avons photographié, hier soir, en gare de Martigny. Au col des Montets, nous sommes dons la réserve naturelle des Aiguilles Rouges, en face des Aiguilles Vertes et des Drus qui percent les nuages.

Mon tour du Mont-Blanc, c'est le contrôle BPF d'Argentière par un hôtelier-cyclotouriste et la fourmilière de Chamonix. C'est la route de Chamonix ou Fayet, bourrée de voitures.

Ami cyclo, garde-toi bien à gauche, l'ennemi te frôle et revient sans cesse à la charge. Malheur à toi si tu essaies de t'octroyer un petit peu plus que les quelques décimètres dont tu as la jouissance. Même en te serrant bien à droite, il risque de t'arriver, comme à moi, un caravanier pressé qui double dans un passage très rétréci et qui m'arrache l'appareil de photos que j'ai sur le dos et que je rattrape au vol.

Le tour du Mont-Blanc, c'est enfin l'arrivée à Megève, après une très belle ascension vers Saint-Gervais et Combloux, et la descente vers Ugine sur une route "barrée" aux automobilistes - Une revanche !

A l'heure où j'écris ces lignes, mon tour du Mont-Blanc, c'est quelques centimètres carrés d'une médaille souvenir, c'est une photo sur laquelle je franchis la borne 33, au ras des névés, avant d'atteindre le Grand-Saint-Bernard, et c'est une carte expédiée par la direction de l'hôtel Lanterna qui nous apporte les vœux de nouvel an de l'autre côté des Alpes.

Maurice CAUBIN

GOURDAN (31)


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