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MES CENT COLS

Revue N° 11 Page 55

Eh bien ! moi, faible femme, me voici au Club des Cent Cols ! Moi qui n'avais jamais fait de vélo avant 1978, j'ai réalisé mon petit exploit, car j'ai un mari un peu fou de sa petite amie (la bicylette...), et ne voulant pas me laisser supplanter par celle-ci, j'ai dû réagir.

J'ai donc commencé à rouler avec lui et avec des amis, et ma foi, le plaisir de parcourir la campagne m'a rapidement enchantée.

On découvre sa région, que l'on croit connaître, et que l'on ne fait qu'entrevoir à travers les vitres d'une voiture...Ici, des champs avec des fleurs, là, un arbre tordu par les intempéries et la vieillesse, là encore, un petit lapin qui s'enfuit, effrayé, parce qu'il ne nous a pas entendu arriver...Peu à peu, je suis conquise par ces plaisirs tout simples et par la sensation de bien-être que j'éprouve au retour de nos courtes sorties.

Et puis, un jour, André, (c'est mon mari) m'annonce : " Aujourd'hui, tu vas faire la côte de Lens-Lestang avec moi ". Il est fou, je m'indigne ; pensez ça monte 2 kms à 6-7 % ; je ne pourrai pas. Mais inutile de discuter et nous voilà partis. Un peu de plat pour nous mettre en jambes et puis c'est la montée. " Mets ton 2ème plateau à l'avant " (c'est un 38 dents je crois) - " Mets ton avant-dernier pignon à l'arrière " ( c'est un 23 dents, j'en suis sûre) - " Quand nous serons à mi-côte, je te le dirai ". J'ai dépassé la mi-côte je me suis accrochée de plus belle et enfin, le sommet est arrivé. J'avais l'impression d'avoir le feu aux joues, j'avais bien le souffle un peu court et les jambes tremblantes, mais j'étais passée...victoire !...

Ensuite, tout a été plus facile, car j'avais pris confiance en moi. Je ne le savais encore pas, mais le virus du vélo m'avait contaminée. J'ai commencé à penser qu'André n'avait pas tort de participer à des sorties organisées par des clubs, et moi-même, je me joignais parfois à eux. Les conversations des cyclos ne m'ont plus paru dénuées forcément d'intérêt, et c'est au cours de l'une de celles-ci qui roulait sur le Club des 100 COLS, que j'ai dit : " Et pourquoi pas moi ? ". Que n'avais-je pas dit ! André a comptabilisé les cols que j'avais gravis depuis trois ans, une vingtaine...une misère ! Mais c'était ne pas connaître mon très cher époux qui, chaque semaine, le lundi (ce début d'année 1982 nous a procuré des conditions climatiques favorables), organisait un circuit comportant plusieurs cols. Janvier, Février, Mars nous virent en tandem pour des sorties de 80 à 120 kilomètres. Pas faciles les montées en tandem ! Mais que de belles journées nous avons vécues. J'en rêvais la semaine entière à nos petites escapades, réunis dans un effort gratuit, mais qui nous rapprochait constamment, en amoureux !

Quelle joie au sommet des cols, où nous échangions le baiser du vainqueur et où la photo, prise sous le panneau, concrétisait notre passage !
A midi, nous cherchions une petite auberge afin de nous réchauffer et de reprendre quelques forces. Parfois, un ami cyclo se joignait à notre bonheur, heureux de participer à cette joie dans le même plaisir.

Puis, c'était le retour à la maison où l'on retrouve la réalité avec ses soucis ; le rêve s'estompe ; seul le souvenir emplit chaque jour, faisant désirer encore plus fort la prochaine sortie.

A la fin de l'hiver, le tandem céda le pas au vélo. L'altitude des cols commença à s'accroître sérieusement ; le centième col approchait, mais hélas ! pas de 2000 mètres sans lesquels pas d'entrée possible dans la confrérie des Cent Cols !...

Or, il y a 2 ans, en camping-car, nous étions passés par le col de Finestre, en Italie et, depuis, André songeait à parcourir cette région comprise entre Suze et Sestrière. Cette randonnée qui intéressait plusieurs membres de notre sympathique petit club, se réalisa, et le 2 Août, nous nous retrouvions à six en Italie. Quelle promenade merveilleuse et inoubliable, surtout lorsque l'amitié est aussi de la fête ! Commencé avec le soleil, nous terminons notre périple sous une pluie battante. Mais j'en garde le souvenir d'une bande de fanas heureux d'être ensemble, faisant souffrir leur vélo sur ce chemin défoncé, s'arrêtant pour voir le paysage et prendre une photo, pour cueillir quelques edelweiss ou, tout simplement, pour contourner un troupeau de vaches qui barre la route.

Enfin, lorsque vers midi, nous sortons de cette voie infernale (il commence à pleuvoir) et que nous retrouvons des amis venus à notre rencontre en voiture, ce ne sont que rires nerveux et plaisanteries qui fusent, car tous sont soulagés de n'avoir rien cassé. C'est sous une pluie diluvienne que nous descendons vers la vallée, freins serrés au maximum, car ils ont perdu leur efficacité dans ces trombes d'eau. Et c'est crottés et transis que nous retrouvons nos camping-cars. Un brin de toilette et j'offre le champagne aux amis, car avec ces cols cylo-muletiers, je viens d'accrocher mon 100ème col, dont 8 de 2 000 !...

1982 s'achève ! Avec le mauvais temps, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, nous revivons nos promenades en vélo, rehaussées par les photos prises par l'ami Jean-Pierre. Nous projetons des randonnées, nous échafaudons des rêves où nos vélos tiennent la vedette, et c'est avec un peu de fébrilité que j'attends les beaux jours de 1983, afin de renouer avec ce plaisir toujours aussi neuf : pédaler !


P.S. : Je dédie mes 100 cols à mon cher époux.

Madame BERNE

BEAUREPAIRE (38)


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