Je suis atteint de " colite ", maladie moins grave certes que celle officiellement connue sous ce nom mais qui n'en passe pas moins par des phases aiguës, voire frénétiques à la belle saison. Je n'ai aucune envie de me soigner et encore moins de guérir, même si je dois affronter les regards pleins de commisération de mes amis et de mes proches. Collectionner des cols, il faut vraiment être tombé sur la tête ! je n'insiste pas : si vous me lisez, c'est que vous connaissez ces états d'âme. Enfonçons-nous donc dans notre vice et vivons-le le mieux possible... ce qui n'est pas toujours évident. Au début bien sûr, c'est l'enthousiasme : il y avait 1612 cols répertoriés dans notre annuaire FFCT 84/85, dont plus de 200 répartis sur Savoie, Haute-Savoie, Isère et Hautes-Alpes sans parler de ce petit paradis cyclo qu'est la Drôme. Mais les années passent et le terrain de découverte se rétrécit. Alors les choses se compliquent : quand on a exploité presque à fond les ressources d'une région, le nombre de cols nouveaux que l'on peut y gravir se réduit à quelques unités réparties sur un vaste territoire. Il faut aller ailleurs et plus loin si, en fin de saison, on veut présenter un " tableau de chasse " pas trop minable... Et , si on va loin, autant s'arranger pour faire un maximum de cols avec le minimum de kilomètres. A première vue la chose est évidente : il suffit de se pencher sur la carte Michelin. Heureusement cette simplicité n'est qu'apparente, sinon où serait le plaisir de la découverte et de la préparation de l'itinéraire ? Il faut trouver le cheminement le plus astucieux - rarement le plus logique ! - qui vous permette de conquérir coup sur coup ces 3 ou 4 cols voisins en apparence mais situés sur des routes différentes. Et n'y avait-il pas là, sur ce point côté, un col non nommé ? C'est vrai que tous les cols ne sont pas portés sur la carte Michelin. Il faut parfois descendre jusqu'au 1/25000e pour en trouver certains. Il y a aussi des promotions : est-ce moi qui aie " découvert " le col de Chanazoux (Puy-de-Dôme), une merveilleuse petite Croix de Fer ? Laissez-moi mes illusions ! Il y a même des dégradations. Bref, la lecture du rectificatif annuel du Chauvot, notre bible à tous, est pour moi, une intense jubilation, en même temps que prétexte à un important travail de mise à jour. Au fait, a-t'on le droit de comptabiliser des cols qui n'étaient pas encore homologués quand on les a gravis et qui ont été officialisés depuis ? Y a-t-il effet rétroactif ? A l'inverse, doit-on déduire de son total les éventuels cols déclassés ? Ces graves questions déontologiques restent pour le moment sans réponse... Tous ces éléments pris en considération, comment calculer son coup, le plus judicieusement possible, pour obtenir le meilleur rapport qualité-prix ? Avec un peu de pratique, on arrive à de bons résultats : 15 cols en 190 kilomètres au départ de Saint-Péray en Ardèche ou, mieux, 24 cols en 115 km dans le Beaujolais. J'ai aussi découvert les enchaînements (appellation non contrôlée) : itinéraire au cours duquel on peut, en montée continue ou presque, franchir plusieurs cols de suite parce qu'on change, au passage, de versant ou de vallée. L'exemple le plus classique, c'est la combinaison Lautaret-Galibier. On trouve une variante : parcours vallonné mais sans redescente en fond de vallée après chaque col (exemple, la célèbre route des Crêtes de Sestrières à Susa). Les combinaisons possibles ne manquent pas. Avec 3 cols : Réchats, La Chaudière, Gourdon (Drôme). Dans l'un et l'autre sens, on franchit un de ces trois cols à la descente ! Peut-on l'homologuer ? Très bonne question ! Si je le descends, c'est bien que j'y suis monté, non ? |
Je tiens à signaler aux éventuels puristes tentés d'affirmer qu'il n'est pas de bon col que gravi du bas vers le haut, qu'il existe au moins un col qui ne pourra jamais être franchi dans ces conditions : la Baisse des Sangliers (Estérel) est sur une route à sens unique que l'on doit emprunter à la descente... Avec 4 cols : Saisies, Légette, Lézette, Véry (c'est du muletier mais très roulant) ou Serres, Eylac, Pas de Peyrol, Redondet (Cantal) ou encore Cabanes, Triballe,Bès, Asclier (Gard, au départ du Vigan). Avec 6 cols : Montée au col de la Croix de Berthel depuis Génolhac par la montagne du Bougès. On franchit successivement les cols de La Bégude, de Banette, Baraquette, Chalsio et Malpertuis. Le record jusqu'à maintenant revient toutefois pour moi au Mont Aigoual depuis Le Vigan : cols de la Sablière, du Brou, du Minier, de Faubel, de Seneyède, de Prapeirot et enfin de Trépaloup. Soit un total de 7 cols en 45 km. Qui dit mieux ? A la descente on peut encore faire un détour vers les cols de Giralenque et de Montals, avant de revenir vers La Luzette et de regagner évidemment le point de départ par le petit col de Mourèze. Cette course au col a cependant quelque chose de frustrant parfois. Qu'est-ce qu'un col ? " Dépression entre deux sommets formant un passage " nous dit le dictionnaire. Certes. Encore faut-il que la dépression en question soit reconnue comme telle par les autorités compétentes et consacrée officiellement. Ce n'est pas toujours le cas : ce qui est col pour les uns ne l'est pas toujours pour les autres et vice versa. Quelques exemples simples et connus convaincront les sceptiques : - Il n'y a qu'un seul col dans les Alpilles, le col de Vayède, situé juste au pied des Baux. Pourtant les deux routes franchissant la crête principale (D5 et D27) empruntent, elles aussi, un accident de terrain qui ressemble à s'y méprendre à un col... - Sur la belle route des crêtes qui mène du col de Fourche à La Garde Freinet (Maures), il n'y a aucun col homologué, même si, à plusieurs reprises, on passe d'un versant à l'autre en empruntant un point bas de la crête. - Dans la montagne des quatre Seigneurs, au-dessus de Saint-Martin d'Hères (Isère) il n'existe qu'un seul col patenté, le Gourlu. Pourtant, quelques centaines de mètres plus à l'est, on trouve un accident de terrain tout à fait similaire mais resté anonyme. Quant au défunt col des 4 Seigneurs (799m), on pourrait aussi ergoter et déplorer sa déchéance. Abordé par le sud, il n'est qu'une épaule, mais 100m plus à l'ouest, il y a une belle échancrure située entre la montagne du Mulet et celle du Fournet. A l'inverse, dans l'Estérel, il y a abondance de cols et de collets, dûment étiquetés et répertoriés, ce qui prouve bien que, si on veut trouver des cols, et leur donner une existence réelle, (seul moyen de satisfaire les drogués que nous sommes) on en trouve ! Que faire ? Fonder un mouvement pour la Réhabilitation des Cols Méconnus ? Noyauter les services de l'Equipement ou, carrément, essayer la corruption ? Prendre le taureau par les cornes et commencer à baptiser et à baliser soi-même, clandestinement et si possible nuitamment, les cols que l'on estime injustement rejetés dans le néant ? Toutes les suggestions pour résoudre ce problème qui hante mes nuits insomniaques de cyclo seront les bienvenues ! J.Paul Zuanon St Martin d'Hères |