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1986 : une année entre 2000 et 2200

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Il était une fois un cyclo qui randonnait à tout va, et collectionnait les dépressions entre deux sommets montagneux. Cela faisait une dizaine d'années qu'à ses moments perdus, il chassait les baisses, bocca, pass et autres ports.

La centaine était franchie depuis longtemps. Et, centaine après centaine, on s'était acheminé vers le millier, atteint en août 1981, à quelques 2800 mètres d'altitude, entre Piémont et Savoie. De fréquents voyages dans les massifs alpins et pyrénéens avaient notoirement accru la panoplie du cyclo collectionneur, au moins autant que la consultation attentive des cartes IGN. Des expéditions plus lointaines, du Montenegro au Haut Atlas, y avaient ajouté quelques cols exotiques.

Voici donc notre cyclo ayant à son actif 1999 cols, et se préparant à en gravir un de plus, pour faire un chiffre rond. Allait-il, comme c'était fréquemment le cas, ascensionner en solitaire, alors qu'il y a tant de cyclos de bonne tenue dans la région ?

Des cols franchis en la seule compagnie de son deux-roues préféré, il n'en manquait pas. II y en eut de toutes sortes, des grandioses et des insignifiants, des épouvantails, et d'autres passés en enroulant le 52/14. Le 2000eme se devait d'être, sinon le plus haut, mais à coup sûr celui à faire en la meilleure compagnie.

C'est ainsi qu'une vingtaine de cyclotouristes se retrouvèrent le 26 janvier 1986 dans l'Estérel, non loin du Pic de l'Ours, à la baisse des Sangliers, située sur une route que j'avais soigneusement évitée jusque là, afin de conserver un col vierge à proximité de mon domicile.

Rassemblement coloré ; le soleil était de la partie, avec un ciel d'azur sur la côte du même nom. II y eut un semblant de gelée matinale, mais on transpirait abondamment dans les rochers rouges de l'Estérel.

Au col, une collation pour cyclos affamés et assoiffés fut la bienvenue, et on passa allégrement du tonnelet de Côtes du Rhône aux boissons pétillantes. Au choix, Blanquette de Limoux pour les pyrénéistes avertis, ou Clairette de Die pour les inconditionnels des Alpes.

Un mathématicien qui se trouvait là, calcula que la joyeuse compagnie comptait bien 10000 cols à son actif. Y contribuaient dans une large mesure Paul de Menton, Patrick de l'Allier et Bernard de Sclos de Contes.

Trois absents ne purent participer aux agapes : Alain et Mario dont la fourche de tandem eut la fâcheuse idée de céder à un kilomètre du col, et mon épouse, promue ambulancière, car Alain, pilote du tandem avait la main largement entaillée et dut se faire recoudre à l'hôpital de Cannes.

Que d'émotions pour nos valeureux tandémistes. Une pensée particulière pour Mario, cyclo non-voyant, avec qui j'ai franchi de nombreux cols. De nos randonnées en tandem, la plus dure restera certainement celle qui ne comportait aucun col :j'ai nommé Bordeaux-Paris randonnée effectué en moins de 34 heures.

Journée dure pour certains, singulière pour d'autres qui réintégrèrent leurs foyers à bicyclette en fin d'après-midi, car le climat de la Côte d' Azur, qui sait ménager bien des surprises, nous avait préparé une belle chute de neige à la fin de cette journée splendide.

Il fallut donc ranger la monture pendant quelque temps. Suit une période où la liste des nouveaux cols ne s'enrichit guère. Des cols dans la région, il ne m'en reste que bien peu à déflorer, et pour l'heure, ils sont protégés, qui par la broussaille, qui par un épais manteau de neige, pour ne pas dire par les deux...

Michel VERHAEGHE

NICE


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