HEU-REUX !! Je suis heu-reux. Aujourd'hui je vais passer mon 600e col. Il a un joli nom d'ailleurs, le plus beau peut-être : le col de France. Je n'ai pas calculé mon coup pour que ce soit lui. Depuis que je suis à la semaine fédérale, je me suis contenté de compter, après chaque journée montagneuse, les obstacles que les Bressans nous faisaient franchir, et hier soir, j'ai écrit sur mon carnet le nom de ma 599e victime. Victime étant un bien grand mot, les 595 et 596e cols m'ayant plutôt donné l'impression que les tortionnaires, c'étaient eux. Donc, dés hier soir, j'ai soigneusement épluché le programme du samedi, apprenant ainsi qu'en face du nombre 600, j'allais écrire le mot France. Le lendemain matin, je suis prêt comme jamais, la forme : impeccable ; le vélo : en état de marche ; l'appareil photo : chargé, et la pellicule non terminée ; le repas, copieux ; le maillot : j'ai mis celui du club pour l'emmener à la fête. Ainsi que le disait (je crois) le maréchal Leboeuf à Napoléon III avant le désastre de 1870 : " Nous sommes prêts pour la guerre sire, il ne manque pas un bouton de guêtre ". J'oubliais le temps : SPLEN-DI-DE. J'avale dés les premiers kilomètres de petits groupes primesautiers qui se baladent gaiement sur les départementales offertes à nos roues. Je n'arrête pas de sauter d'un paquet à l'autre, comme un gamin. Sprintant par-ci, roulant fort par-là, m'abritant derrière un paquet quand j'ai envie de souffler, je m'amuse comme un fou sans me soucier de ce que me réservera le reste du menu de la journée. En peu de temps, me voilà dans les premiers lacets de mon 600e . Il est facile et, l'état de grâce continuant, je m'amuse à le monter un peu fort. Tiens ! un cyclo me dépasse ! Ce n'est pas le premier bien sûr, et il ne sera pas le dernier de la journée ; mais lui, à la différence de beaucoup, me double doucement. Dans ces conditions, le sentant à ma main, une fois qu'il est devant moi, je me mets dans sa roue et j'y reste paresseusement. |
Il suffit de quelques minutes pour que je comprenne que je suis en train d'énerver " maillot blanc ".Il gigote sur sa selle, se retourne pour m'observer, accélère par à-coups, fait des écarts en sprintant, bref, toute la panoplie du cyclo qui aime rouler en solitaire et a horreur des suceurs de roue. La vitesse, à défaut du ton, se met à monter. Nous gagnons des dents, l'un et l'autre, et commençons gaillardement à nous flinguer. Nous sommes vraiment stupides. Nous ne nous connaissons pas, nous n'avons pas échangé une parole, il a l'air aussi cyclo que moi, et sa tête est celle d'un parfait honnête homme, pourtant nous voilà, lui et moi, faisant une montée de fusée pour lâcher l'autre, l'adversaire. " L'adversaire " !! Ridicule ! Et on voudrait qu'il n'y ait plus de guerre !! C'est bien beau de philosopher mais ça n'empêche pas de rouler. Nous voici déjà au sommet du col. Un dernier sprint et je " gagne " d'une roue. Pour parfaire ma " victoire ", je plonge aussitôt dans une descente imbécile, ce genre de descente qui, quand je la vois effectuée par les autres, me permet de faire de très beaux discours sur l'inconscience, etc... etc... C'est en terminant le deuxième col de la journée, alors que " maillot blanc " était loin, devant ou derrière, je ne sais plus, qu'en mangeant un morceau, je me suis souvenu que j'avais, entre autre, pris mon appareil photo pour ramener un souvenir du panneau du col. Je n'ai pas eu le courage de retourner sur mes pas, et j'ai passé une grande partie de la journée à me traiter de tous les noms, gâchant ainsi en partie mon dernier jour de vacances. Aussi je profite de la revue pour lancer un appel vibrant à tous les amateurs de cols. Si l'un de vous a une photo du col de France, dans l'Ain, peut-il avoir la bonté de me l'envoyer ? Il y a une place vide dans mon album-souvenirs où j'ai dessiné un âne à bicyclette. Et j'aimerais bien cacher ce dessin. Michel JONQUET G.C.Nimois |