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Les Confessions d'un Maître des Cols

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Est ce, parce que j'ai exercé, durant la première moitié de ma défunte carrière, la profession baptisée dans nos campagnes de “maître d'école”, que j'étais prédisposé à devenir un maille des Cols” (oh ! un bien petit maître) label authentifié par l'appartenance à deux confréries bien connues ? Je n'ose l'affirmer, car je ne vois pas le fil conducteur entre ces deux activités qui n'ont pas à première vue de dénominateur commun.

Mais je ne songeais pas à la maîtrise lorsque j'escaladais avec application le col de Roncevaux nommé d'Haneta par les Espagnols il y a déjà plus de 10 ans.

A cette époque j'ignorais l'existence de la Fédération et aussi d'un Club des Cent Cols, qui au fait n'avait peut être pas encore vu le jour. Et c'est donc en toute innocence que je cyclais avec un plaisir sans mélange par cette belle après midi d'août mais aussi faute impardonnablecontre toutes les règles.

Pourtant, ce n'est pas sans une certaine inquiétude que j'avais quitté Saint Jean Pied de Port pour attaquer la rampe assez longue mais de pourcentage très modéré : c'était mon premier col et un col, vous pensez, je m'en faisais une montagne, nourri des bons auteurs qui avaient bercé ma jeunesse durant les mois de juillet d'antan.

Oui, ce sont les pensées qui m'assaillent lorsqu'à midi le juste, à demi allongé à l'ombre d'un frêne, je mets à mal le contenu d'une boite de pâté breton au sommet du col de Juvenet. Pourquoi suis je là au fait ? C'est pour étoffer mon palmarès de cols ayant remarqué que je pouvais l'enrichir d'une vingtaine de noms en prenant Bourg-Argental comme base de départ.

Oui j'en suis rendu là. Ayant grimpé le Tourmalet et autres seigneurs pyrénéens dont le Balès, seul col pavé de France en l'an de grâce 1975, précédé Merckx d'une journée dans le redoutable Ventoux, gravi le pastoral Marchairuz en Suisse et emprunté la courbe des Amburnex aux nombreuses barrières à bestiaux, affronté le soleil dans sa gloire matinale au sommet du Pas de Peyrol, il me faut toujours de plus en plus de cols encore. Je prends tous les durs, les mous, les roulants, les raboteux et de préférence les cols en descente, ma spécialité. C'est devenu une drogue, qui ne figure pas encore au livre noir de la pharmacie car en haut lieu on ignore tout des arcanes du cyclotourisme.

Et tout cela par la faute d'un certain Jean Perdoux et de son invention diabolique. Ce travail mené durant plusieurs années à un rythme raisonnable devient maintenant une tâche qui dévore son auteur.
Le mal est encore doublement accru lorsque l'on demeure dans une région de plaine à 500 kms au moins du premier massif montagneux venu et que l'on ne peut décemment s'adonner à son vice que durant les grandes vacances. Aussi, durant l'hiver, que de cartes compulsées, travail de bénédictin meublant les longues soirées sous l'œil scrutateur de l'épouse maintenant résignée à l'acceptation du mal incurable.

Le Couserans gisement maintenant épuisé, le Vercors mis en coupe réglée, il y aurait bien lieu d'exploiter la région de Belcaire très fertile en cols, ou celle de Tuchan afin de prendre les Corbières à revers par le Sud ? Et puis pouvoir se rendre à Barcelonnette, lieu idéal pour accrocher quelques 2000, - encore une trouvaille qui ne peut germer que dans un cerveau malsain nécessaires pour le passage en classe supérieure.
En Auvergne et dans le Sud de la Drôme vers Sérédon se trouvent aussi de beaux terrains de chasse. Et les Vosges Seul massif français inconnu quel champ de manœuvre intéressant !

Et après, je frémis à la pensée que cet Annecien va peut être me lancer sur les routes montagneuses de l'Europe !
J'aime mieux ne pas voir plus loin.
De plus je dois tenir compte que l'an prochain la SF se déroule à Machinchose. Et puis on se doit de rendre visite aux enfants et petits enfants qui ont eu l'idée bizarre d'élire domicile dans le massif de l'Arize. Comment concilier tous ces paramètres et enrichir ma collection d'un total honorable de 20 à 30 nouveaux cols ?

Voilà quelques unes des réflexions hivernales d'un membre conséquent du Club qui ne savait pas dans quelle galère il s'embarquait lorsqu'il adressa sa liste initiale au déjà nommé Jean Perdoux.
Oui, il pouvait humer l'air le nez au vent, admirer le manteau forestier lorsque, habité par une candeur qu'il ne connaîtra jamais plus, il progressait vers le panneau marquant le sommet du col de Roncevaux.

PS - Aux dernières nouvelles, j'apprends que la Mayenne recèle un col : le col de Saint Sulpice, que je veux épingler au départ de Rennes, dans une grande journée, il est vrai, de randonnée. Cela me regonfle le moral.

Et puis, qui sait, si un jour notre vieille pénéplaine armoricaine ne connaîtra pas une nouvelle éruption de boutons comme cela se voit parfois au Mexique ou en Indonésie ? Ces taupinières deviendraient des montagnes et entre deux sommets le passage le plus bas, c'est bien connu, s'appelle un col. Allons, il faut toujours garder intacte la petite flamme de l'espérance !

André QUINQUIS

RENNES (35)


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