MONOLOGUE AUTHENTIQUE La scène débute sur la route du col de la Bonette, un matin vers 7 h 30 : Où est-ce qu'elle est passée ? Je me suis a peine arrêté pour enlever mon survêtement et je ne la vois plus devant... Mais qu'est-ce qui lui prend ? Je roule à fond et je ne la revois pas. Elle va payer cet effort tout à l'heure. Elle manque vraiment d'expérience dans les grandes virées, faut dire que c'est son premier 4000(1)... Enfin… Je chasse depuis 5 km, la voilà... C'est vrai qu’elle enroule... Il ne fait pourtant pas chaud et je transpire déjà. Je ne vais pas la matraquer tout de suite, je vais d'abord respirer un peu... En fait, je ne respire pas tant que ça, elle tourne son 34 x 25 comme une hélice. Bousiéyas : c'est plus raide. Mais, çà ne va pas, non ?... elle me largue... "Du calme, rassieds-toi, reprends ton souffle... Tu vas la revoir bientôt, elle sera en travers, alors là pas de quartier, tu flingues tout de suite, tu l’écœures, quoi..." Qu'est-ce qu'elle fait là, un lacet au-dessus de mol, c'est pas vrai ! Alors attention, changement de tactique, je la laisse devant, je me contente de contrôler depuis l'arrière : 200 - 300 m derrière, et quand on arrivera au village en ruines, je lui reviens dessus. Ca ne marche pas comme prévu ! Je ne reviens pas, j'ai même l'impression qu'elle me prend du terrain... Elle arrive au Restefond, après c'est plus raide, elle va se planter ! Elle ralentit... Le problème, c'est que moi aussi je vais moins vite. Elle va me prendre plus d'une minute... Bon, admettons... Bien obligé, mais attention il reste deux cols, j'ai le temps de rétablir ma suprématie... Ce Col de Larche, j'aime pas, c'est trop roulant, pas assez dur. |
Elle est toujours là, dans ma roue ? Ca y est, voilà que ça lui reprend... Elle est passée. Elle est folle, elle ne se doute pas de la suite... Moi, dans la Lombarde tout à l'heure, c'est un quart d'heure, un bon quart d'heure que je vais lui mettre dans la vue. Bon, d'accord, 5 minutes en haut, mais j'ai pas forcé, je m'économise, moi ! On va voir ce qu'on va voir : la Lombarde c'est pas de la tarte... C'est plus raide que je ne pensais... C'est même un peu trop raide. J'ai mal aux jambes. Pas elle, on dirait... Enfin je ne me rends pas bien compte, vu qu'elle est devant... Qu'est-ce que je déguste, je suis au goutte-à-goutte.(2) Et puis…, j'arrête... je m'assois un moment. Je ne sais pas ce que j'ai ! Pas très bien dormi, peut-être ce pâté hier soir j'aurais pas dû en reprendre... Mais, voilà l'EXPLICATION : le sac... Moi je porte le sac de guidon, elle, elle n'a rien !... Je me sens tout de suite mieux, j'ai une excuse valable... Je repars. Le sac, y a pas que ça. Déjà à Lutry, en juin, je l'ai laissé partir avant moi, je ne lui ai repris qu'un quart d'heure sur les 130 km. Et puis au Brevet des Alpes Romandes. Là, je tenais le stand de ravitaillement. Ca me faisait plutôt plaisir de voir les gars arriver au Col de la Croix en disant "T'as vu cette bonne femme comme elle a passé à côté de nous, pas pu la suivre, je fous mon vélo aux orties..." Et puis, l'autre matin, elle a mis 1 h 20 pour monter aux Crosets. Mon meilleur temps à moi c'est 1 h 12, ça fait peu de différence... Dimanche dernier, dans le col de Vence, je l'ai larguée tout de suite, avant le château Saint-Martin, elle me revient dessus après la carrière, alors là je me suis fait mal, elle ne m'a pas rejoint, mais 30 secondes c'est vraiment très peu ... Y a plus de doute : ma femme me bat ! Jean-Pierre MEROT Membre des 100 Cols |
En relisant ce texte, j'ai décidé de fonder l'A.M.B. (Amicale des Maris Battus)…
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(1) 4000 = plus de 4000 m. de dénivelé
(2) ... de sueur, bien entendu
(Au cas (improbable)où ces lignes seraient lues par un non-initié)