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Les élucubrations d'un vélo

Revue N° 12 Page 23

Messieurs les 100 Cols,
Depuis plusieurs années, mon bon maître vous envoie un article qui vient remplir une ou deux pages de votre revue.

Cette année, RIEN.
Manque-t-il d'imagination ou estime-t-il que rien d'original ne ressortait de notre saison, je n'en sais rien, peut-être aussi est-il complexé parce que nous n'avons pas franchi de col historique à 2 ou 3000 mètres... Cela me vexe un peu car je trouve au contraire que nous avons passé de bons moments et que je me suis bien amusé. Jugez-en plutôt.

En tout début d'année, il a voulu tenter une expérience: me faire faire un "muletier' (notre 1er) le Col de Bordine, vers Châteauneuf de Contes au dessus de Nice. Chouette, pour une fois j'allais peut-être me faire porter. 0 désillusion ! Il m'a un peu porté certes, mais tellement maladroitement que toutes les épines du mauvais sentier ou il s'est perdu venaient griffer ma fragile carrosserie... et le pire c'est qu'il n'a même pas trouvé son fameux col !

A Pâques, avec une bande d'amis, nous avons été à la concentration annuelle à Brantes. J'y ai bien aimé le col de l'homme mort, regrettant toutefois que la végétation ne fut pas plus avancée. Ce jour-là il m'avait promis de grimper le col de l'Abeille mais la grêle puis la neige ont compromis ce projet. On ne l'a pas monté mais certaines situations cocasses nous ont bien fait rire.

Au printemps, il m'a emmené dans la région de St Trop. je me suis régalé dans les cols de Collebasse et de Pailhas. Moi qui aime les arbres et les fleurs, j'étais aux anges.

J'étais moins à la fête dans le Col du Fa.
Vous connaissez le Col du Fa ?... c'est un semblant de chemin qui a du être goudronné au temps des gaulois et ou il n'y a pas un mètre au même dénivelé que le précédent. En bas on est à 530 m. 8 kilomètres plus haut on se trouve à 1 500 ! Evidemment pas un seul point d'ombre et ce fou a choisi le jour le plus chaud de l'été le plus chaud que j'ai connu. Moi, je ne crains rien, mais lui... vous auriez vu ses grimaces. Je l'entendais marmonner contre le revêtement, le dérailleur, le soleil et le reste du monde. Lorsqu'il marchait à pied (oui, il a marché à pied, mais surtout ne le criez pas sur les toits, il pourrait me traiter de mouchard), il arrivait tout juste à ne pas retomber en arrière.
Le pire, le croirez-vous, c'est qu'il y a emmené sa femme. La pauvre petite était dans un état ! J'étais bien le seul ce jour-là à prendre la vie du bon côté...

N'empêche que si un jour vous êtes sur la route des gorges du Daluis tournez vers Castellet-les- Sausses, vous le trouverez un peu plus loin. Choisissez un jour de grand soleil et vous m'en direz des nouvelles.

Cet été j'ai passé d'excellentes vacances. 1 5 jours à Die. Un excellent hôtel ou, pour une fois, un local confortable était prévu pour nous, les vélos.
Mon bon maître s'est conduit comme un gentlemen avec moi. Huit fois il m'a emmené dans des coins formidables. Je reconnais qu'il a du flair pour tracer des parcours intéressants. J'apprécie, car j'aime énormément la nature et les routes panoramiques. De plus, comme il avait du temps de libre, il a été aux petits soins pour ma mécanique. Je l'aime bien quand il est comme ça.
Et les cols?... Ah les cols!...
Comme il faisait bon dans la forêt du col de la Boutière pour pique-niquer à l'ombre bienfaisante et embaumée avant de musarder dans la magnifique forêt de Saou qui mène tranquillement au Pas de Lauzens.

J'ai bien aimé aussi la petite ballade qui nous a conduit au Col de Marignac, puis, par le petit village de Lallet, nullement impressionnant malgré son canon, au Col de la Crois où il faisait vraiment bon respirer.
Le Col du Rousset à la fraîcheur du matin, vous connaissez? Quelle vue grandissante à chaque tour de roue !
Certains diront qu'il est trop fréquenté, mais pour moi qui ai l'habitude de la Côte d'Azur où les voitures nous frôlent à jet continu, je peux vous dire que je m'y suis régalé. Que de fleurs pour me regarder passer et quel parfum ces bouquets de lavandes sur la deuxième partie du col. Au sommet, récompense de rêve pour un amateur averti : un panorama inoubliable que même ces enragés d'automobilistes toujours pressés semblent apprécier. C'est tout dire...

Dans le Vercors, j'ai tout aimé, mais ce qui m'a fortement impressionné c'est le Col de la Machine en passant par "Combe Laval". Mes amis, quel précipice !
Pour en profiter au maximum, mon bon maître me faisait rouler parfois tout au bord, en pleine gauche. Je n'étais pas tellement rassuré et de plus je crains le vertige. Mais qu'est-ce que c'est beau !...
Après le Col de Ia Machine, nous avons été au Col de Carri. Celui-là, c'est mon meilleur souvenir de vacances. Une petite route bien goudronnée au milieu d'une forêt de rêve et une montée d'une douceur bienfaisante à souhaits. Je trouve d'ailleurs étonnant que Michelin n'ait pas bordé de vert cette partie qui m'a personnellement emballé. C'est vrai que je ne suis qu'un petit vélo un tantinet écolo-poétique et que mon opinion ne peut appartenir qu'à moi. N'empêche que j'y mettrais bien 4 étoiles...
J'ai moins aimé l'autre versant, mais comme nous étions en descente c'était bien moins important.

Dans la région de Crest, nous avons passé de bons moments qui ont noms : Cols de Deves, de Tartaiguille, de la Grande Limite, etc... Il y a d'ailleurs partout en France de ces petits cols dont on ne parle jamais et qui peuvent pourtant faire le bonheur des cyclos des familles, et où nous, les vélos, nous ne sommes pas brutalisés. Pensez-y messieurs les pédaleurs et parlez nous un peu plus de vos cols "faciles"..

Revenus dans notre région, j'y ai retrouvé l'Esterel. Celui-là, c'est mon grand copain. En automne, pour me recevoir, il se pare de bruyères aux mille tons de mauves et d'arbouses rouges et pulpeuses. Quel mérite il a ce grand ami ! Chaque année on lui brûle un peu plus les ailes l'obligeant à exposer de grandes collines calcinées à ses amis de toujours. Et pourtant il se bat pour reprendre le dessus. Il y parvient encore un peu, mais jusqu'à quand ?

Voilà Messieurs les Cent Cols ce que j'avais à vous raconter. Si ce récit ne vous a pas passionné, ce n'est pas de ma faute. Vous n'avez qu'à écrire à mon bon maître pour qu'il vous envoie un de ses récits l'année prochaine.

Le Vélo de Robert BELLONI

ANTIBES (06)


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