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Pas de faux-cols... en Beaujolais et Mâconnais

Revue N° 15 Page 20

" Col-logicien " (1) récent (1984) mais pas moins enragé qu'un autre membre de la secte, les coteaux du nord-ouest de Villefranche-sur-Saône n'avaient pas échappé à mes investigations cartographiques hivernales.

Bien que fort peu convaincu des bienfaits des col-lations qui ont fait la réputation de cette région par ailleurs magnifique, je me disais qu'il serait fort dommage de ne pas cueillir les fruits... d'escalades nombreuses offertes sur de petites routes qui sarmentent... pardon, qui serpentent dans un paysage accueillant et di...vin.

Aussi, profitant d'un samedi d'été en tous points semblable à un autre samedi d'été, c'est-à-dire riche en promesses de bonnes joies cyclotouristiques, je prends de fort bonne heure le volant pour effectuer un rapproché en direction de Beaujeu, point de départ de mon périple.

Le circuit retenu doit me permettre de faire tomber dans mon escarcelle pas moins de 13 nouveaux cols, pas très durs ni très longs il est vrai, mais 13 nouveaux cols quand même : chers confrères, je vois que vous me suivez tous !

Laissant de côté la route qui mène au col du Fût...d'Avenaz, que je connais déjà, je me hâte sur celle du col des Truges. Je me hâte, dis-je, si bien qu'il me faut rebrousser chemin au bout de deux petits kilomètres d'ascension : le précieux bidon d'eau sucrée est resté dans le coffre de la voiture et sans lui, point de salut.

Je franchis, dans le calme matinal d'une petite route peu fréquentée, le col des Truges (445m) puis le col de Durbise (541m), et celui de Fontmartin (640m) : un échauffement en douceur, à peine contrarié par le brouillard rencontré dans une descente vers le petit village d'Ouroux ; les premiers rayons caressants du soleil au départ de Beaujeu se font cependant bien regretter.

Les cols de Bouthon (615m) et de la Sibérie (615m) me conduisent à Cenves ; de là, un aller-retour toboggan (deux kilomètres de forte descente, puis deux autres de grimpette et idem dans l'autre sens) me permet d'accrocher à mon tableau de chasse le col de Gerbey (613m). Ce genre de petit appendice au cours d'une randonnée, qui permet d'aller cueillir un col supplémentaire, ne doit pas être inconnu de beaucoup de " vendangeurs " de notre espèce.

Je me trouve enveloppé d'une carapace de brouillard épais dans l'ascension du col du Carcan (646m) alors qu'un " zeph " à peine perceptible freine ma progression dans le col de Grand-Vent (615m). Au bas de la descente, l'horizon s'éclaircit soudain et je découvre Pierreclos ensoleillé ; c'est bien le meilleur soleil, celui qui vient réchauffer les jambes rougies ou bleuies par le froid, et fait disparaître la chair de poule pour le plus grand soulagement du cycliste tremblotant.

Au départ de Pierreclos, la route du col des Enceintes (529m), étroite et pentue, se tortille entre les vignobles pour ensuite retrouver un tracé plus rectiligne et, au sommet, n'être pas plus large qu'un goulot que l'on convoite avec avidité ; le pourcentage est élevé et les mollets soumis à la douche... mâconnaise, encore un peu congestionnés. La descente, courte mais rapide et tourmentée, demande une vigilance extrême : n'ai-je pas été surpris, dans un des premiers virages, par deux adolescents, chevauchant des engins pétaradants, certainement seuls au monde pour occuper sans partage la chaussée dans toute sa largeur, si l'on peut parler ici de largeur.

Passée la charmante bourgade de Bourguilains, le paysage se transforme soudainement avec l'apparition du lac de Saint-Point mais je n'ai guère le loisir d'admirer son panorama, contrarié par une route large, légèrement pentue, mais au grain grossier et donc au rendement médiocre, qui me dépose à Tramayes. Je dévore des yeux, au passage, les melons et les pêches qui garnissent les cabas des estivants.

Après la descente sinueuse mais bienfaitrice vers Pari-Gagné (il reste encore quelques dizaines de kilomètres pour cela) et Trambly (quel méchant raidard dans ce village), voilà le col de la Sue (415m), le bien nommé par forte chaleur, que l'on atteint dans un premier temps, par une route à la pente moyenne puis, pour terminer, par un dernier kilomètre presque rectiligne et pentu à souhait.

Il est 12 h 30 lorsque je me laisse choir sur une chaise de terrasse installée sur le trottoir, devant un petit bar de Matour. Je m'accorde une demi-heure pour engloutir deux cocas et un café noir en même temps que les carrés de gâteau de semoule aux pruneaux, abricots et raisins secs, que je ne manque pas de me préparer pour l'agrément de mon estomac lors de mes randonnées pédalantes.

Après Matour, c'est le col de la Croix-d'Anterne (556m), dont j'effectue l'ascension en douceur, avec retenue, eu égards à la digestion en cours ; heureusement, la difficulté n'est pas insurmontable et voilà un troisième col de Saône-et-Loire dans ma gibecière.

Après Saint-Bonnet-de-Bruyères, un petit détour pour cueillir au passage le col de Champ-Ivin (742m), puis c'est Proprières et le col des Echarmeaux (720m mais déjà " chassé "), carrefour très fréquenté entre Brionnais, forêts de la Loire et vallée de l'Azergue. Un dernier petit effort après Poule-les-Echarmeaux, qui me permet de m'offrir le col de la Croix des Brosses (644m), une petite route très étroite mais ô combien ensoleillée (il est 14 h 30), puis c'est Chènelette et le retour à la case départ : Beaujeu. J'y étanche une soif qui devenait ardente, avec deux interminables menthes à l'eau, suivies d'un sorbet citron-fruits de la passion, de forte taille, récompense sublime pour le chasseur, ma foi fort satisfait de ses treize pièces " abattues " dans la journée.

Bernard Gacon

Individuel Saint-Etienne

(1) Voir propositions pour les futures encyclopédies de M. André (Revue n°13, page 11).


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