A Bormio, dans ma petite chambre d'hôtel, je ne dors pas, malgré la fatigue des grimpettes de la journée... Je ne dors pas car j'ai un rendez-vous d'amour, un rendez-vous très important... et on ne dort pas quand on est amoureux... Je savoure... Je laisse s'égrener les heures... Enfin 5 h sonnent !... Je replie à la hâte mes nombreuses affaires et, doucement, je vais retrouver mon cher vélo qui a dormi dans la tiédeur de la buanderie... dernier coup d'oeil à l'ensemble vélo + sacoches et, 30 minutes plus tard, je pose mes roues hésitantes face au panneau de direction du STELVIO -le géant chéri des Italiens- Mon coeur bat la chamade... Un rêve vieux de 5 ans va se réaliser... Alors, délicieusement, dans le petit matin glacial, je me glisse sur les premières rampes... Pas un bruit... Pas un souffle... C'est l'heure exquise... Je déguste ces morceaux de STELVIO comme une "'gelato'", une grosse, une énorme "gelato"... doucement, par attouchements successifs comme en amour... Au 3° "tornante", je m'arrête, épuisée ?... non ! affamée !... Je sors mon camping globe-trotter pour une double ration de la spécialité "Paul Menton" -demandez sa recette !- çà tient ensuite le muscle actif jusqu'au sommet... Je remonte en selle avant que le froid ne me saisisse... Que c'est chouette d'avoir le bonheur de se réaliser dans le sport de son choix tandis que d'autres... A cet instant, je pense à Isabelle de Reims, "Isabeau", au palmarès cyclotouriste impressionnant de victoires, de grands brevets, et qui, depuis 6 ans est handicapée et continue à faire du "vélo" en écoutant les récits de ses amis sur cassettes. |
Aucun cyclo, ce matin, quelques camions, des voitures portant des skis... Les rochers ont perdu leurs allures fantomatiques ; il fait jour, le soleil apparaît dans la vallée... Je respire à pleins poumons : c'est l'atmosphère des grands cols. Un berger avec un immense troupeau traverse la route et me lance "Forza !..." avec un sourire. Je lui réponds : "Oh ! non ! Piano... Piano...". Je suis au 16° tornante et au septième ciel en même temps... J'aime les grands cols aux virages numérotés, c'est extra ! On en gomme un à chaque passage... Je mouline tranquillement, sans à-coups, souplement, et, aujourd'hui, je ne sens même pas le poids des sacoches... et un petit coup en danseuse pour relancer dans le virage... Que c'est chouette !... c'est que, mine de rien, j'arrive au sommet !... les "gelati"' comme toutes les bonnes choses, ont une fin. Je dois "faire de la danseuse" sur les 2 derniers tournants... ; Hourrah !... Hourrah !... Comment?... Pas de banderole ?... Pas de journalistes ?... Pas d'applaudissements ?... Décidément, les gens sont blasés ! Une nana débarque, dégoulinante de sueur et... rien ?... et pourtant si !... un grand bonheur !... "La louve solitaire" n° 1587 |