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L'Esterel

Revue N° 08 Page 60

Pour ceux qui longent la route du bord de mer, de Cannes à St Raphaël, c'est le beau massif rocheux de granit rouge qui se découpe dans un ciel et une mer, d'un bleu incomparable en France.

Pour les cyclotouristes Niçois, le “Tour de l'Esterel”, est une sortie de 140 kms, que nous aimons faire, même en hiver. Dans ce dernier cas le matin il fait frais, mais il fait bon rouler en plein soleil le long de la côte, où il n'y a presque pas de voitures après Cannes. Et puis après Fréjus, les 7 kms qui montent au Pas de l'Esterel, rebaptisé “Carrefour du Testannier” Alt. 310 m réchauffent un bon coup, avant de descendre les sept autres kilomètres sur une route un peu verglacée ou mouillée, qui descend sur le côté nord vers Mandelieu et Cannes. Mais faisant cette partie en fin de matinée, l'air est tiède lorsque nous rentrons à Nice.

Mais, pour la confrérie des “100 cols”, c'est autre chose : un massif tourmenté, dont les baisses et les cols en épousent les bosses, d'une variété sensationnelle, pour qui sait aimer et voir là nature, en dehors d'un revêtement de route, goudronné ou non.

Le revêtement goudronné ? Très bon. Il part du Cap Roux et monte assez sèchement au début pour monter au Col des Trois Termes par une route en balcon surplombant la Côte de roches rouges déchiquetées, avec ses calanques, ses plages, ses villas, et villes disséminées un peu partout au bord de la mer. C'est Cannes, Nice, Agay, les Iles de Lérins, vus par temps clair.

Et puis au Trois Termes, c'est le terme du goudron. Il y a une maison forestière et une source. C'est le moment de remplir le bidon. La route devient plus ou moins caillouteuse, plus ou moins damée ou poussiéreuse j'y suis allé avec des 270 g usagés, mais bien secs j'en ai fait le sacrifice d'une paire, ce qui est peu je ne sais le temps que j'ai passé là haut car j'ai fait le massif en plusieurs fois. Tantôt roulant, tantôt marchant à côté de mon vélo, pour admirer le paysage ou parce que la route était mauvaise du Col des Trois Termes au Col de l'Aire de l'Olivier, ou du Col des Suvières à Agay. En été la chaleur est torride, beaucoup de maisons forestières indiquées sur les cartes sont inhabitées et l'eau est rare. Par contre, les touristes hantent ces routes principales et on est vite couvert de blanc, mais de “blancheur Persil” !!

Par contre, il y a des routes secondaires appelées “allées promenades” qui sont sensationnelles et désertes, soit pour aller à la baisse des charretiers ou au Col de l'Essuyadou. Car elles sont interdites aux automobiles, par des barrières qui sont situées aux entrées.

Mais je t'avertis, ami cyclo : ce paradis peut être l'enfer. Il faut y aller avec une très bonne carte, un bon sens de l'orientation, et ne pas craindre la marche à pied. Car les routes se croisent sans indication, certaines servent de pare feu, et si au bout de 500 m allant à droite ... et vice versa ... il en faudra autant pour revenir, et repartir du bon pied ... Mais enfin au dessus de toi, il y a le ciel bleu, et des routes qui sillonnent le massif en tous sens. Tu arriveras bien à trouver la bonne, avec une langue plus ou moins pendante..
La Baisse des Charretiers ? Je le prends en exemple, c'est l'abandon de la route goudronnée qui passe au Col de l'Aire de l'Olivier. Le paysage est magnifique. On domine le cœur du massif dont les roches rouges émergent de la partie supérieure de la conque où l'on va s'enfoncer. Les collines qui la tapissent ont le dos rond et usé du vieux massif primaire et volcanique, tandis que des sapins plus ou moins tortueux coulent à leur pied. Comme les forêts de pins ont brûlé à 80%, l'Office National des Forêts, a replanté des pins maritimes qui ont déjà un mètre de haut. Ils partagent leur espace vital avec le maquis fait de genêts, de bruyère, d'arbousiers. C'est donc un massif plein de verdure qui s'offre à la vue avec de temps en temps quelques chênes lièges ou chênes verts.

On s'engage d'abord sur une route large, un peu caillouteuse mais où l'on peut encore rouler jusqu'à une croisée de chemins. Il y a le choix entre trois routes et la carte n'en porte que deux !! Que faire, j'ai joué au chef Sioux, regardant dans la nature les itinéraires possibles et essayant d'analyser les traces humaines laissées sur les chemins.
Puis, je me dirigeai vers un bois d'eucalyptus, dont les fûts blancs et le feuillage fin me furent un régal pour la vue et l'odorat.

Maintenant, fini le moindre bruit de civilisation. Nul bruit d'oiseaux. Il n'y en a point. Point de vent. Je marchai ainsi une partie de la journée dans la solitude et le silence.

Puis, la route débouche sur une route pare-feu qui a bien 10 mètres de large, laissant apparaître de beaux dégagements sur le massif. Après un changement d'orientation, la route étroite reprend à travers le maquis. Et, après un virage, on trouve avec surprise le Col et la Maison Forestière de la Baisse des charretiers. Des bâtiments inhabités, portes et fenêtres enfoncées, situés dans une clairière, entourée d'une chênaie.

Dans son inutilité présente, et encore ! j'ai aimé le vélo que j'avais à mes côtés, m'offrant de Nice à ici une très belle promenade, me portant nourriture et boisson, et à la fin du jour un souvenir inoubliable.

De l'aire de stationnement, plusieurs chemins partent, sans indication de destination bien entendu. Je pris apparemment celui qui devait me conduire au Col de l'Essuyadon, ou à la Maison Forestière de Malavalette, pour revenir ensuite au Nord par d'autres allées promenades, mais je n'en eu pas le temps. Les heures passent vite sur ces pistes forestières, non carrossables, et après une heure de marche je dus faire demi-tour, me rendant compte, que si je continuais, je me ferai “piéger” par la nuit, car nous sommes fin novembre. Mais ces deux cols peuvent être faits; lorsque les jours sont longs, et ... que l'on a moins de trois fois 20 ans, car on va plus vite...

Je pris donc, une autre route qui me ramena au point de départ. Chemin faisant, j'ai assisté à la poursuite d'un sanglier par un chien ; mais en regardant leur traces laissées sur la route, seulement... Elles allaient en direction d'un ravin, de gré ou de force, car les traces bifurquèrent sur le maquis ...

Ainsi passe une journée dans l'Esterel. Je n'ai pas la prétention de la comparer aux cols Alpins ou autres, que vous connaissez, mais croyez-moi, elle aura sa place dans l'armoire aux souvenirs.

Lucien BÉROD

NICE (06)


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