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SUR LA ROUTE DES 100 COLS...

Revue N° 11 Page 12

"MON PREMIER 2000"

Eté 1981... après 10 mois de préméditation...

L'objectif principal de nos vacances était de satisfaire notre boulimie de vélo.

Dans les Alpes, avec Francis, tous les jours nous allions par Monts et par Vaux et à ce rythme, le coup de pédale était devenu plus souple, plus alerte.

Après quelques tests faciles et une mise en jambe dans les cols de Porte et Cucheron, situés au cœur de la Chartreuse et célèbres grâce au Tour de France, nous sommes partis à l'assaut du Vercors. La proximité des grands cols alpestres fait que ce massif est boudé par les couraillons. Ici, pas d'ascensions glorieuses et pourtant c'est un authentique paradis pour cyclotouristes amateurs de cols et curiosités naturelles :

Les Gorges de la Bourne, les Grands Goulets, les sites du Royans, la forêt de Lente, l'époustouflante stature du Mont Aiguille, autant d'endroits où le cyclo devient naturellement contemplatif.

Côté grimpettes, c'est un verger pour les candidats au club des cent cols ! Après l'ascension de quelques 40 cols, le plus élevé étant le col de Menée (1402 m), devant ma forme assez inattendue et pour m'éprouver peut-être un peu, Francis me propose de mettre au programme de notre dernière semaine "un" plus de 2000 : La Croix de Fer !

T'es pas dingue ?... A la réflexion, si je veux un jour entrer dans la confrérie montagnarde, il aura fallu que j'escalade 5 monstres comme celui-là. La mécanique féminine s'étant jusque là montrée à la hauteur, je manquais d'argument pour refuser le combat.

Après avoir attendu que les éléments se calment : BRA annulé, nous installons notre camp de base à la Rochetaillée, la porte de l'Oisans. Après le dernier coup d'œil du maître sur les engins et la préparation des sacs de guidon, nous pouvons nous coucher tranquilles : il fera beau demain...

Dans la fraîcheur du matin, nous enfourchons nos machines. Les mollets sont souples, le moral est bon. Je sens un peu d'ironie dans le regard de Francis quand il me lance : " ça ira ? ".

Jusqu'à Allemont la pente est douce et régulière. Cela permet un bon échauffement. Il règne une activité importante due à la construction d'un barrage en amont sur l'Eau d'Olle. La chaussée est large, faite pour un trafic de camions. Dès la sortie du village, par un grand virage, nous nous élevons au-dessus du chantier de la future centrale.

C'est du sérieux, la pente est raide, j'ai le secret espoir avant chaque virage qu'après ce sera plus facile, mais non ! Et il reste encore 18 kms, de quoi vous saper le moral ! Un remède s'impose : la moulinette. Qui veut monter haut ménage son cœur ! Peu de vélos à cette heure, Francis caracole devant, il monte à sa main et m'attendra à quelques points convenus.

Le fond de la vallée est encore dans l'ombre, la montagne se découpe dans le ciel clair du matin. La beauté du paysage me fait un peu oublier la rigueur de la pente... avec le 28x26 la route sera longue...

Le pic de Belledone, encore saupoudré de neige fraîche, domine majestueusement la chaîne au pied de laquelle nous progressons lentement. Au retour dans la descente j'aurai tout loisir de le contempler mais... nous n'y sommes pas encore !
A Articole, Francis m'attend. J'ai soif et chaud : cher bidon... Cinq minutes et nous voilà repartis. Je ne compte plus les kilomètres, cela me découragerait.

La matinée s'avance, quelques cyclistes me doublent avec un petit sourire narquois et me lancent la traditionnelle question uniquement adressée au sexe féminin : " pas trop dur ? ".

A laquelle je réponds résolument d'un air détaché : " ça se monte ".

La route toujours pentue est maintenant en corniche. Je lance un regard vers le fond de la vallée, brr ! quel précipice !

En point de mire, le Rivier d'Allemont. Dès les premières maisons, nous nous octroyons une pause, juste le temps de reprendre son souffle perdu dans les pentes à 10 et 12 %. Francis commente la montée. Il est en sueur mais d'après ses souvenirs le plus dur est fait.

La montagne est défigurée : pour enrayer les chutes de pierres, on a coulé du béton sur les parois instables. Montant du fond de la vallée, le ronronnement des moteurs nous agace et sape notre tonus déjà diminué par l'effort physique. En bas, tels des fourmis, les hommes s'affairent autour des camions et tracteurs qui, vus d'ici, ressemblent à des jouets.

La grondante cascade des Sept Laux nous invite au rafraîchissement dans ses eaux glacées. Puis nous entrons dans le défilé de Maupas. Un cyclo se repose sur le bord de la route... Tiens, il m'avait doublé allégrement il y a peu de temps. Cela me réconforte. Fièrement, je passe devant lui comme si j'avais des ailes et lui décoche même un sourire.

Sur les bornes, je lis l'altitude et après un court calcul constate qu'il " ne reste plus que " 500 m de dénivellation. La circulation s'intensifie, il va être 11 heures du matin. Après Grand Maison, site du fameux barrage, pâturages, troupeaux et silence nous accueillent : c'est la Combe d'Olle. Un splendide panorama s'offre à nos yeux émerveillés : C'est la Croix de Fer ! Pour l'instant, c'est le Glandon qui me préoccupe car les deux derniers virages ne sont pas commodes à négocier en souplesse. Je pense un moment ne plus aller jusqu'à la Croix de Fer, mais que de monde ici ! Il est vrai que les panoramas offerts méritent la halte prolongée. La crête sommitale du Mont Blanc ressemble à une enclume et semble flotter au-dessus des nuées : inoubliable spectacle ! Toutes mes peines sont récompensées. En cassant la croûte, nous posons pour la postérité, Francis fête son 300ème col. La Croix de Fer que l'on voit d'ici semble à portée de... triple plateau, alors en route ! La chaussée raboteuse ne facilite pas la progression mais la proximité du but me donne des ailes et j'atteins bientôt les premières voitures. On se croirait un jour de marché : que de monde !

Plus que quelques mètres, ça y est ! C'est l'exploit du jour, je l'ai " MON PREMIER 2000 ". Assise au pied de la croix marquant le sommet, je savoure ma victoire : je sens au fond de moi une grande sérénité et confiance en l'avenir : tout se monte avec de la patience et de la volonté...

Huguette DEGEIX

LIMOGES (87)


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