Il est sept heures lorsque je quitte le terrain de camping du Bourget du Lac (Savoie), où nous passons d'agréables vacances en famille depuis quelques jours. La journée s'annonce belle car le ciel est magnifiquement bleu, alors que le soleil dort encore derrière le Mont Revard. J'ai décidé, en cette matinée de fin juillet, de grimper le col du relais du Mont du Chat... Dans Le Bourget encore endormi, mais où le vacarme des poids lourds bat déjà son plein, un panneau indicateur : Relais O.R.T.F. : 13 kms. Nous sommes à un peu plus de 200 m, le sommet est à 1 504, faites le compte :environ 10 % de moyenne ... C'est sur un très prudent 32 x 22 que j'attaque les premières rampes, alors que la route se fraie un passage entre les anciennes fermettes de pierres et les chalets récemment construits. Bientôt s'égrainent les dernières maisons, puis les dernières prairies : sur l'une d'elles, un vieux paysan, en équilibre sur un versant ensoleillé, fauche l'herbe dorée d'un geste régulier, sans à coup, sans se fatiguer en somme .... Il me fait un signe de la main, je lui réponds amicalement, espérant pouvoir gravir le col de la même manière, à l'économie ... mais nous entrons dans la forêt, le lac du Bourget qui miroitait sous l'effet du soleil levant disparaît soudain de ma vue. La pente s'accentue encore, il faut passer les 26 dents. Malgré l'heure matinale et l'ombre des sapins, de grosses gouttes perlent sur mon front, puis me coulent sur le visage. J'essaie de ralentir au maximum et d'appuyer juste ce qu'il faut pour garder l'équilibre ... ça y est, les mouches ! Une première, une seconde, puis d'autres bourdonnent autour de moi, tentant régulièrement de se poser sur mon visage, sans doute attirées par la sueur. J'essaie de les chasser en m'épongeant à l'aide du gant de toilette mouillé, que je ne manque jamais d'emporter dans mon sac de guidon en de pareilles circonstances, mais rien n'y fait, elles m'accompagneront d'ailleurs jusqu'au sommet. Je me résigne à les supporter tel un ruminant dodelinant désespérément la tête à l'ombre d'une haie d'épine. |
Pendant ce temps, les hectomètres défilent et le silence s'est installé : le bruit des camions actionnant leurs freins puissants dans la traversée du Bourget, a depuis longtemps disparu. De temps en temps un froissement de feuilles trahit le départ fugitif d'un lézard surpris par mon arrivée pourtant discrète. J'ai un peu mal aux jambes car la pente est très rude, mais je suis heureux de grimper ce col difficile. Quel est le cyclo, qui à ma place, ne le serait pas ? Mais me voici à la borne 5, j'ai maintenant pris le rythme de cette ascension et je pédale bien mieux que tout à l'heure : 100 m de danseuse, 100 m de position assise, c'est ma façon d'éviter la douleur au niveau des reins. Un énorme rapace plane au dessus des lacets ayant sans doute repéré quelque hérisson ou autre rongeur écrasé sur la route, à moins qu'il ne s'agisse de ... moi même. Je suis pourtant loin d'être mort, je reviens même sur mon 22 dents au moment où j'aperçois l'animal en question, une sorte de mulot probablement surpris par un des rares automobilistes égaré en ces lieux... Voici déjà le dernier kilomètre, l'air devient plus frais, un souffle de vent de plus en plus sensible annonce le sommet, le relais apparaît soudain dans les arbres, je sprinte dans les derniers mètres sur mon petit braquet. Après avoir posé mon vélo contre un sapin, j'ôte ma chemise trempée et m'éponge longuement le torse, alors qu'une brume épaisse m'empêche de découvrir la vallée. Quel calme ! J'ai l'impression d'être dans un autre monde ... Pierre ETRUIN Bavay (59) |