Qu'ils avaient triste mine les organisateurs du CDV, ce dimanche 6 juillet 86 vers 15 h. Qu'allaient-ils faire des médailles, des boissons, des tartes aux myrtilles (succulentes), et des petits pains fourrés. Et d'échanger (avec le trésorier notamment) des souvenirs sur les " pires des pires " randonnées de toute une vie. Et puis les Héros sont arrivés, un par un d'abord, puis par petits groupes... ceux et celles qui avaient réussi à vaincre, à travers l'enfer. Pour nous rassurer, on leur inventait des facilités : " ils avaient des points de ravitaillement... où ils avaient pu se réchauffer, se changer " où " ils avaient attendu à l'abri lors des pluies les plus fortes, et bénéficié ensuite des embellies de l'après-midi ". Bref, ils avaient eu de la chance. Ils ont, en fait, surtout la chance d'avoir un souvenir complet. Le matin, j'avais pourtant un moral d'acier. Surtout qu'il ne pleuvait plus vers 3 h. Et même si, à la sortie de Saint-Dié, d'énormes nuages se mirent à crever en force, j'étais persuadé de passer au travers. Mon épouse ayant renoncé, j'étais seul et j'avais pris le parti d'en rire, quoi que "Poséïdon " y fasse. Dans la descente vers Gérardmer, je chantais même. Dans la montée du Sapois, j'accrochais le rythme d'un cyclo régional. Sous le déluge, nous devisions en grimpant le plus vite possible pour nous réchauffer sans prêter attention aux regards éberlués de ceux que nous dépassions. (Et dire que 15 ans plus tôt, je franchissais ici mon premier col !). Au contrôle du Thillot, je me rendis compte que malgré mon imper en Goretex, j'étais trempé jusqu'aux os. J'en pris un coup au moral. L'animateur de la radio locale qui exerçait là ses talents, nous informa que la météo serait exécrable jusqu'au lendemain, et que nous ne verrions pas le soleil de la journée. Rien ne servait donc d'attendre. |
Au contrôle suivant, au Brabant, nous ne devisions plus. C'était le début de la fin. Pour tous ceux qu'on croisait, monter jusqu'au refuge de contrôle, à pied, ressemblait à une étape de trop, d'un calvaire inutile. Je continuais quand même espérant je ne sais quoi. Et bientôt, j'errais sur les pentes du col de Bramont vers la route des Crêtes. Dans la forêt même, la pluie crépitait sur les joues et interdisait de regarder droit devant. Mais sur la route des Crêtes, dégagée des arbres protecteurs, le tonnerre, la grêle, les flaques énormes, les tourbillons boueux des fossés, le torrent de margouillis descendant du Honheck... c'était un peu l'apocalypse. La foudre heureusement, semblait craquer plus haut encore et ne pas atteindre le sol. Tout ça n'aurait rien été, s'il n'y avait eu cette sensation de froid qui me prit après le Schlucht : " Qu'a-t-il mon vélo à vibrer ainsi ? Cherches pas, toto, c'est ta carcasse qui trésaille, pas ta direction ". Mon compagnon ayant viré vers Gérardmer, seul dés lors, je n'avais plis qu'un espoir, tenir jusqu'au Bonhomme et me laisser glisser vers St-Dié. La mort dans l'âme sans doute, mais au chaud, au chaud... Je n'eus même pas à entreprendre la descente, mon épouse m'attendait au " Bonhomme " avec notre abri à moteur. Trois heures plus tard à St-Dié, le soleil crevait les nuages. Si seulement j'avais pu me réchauffer au Bonhomme et repartir au soleil ! si...si... ! Mais cela ne fait rien, on reviendra en 88, les Vosges ça descend tout le temps..., et... ça ne pleut pas toujours !! J.M. Trolle 4/1/87 |