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Les Anti-cols corses

Revue N° 08 Page 39

La bonne règle veut qu'un cyclo digne de ce nom, membre du Club des “100 cols” et fier de l'être raconte ici ce qu'il a réalisé et souvent cela ressemble à l'exploit, ce qui est tout en son honneur.

Moi, je vais me permettre de vous parler de ce que je n'ai pas fait, des cols que je n'ai pas grimpés, de cette vaillance que j'aurais due avoir et que j'ai laissée là-bas, quelque part en Corse .. L'histoire a commencé au beau mois de mai. Avec une vingtaine de pédaleurs nous avions une semaine durant sillonné une partie de l'île de Beauté. Emballés par le site incomparable de la Corse, nous avons donc décidé, Maryse et moi d'y revenir une dizaine de jours en juillet.

Moult projets de randonnées et de cols étaient inscrits au programme et c'est avec un moral à toute épreuve et une condition physique au beau fixe que nous voilà partis, les vélos fin prêts et huilés à point.

Un détail cependant, nous venions chez un beau-frère Corse qui nous attendait les bras ouverts... Ainsi donc dès notre arrivée, il a fallu arroser abondamment la joie des retrouvailles, c'est une épreuve à laquelle il est difficile de résister et ceux qui connaissent le sens de l'hospitalité des Corses, lorsqu'ils aiment bien quelqu'un, me comprendront certainement.

Après un premier repas terminé à une heure avancée et une nuit de sommeil, aussi profond que bienfaisant, pas question le lendemain d'aller pédaler. Bah nous avons le temps nous sommes là pour plusieurs jours !

Alors ça a été le premier piège : des victuailles composées de ces charcuteries venues des montagnes réservées aux “amis” de ces fromages aussi savoureux que puants, de ces légumes au vrai goût de légumes venus des jardins potagers de quelque vieux jardinier d'une autre époque.
Le tout accompagné de ce vin sans étiquette et sans cru qui vous retourne discrètement et sournoisement les bonnes intentions de la veille. Robert, secoue-toi : les vélos nous attendent ! Oui, mais voilà le deuxième piège ce soleil de feu sur la tête et cette mer limpide sous les pieds...

L'astre des jours qui ne cessait de répéter je vais vous brûler le crâne, restez donc encore un peu à l'ombre ..
La mer de son coté, toute languissante, me chuchotait comme une lettre d'amour ses encouragements à me garder auprès d'elle...
...Et ce beau-frère qui n'arrêtait pas de me servir des pastis à vous visser les fesses aux chaises !

Je commençais à ne plus rentrer dans mes pantalons, j'ai donc courageusement préparé les vélos et un beau matin, nous voilà partis oh, pas bien loin ... pas bien haut non plus ... mais avec un cuissard devenu trop étroit et des jambes qui ne parvenaient plus à faire des cercles tout à fait ronds, la randonnée de cinquante kilomètres (eh oui...) frisait presque l'exploit- Le défilé de Lancome c'était la Croix de fer et le col de Teghime, modeste en d'autres circonstances, c'était le Galibier !

De plus, pour nous punir, le soleil jusque-là fidèle à ses rendez-vous, nous a trahis, le comité d'accueil était composé d'un vent violent et d'un épais brouillard.
On nous y a pas repris deux fois... Nous avons été à la pêche, oui, c'est honteux pour un randonneur dont la réputation n'est plus à faire de vous parler ici d'aller à la pêche .. Mais si vous saviez comme c'est bon de sortir des pageots gros “comme ça” et de se les faire griller une heure après, je suis sûr que vous me le pardonneriez !

Je ne m'étendrai pas sur les invitations (toujours pour manger), vous finiriez par vous faire une triste opinion sur mon compte . et pourtant cette “paella” en nocturne à Moriani j'aurais aimé vous la raconter dans ses moindres détails !

Bref, les jours ont passé .. Les vélos toujours aussi bien huilés furent démontés et remis dans la voiture tout étonnés d'avoir pour une fois passé eux aussi de vraies vacances. Au moment des "au revoir", une grande nostalgie s'est introduite en moi.

Trop court le séjour, j'aurais tant voulu faire... lorsque le bateau longeait paisiblement le Cap Corse, une seule idée me persécutait, celle de revenir. Oui Corse, je reviendrai . Je reviendrai pédaler sur tes routes et j'y escaladerai tes cols, mais en attendant, pour cette fois, je n'ai pas à être fier de ma prestation de randonneur...

Voilà. Vous qui me lisez, je vous en prie ne soyez pas trop sévères avec un pauvre type, trop faible de caractère, et qui a ramené, faute de cols à son palmarès, quelques kilos de vivres ?
...et puis, sans mon récit, vous auriez eu droit encore une fois à un de ces monotones monologues sur une randonnée, alors j'aurai été l'espace d'un moment votre récréation de cyclo à vous aussi .. Alors pardonnez-moi !

Robert BELLONI

ANTIBES (06)


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