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UN PIED A 2000 ET UN PIED A TERRE

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A force d'entendre dire que cent cols, ce n'était pas si dur que cela, Brigitte avait fini par le croire, et que 86 ascensions étaient déjà réalisées : le but approchait, mais il fallait encore réaliser 5 cols à 2000 m et la saison se terminait.

La décision fut donc prise en ce mois de septembre encore estival : nous irions un week-end " faire " le Glandon et la Croix de Fer.

Ainsi, en ce premier samedi d'octobre, étions-nous vers 16 h 30 à St Etienne de Cuines dans la vallée de la Maurienne. Une ascension de dix kilomètres en cette fin d'après midi nous amena à St Colomban des Villards alors que la fraîcheur du crépuscule tombait sur les épaules. Un petit hôtel charmant, le grand calme de la saison, une bonne nuit et le dimanche matin vers 8 h par un beau ciel bleu, nous partions pour mille mètres d'élévation. Les premières couleurs de l'automne, la tranquillité et la beauté de ce versant nord du Glandon nous firent passer une large première heure très agréable. Mais il faut savoir que les trois derniers kilomètres sont à 10% et que c'est bien dur quand on n'a que 45 kgs pour appuyer sur un modeste 26 x 24. Doucement, méthodiquement, après avoir rejeter force résidus de ces cigarettes qu'elle persiste à utiliser, Brigitte émergea au col du Glandon ; 1924 m : il était 10 h...Temps superbe, photos...mais l'objectif était encore un peu plus haut, au dessus des 2000 m convoités...Cependant, après les quelques hectomètres de descente, la montée parut bien facile en comparaison des trois kilomètres précédents. 10 h 30 : une diapo pour le paysage magnifique (ignorons les travaux du barrage en contrebas), une 24 x 36 noir et blanc pour le souvenir, Brigitte avait son premier 2000 m, le même que le mien d'ailleurs, cinq ans auparavant...2088 m Pensez !

Grimpeur de col fervent, je n'allais pas bien sûr me contenter de cette réédition de la " Croix de Fer ". Depuis longtemps, j'avais repéré sur la carte au 1/50 000ème ce chemin qui mène aux barrages EDF du Grand Lac et du Lac Blanc. La pente semblait très forte mais avec tous ces lacets, impossible de mesurer le pourcentage.

Je me décidai donc à tenter ma chance pour atteindre le col nord des Lacs 2533 m. Le premier kilomètre presque plat ne me trompa point ; la montagne était là, à gauche, et les lacets s'y inscrivaient sans espoir de facilité. Dès le premier d'entre eux, la sanction fut là...
Les cailloutis, la terre humide et glissante, la danseuse était interdite ; il fallait mettre très petit, par exemple 26 x 22. J'effectuai ainsi encore 1500 m ; chaque lacet gagné mettait du baume au cœur, mais la vue là-haut du serpentin me faisait retomber dans la résignation. Brusquement, une " grande " ligne droite, raide, raide, à tel point que des randonneurs pédestres s'arrêtèrent pour regarder l'artiste chuter...Autant le reconnaître, j'avais mis tout à gauche (26 x 25). Je passais cette muraille mais un lacet à gauche eut raison de ma capacité respiratoire en cette fin de saison, venant de la plaine, à 2400 m d'altitude un tel effort ne pardonne pas...La poitrine brûlante je dus mettre pied à terre. Honte pour moi qui, deux mois plus tôt, escaladait le névé terminal du Pitztalerjöchl (3003 m - Autriche) vélo sur l'épaule ? Non, bien au contraire, leçon de modestie...Ainsi ramené à une plus juste idée de ma condition physique du moment, je marchai quelques hectomètres avant de me remettre en selle pour déboucher devant le Grand Lac et au fond le glacier de St Sorlin. A gauche, un sentier à travers herbe et éboulis, le col nord des Lacs était là 5 mn à pied, vélo sur l'épaule.

Mesure effectuée, ce chemin s'élève d'environ 500 m en 4 kilomètres non goudronnés bien sûr...Croyez-moi, c'était dur ! La descente aussi d'ailleurs, mains arc-boutées aux freins...

Vers midi, je retrouvai Brigitte au restaurant du col de la Croix de Fer. Un peu de repos fit du bien après l'alimentation nécessaire. Nous agrémentâmes la descente vers la Maurienne d'une séance de quarante minutes de poussée de nos chers vélos vers le col de Bellard (2233 m) par les chalets de Longe Combe. Belle vue sur la montée du Glandon et partie de vélo-ramasse sur l'herbe sèche pour rejoindre la route...Une descente sans histoire, puis la voiture, le retour vers Lyon et notre Saône et Loire.

Nous étions vraiment ailleurs ce jour-là, avec la nature et avec nous-mêmes ; dans le dépassement et dans la nécessaire modestie, une belle journée bien vivante, enfin !!!

Gérard FOREST

FONTENAY (71)


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