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Un col dans ma liste

Revue N° 08 Page 33

Le col de Tourniol n'est pas trop loin : quatre vingt cinq kilomètres aller retour, de quoi remplir une bonne après midi. Il culmine à 1 145 m, et pour y parvenir, douze kilomètres de route Corse. Le pied est à 400 mètres environ. Sans être un grand col, c'est déjà bien suffisant pour l'aborder avec modestie. Avec joie, aussi.

Le Tourniol, pour moi, est un peu un signe. Appel vers le Vercors, la montagne alpine la plus proche de chez moi, avec ses falaises, ses lacets, ses panoramas, ses foules d'arbres, l'herbe rase des sommets. Signe aussi du retour des beaux jours et de la forme : tant que je n'ai pas franchi le Tourniol, j'estime n'avoir pas vraiment débuté la saison. Parfois, j'ai dû renoncer à mi col. A cause de la neige ... trop tôt encore. Il faudra revenir. J'étais trop impatient.

Je le connais sous tous les temps. Soleil de l'été mais je m'arrange alors pour partir à l'aube, pluie d'orage, grêle (encore 500 mètres : il faut tenir bon, je m'arrêterai au sommet pour passer l'imperméable !). Dans le brouillard : un jour de mars, j'ai fait toute l'ascension sans savoir qu'un copain me suivait et on ne s'est trouvé qu'au sommet : quel beau moment ! Je l'ai franchi un 30 décembre : trois kilomètres à pied sur la route recouverte de givre et glissante comme cent mille diables. Et au bas de la descente, un vain sautillement douloureux pour tenter de réchauffer mes pieds gelés.

Vers le mois de mai, j'y vais, simplement parce qu'il y fleurit des gentianes. Partir juste pour aller contempler le bleu profond d'une fleur ... cela fait un peu contre poids au travail et aux responsabilités quotidiennes. L'automne de même, comme partout, y est beau. La différence de température devient très sensible. Novembre noir accumule déjà ses paquets de brume sur les crêtes, mais il y a parfois de magnifiques coups d'éclairage. J'y prends j'y ai pris de nombreuses photos. Le même virage, avec une luminosité différente, une légère agitation de l'air, une couleur modulée, peut provoquer une infinie diversité de sentiments.
Il y a un troupeau de chèvres en liberté, venant d'une ferme voisine, et qui arpente la montagne. Je le rencontre souvent. J'en ai plusieurs photos. La dernière fois, les chèvres sont même venues se faire caresser.

Le panneau du sommet a changé à maintes reprises. Il a été martyrisé, gravé, coupé, retourné,renversé, puis enlevé. Pour l'instant, on en a remis un neuf et il est parfait.

J'en suis à ma troisième bicyclette. Toutes les trois sont montées là haut. J'ai dû récemment quitter la Drôme, mais lorsque je retourne au pays, je vais volontiers encore faire le Tourniol. Cette année, je l'ai franchi pour la cinquantième fois. J'y ai pris encore cinq photos, dont l'une avec le rocher de l'Epène couronné de brume : je ne l'avais pas encore sous cet aspect. C'était début novembre, j'y ai beaucoup flâné, et j'ai même dû mettre l'éclairage pour rentrer à la maison.

Peut être un jour ferai je mon centième Tourniol...

Le col de Tourniol est situé dans la Drôme, au sud est de Romans, sur les premiers contreforts du Vercors.

Bernard CHANAS

OYONNAX (01)


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