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99 + AGNIEL / AGNEL = 100

Revue N° 11 Page 48

1973.......après plusieurs années d'interruption, je reprends la bicyclette !

1982.......Einstein lui-même perdrait son latin devant une équation pareille !

.......et pourtant ; en Novembre 1980, après bien des péripéties, j'accédais à l'ordre des cols durs. Cette année enfin, grâce à des vacances familiales à Guillestre, j'ose demander mon adhésion à l'ordre des 100 cols ! Mais avant d'en arriver là , il faut peut-être remonter en arrière pour situer le pourquoi du comment de la chose...

En Juin 1979, alors que j'effectuais pour la 4ème fois la journée Vélocio, je rencontrais au haut du col de la République, un garçon barbu et sympathique avec qui je passais une partie de la soirée avant d'aller me coucher, la veille de cette grimpée.

Début Août, en arrivant à la permanence de la Semaine Fédérale de Narbonne, une des premières personnes que je rencontre, c'est mon barbu. Il campait comme à son habitude, je logeais chez un copain. Nous nous retrouvions tous les matins et de pédales en développement, de Narbonne à Pamiers, nous avons roulé de concert. Moi qui ne suis pas grimpeur, j'ai trouvé en ce barbu, un docteur ! Un docteur es-cols qui m'a vacciné pour aller à la chasse aux cols. Répertoire en mains et randonnées passées, j'ai dans un premier temps, répertorié mes cols durs et enfin cette année j'ai réussi mes 100 COLS avec mes 5 plus de 2000. C'est le récit de ces modestes kilomètres que je vais essayer de vous conter en précisant que je dédie mon entrée dans l'ordre des 100 cols à

CAMILLE FERLIN

Mon initiateur et mon " mauvais génie " de la recherche des routes qui montent...

Eh oui mon vieux Camille, toi qui a dépassé les 500 cols, tu peux te vanter d'avoir fait un adepte de plus. A force d'ajouter les cols les uns aux autres, voici qu'au 31 Décembre 1981, j'en compte 88 dont Vars et Izoard.

Je me dis que 12 cols de plus ce n'est pas une affaire et que je dois pouvoir y arriver en 1982. Les vacances en famille, prévues dès Janvier, me donnent cette possibilité. Le samedi 3 Juillet me voici à pied d'œuvre.

Au cours d'une randonnée Vars-Izoard, j'avais eu l'occasion de faire ces 2 cols, mais les conditions atmosphériques étaient si déplorables que je décidais pour prendre ma revanche sur la montagne de les remonter " à blanc " cette année.

Lundi 5 Juillet :

Je pars de Guillestre, il est 7 h 00. La ville est encore endormie, les marchands s'installent à peine pour le marché du Lundi.

Aie ! aie ! aie ! ça grimpe d'entrée ; que ce virage du camping est raide. Agniel, tu es fou ! Tant pis ! Voilà le pont et le début des gorges. Ca va mieux, elles sont toujours aussi belles. La Maison du Roy, et ça continue, ça grimpe, c'est plat, ça grimpe, c'est plat...Enfin le croisement Château-Queyras / col de l'Izoard 15 km. Les choses sérieuses commencent. J'ai mis une heure pour faire 17 km, pas mal pour un touriste ! Il commence de faire bon. Un virage, une grimpette, un virage... Arvieux, La Chalp, Brunissard : deux cafés dans le bidon, une bière dans l'estomac et c'est reparti ; le dernier virage à droite et on attaque les sapins, qu'il fait bon ! Et ça grimpe ; de virage en virage, je lis mon compteur...7...6...5...4...3...2 km, je débouche à la Casse Déserte. C'est beau ! C'est immense ! Il n'y a que 2 voitures ; des touristes, des enfants font des photos sur un tas de neige au bord de la route. Je me recueille un instant au mémorial Fausto Coppi ; une photo souvenir et j'attaque les deux derniers kilomètres en 28 x 26. Il fait chaud. Quelques voitures me dépassent en klaxonnant. Les passagers me font signe de la main... le dernier virage, je découvre " l'obélisque " IZOARD 2360 m. Je pleure ! Il est 10 heures, j'ai mis 2 heures pour les 15 derniers kilomètres ; il fait chaud, je suis pleinement heureux, j'ai vaincu l'Izoard. Oh, ce n'est pas un exploit, tant d'autres y sont passés avant moi et je n'ai pas l'impression d'avoir fait une performance ; mais après avoir envoyé une carte postale à un copain, acheté le badge du col, deux ou trois photos et mon BPF, je m'assieds par terre dans le coin du refuge et je déguste une bière ! Oh qu'elle est bonne. Quelle joie pour moi d'être là, d'avoir vaincu ce col en me surpassant moi-même assis sur mon vélo et appuyant sur les pédales pour le faire avancer...tout simplement ; j'ai envie de crier ! crier ma joie et tant pis si ça doit en faire rire certains, j'adresse une prière vers le ciel pour remercier Dieu de m'avoir permis de vivre ce moment.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Je remonte en vélo et direction la vallée où la famille m'attend pour le repas de midi. Lorsque je suis à Guillestre je fais les comptes : depuis le premier Janvier, à l'occasion de diverses randonnées, j'ai réussi à " monter " mon capital cols à 99 ; Izoard et Vars étant compris, je les remonte pour me mettre en jambes et en confiance : 1ère partie réussie, Mercredi je refais Vars et Vendredi le " couronnement " ! Agnel pour le 100ème...

7 Juillet :

Départ 7 h 00 et j'attaque bien sûr d'entrée la grimpette. La route est belle ; les divers lacets permettent de découvrir Guillestre ; mais bonsoir de bonsoir qu'est-ce qu'il y a comme voitures.

Pour tout dire, je n'ai pas trop aimé ce col. Il est dur c'est vrai, mais la traversée des villages, les touristes, les travaux ne sont pas faits pour arranger les choses.

Les travaux !... St Jacques Faizant, dessinateur des cyclos, priez pour moi...Lors de la traversée d'un hameau, dans un virage avant un pont, je me trouve nez à nez, ou plutôt guidon à cul de camion, derrière un de ces terribles engins avec une benne, un tas de graviers dans la benne et deux cantonniers sur le tas de gravier qui " balancent " allègrement leur chargement sur la chaussée...heureusement que mon sac de guidon est fermé...
Je sais bien que ces gens-là travaillent pendant que je suis en vacances, mais je me fais du souci pour descendre...Bref, après un camion, une pelle mécanique, un tracteur chenille et une explosion de mine...je passe quand même ce foutu col pour me retrouver au sommet attablé devant une bière fraîche avec un autre cyclo monté par l'autre côté ; cartes, photos, badge, BPF et je ne m'attarde pas, car il est déjà 10 h 00 et j'ai un peu peur de la descente. Lorsque j'arrive à Guillestre, je me souviens tout à coup qu'en montant j'avais trouvé des gens qui mettaient des graviers ! Bizarre, les braves automobilistes ont dû les projeter sur le côté...merci pour le cyclo.

9 Juillet :

Ce coup-ci, pas de blagues, départ 5 h 00, direction Château-Queyras, Molines en Queyras, ça grimpe sec mais au moins on peut admirer quelques demoiselles coiffées.

Après Molines, ça repart pour la grimpette. Quelques marcheurs, aussi téméraires (ou aussi fous que moi) sont en train de s'équiper et partent.

Voici St Véran. Ce n'est pas un col, mais c'est un BPF et le détour vaut les quelques km en plus. Après la visite à pied de ce site, je prends une petite route dite " route des amoureux " et j'arrive sur une petite route étroite longeant un ruisseau et débouchant à Fontgillarde. Arrêt pipi, photo : je consulte la carte : Col Agnel 11.5 km. C'est reparti AGNIEL ! Tu es près du but.

Je pédale doucement, le nez au vent, casquette sur les yeux, attentif à la route malgré tout car la chaussée est en mauvais état.

Sur ma gauche, un pré, des vaches, un ruisseau, la montagne et accrochés à son flanc, des marcheurs. Attention dos d'âne avec eau courante ! Il y en a 6 jusqu'au refuge. Plus je monte, plus c'est dur et par moment j'ai froid ; qu'importe je l'aurai.

Par instants, je suis obligé de mettre pied à terre car il ne reste plus que du sable et ma roue arrière patine...J'entends le sifflement des marmottes mais je n'ai hélas pas la patience de les guetter. Enfin, voici le chalet. Pas mal de voitures de marcheurs qui partent ou rentrent de randonnées. Et je continue, le col c'est " la haut " ! La route est franchement dégueulasse, heureusement que je suis chaussé en 650 grosse section. Mes pneus de voiture qui font rire mes collègues de la Vallée du Rhône me sont bien utiles.

Encore deux épingles...des cailloux, des cailloux...CA Y EST !!! J'Y SUIS !!! France d'un côté, Italie de l'autre ! AGNIEL sur AGNEL... J'ai vaincu un plus de 2000 supplémentaire, il s'appelle Agnel et c'est le 100ème...

Photos souvenirs, photos de fleurs magnifiques, bleues, rouges, jaunes, vertes, blanches ! Je remets le survêtement et je prends le chemin inverse pour aller savourer cette matinée au refuge devant une bière. Je ne sais si la charmante personne qui était assise au soleil sur la terrasse face au col, n'aime pas les cyclos ou si elle était de mauvaise humeur ce jour-là, mais en tout cas pour ce qui est de l'accueil... J'avale ma bière bien calé contre le mur, je profite de ces quelques instants de bonheur et en route pour la descente ; il faut vraiment faire attention et rouler très lentement. Finalement tout se passe bien et je rentre à Guillestre tout content de moi après avoir traversé une nouvelle fois cette magnifique vallée du Guil. Lundi, changement de décor puisqu'il me manque encore 2 plus de 2000 et que j'ai le Lautaret et le Galibier à portée de pédales.

12 Juillet :

Me voici à nouveau sur la route. Mais pour une surprise, c'est une bonne surprise. Moi qui ne suis pas un grimpeur spécifique, je découvre un vrai boulevard. Je suis à Monétier les Bains à 8 h 00 et à 9 h 00, je bois la sacro sainte bière à l'Hôtel des Glaciers au Lautaret. Le seul danger dans ce col, c'est le risque de se faire écraser par les voitures ou les poids lourds, car dans les tunnels, même avec un bon éclairage, et j'en ai un, à tous moments on se retrouve dans les graviers du bas côté. Heureusement, ce qui change agréablement c'est l'accueil au Glacier, par les deux jeunes filles présentes. Je peux faire tamponner, acheter des cartes, me désaltérer ; j'y suis tellement bien que je n'en partirai plus et pourtant d'où je suis assis, je vois le panneau : Galibier 8 km. En avant Jojo, c'est le dernier de la saison, le 102ème, le compte est bon. Et je monte, et je monte, et je monte ; sans problème ; l'habitude commence à faire son effet comme l'altitude ! Redescente au refuge de l'ancien tunnel, photos-bistrot-vélo, sans oublier le monument H. Desgranges et direction la vallée, en me payant la fantaisie de lâcher le guidon sur certaines portions de route (interdit de lire ces lignes aux écoles de cyclo !).

Voilà, j'ai fait le plus gros, j'ai atteint un certain but. Dans quelques jours les vacances seront finies, j'aurai encore le temps d'aller à Vallouise faire un 5ème PBF et puis je rejoindrai la vallée du Rhône et son mistral. J'aurais pu parler un peu plus développement, alimentation, contenu de ma sacoche, comment j'étais habillé, etc...etc...d'autres l'ont fait ou le feront mieux que moi !

Ce récit peut paraître décousu ; du déjà lu, je m'en excuse auprès des puristes. J'ai simplement essayé de traduire mes sentiments pendant ces quelques jours dans les Alpes et marquer de cette façon ma demande d'entrée dans l'ordre des 100 COLS.

Georges AGNIEL

SAUZET (26)


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