Bonneval-sur-Arc, village typique des Alpes à 1800 mètres d'altitude, dernière halte avec l'ascension... La route au-dessus et la chaleur nous dominent, nous surplombent, nous écrasent. J'essaie de jauger, de me donner quelques points de repère. J'essaie de négocier avec chaque lacet visible ; les autres, n'en parlons pas, mon œil ne les voit pas et mon esprit fait semblant de les ignorer. Nous sommes partis d'Albertville et avons cheminé plusieurs heures avant d'atteindre Bonneval. Assise, j'ai déjà oublié toute cette longue approche pour ne plus penser qu'à ce qui m'attend. D'autres sont là, autour de moi et probablement agités des mêmes pensées, des mêmes craintes et du même désir de vaincre. En route ! Il ne faut plus s'attarder, car après le passage du col, il faudra encore redescendre jusqu'à Bourg- Saint-Maurice, puis franchir le Cormet de Roselend avant de regagner notre point de départ du matin (ou plutôt de la nuit !) Le coup de pédale est là, pour l'instant régulier, donné sans effort après cette demi-heure de repos. Mon vélo avance docilement et répond convenablement aux impulsions que je lui donne. Bonheur de me sentir en accord avec ma machine, plaisir de constater que mes jambes sont capables des efforts demandés, beauté des paysages glaciaires, chaque cirque différant du précédent à chaque épingle franchie, contraste permanent entre la chaleur de ma transpiration et la fraîcheur de l'air sur ma peau qui s'accentue au fur et à mesure que nous nous élevons. |
Certains peinent, d'autres sont à l'aise. Chacun vit cette ascension intensément et semble avoir oublié tout le reste de la terre pour ne plus penser qu'à ce col, à cette échancrure qui se dessine maintenant à l'horizon, repère à la fois proche et lointain que l'on croit atteindre à chaque lacet et se dérobe sans cesse. Ayant longé la dernière congère, je sens enfin le petit courant d'air annonciateur du col. Ouf ! Ça y est ! La montagne est domptée, elle s'est pliée, s'est soumise à ma volonté - Sensation d'euphorie - Une étrange émotion m'étreint et m'empêche d'avaler: je viens de franchir mon premier col à plus de 2000 mètres ! Mon mari, compagnon de vie et compagnon de route participe à ma joie. Alors me revient en mémoire le récit de cette même ascension cyclotouriste vécue 50 ans plus tôt par mon beau-père, sur une route fraîchement inaugurée mais... encore sans asphalte! Anne FELIX Cyclo-Club BEAUREPAIRE (ISERE-38) |