C'était en août 1986... Depuis quelque temps déjà, j'éprouvais le besoin de me dépenser physiquement, de faire vivre mon corps pour m'y sentir bien. Mais je crois que c'est surtout une certaine injustice oppressante qui me poussa à m'éloigner de toute routine quotidienne ; je devais absolument retrouver une nature réparatrice avec de vrais bruits, de vraies couleurs, de vraies ombres, de vrais besoins, de vraies joies. Je voulais partir sans savoir où j'allais planter ma tente le soir et éviter toute assistance afin d'affronter les difficultés sans détour possible. Je pensais faire du vélo-plaisir avec Gégé mais mon entreprise l'effrayait quand je lui parlais d'un nombre indéterminé de cols à gravir et de kilomètres à parcourir ; je lui faisais bien miroiter les images et les souvenirs que nous emmagasinerions pour les longues soirées d'hiver, sans pour autant passer sous silence les difficultés, le froid, le chaud, le mouillé, les douleurs du fessier qu'il faudrait accepter sans se plaindre car c'était là une barrière inévitable à franchir pour passer du quotidien douillet au vélo ! Rien ne la décida et c'est seul que je m'élançais sur la Route du Vin, ce matin du 5 août, me faufilant au milieu de l'important vignoble alsacien, traversant de magnifiques villages aux pignons à colombages soigneusement restaurés qui donnent âme et originalité à notre région. Mais c'était du déjà vu ; j'étais beaucoup préoccupé par ce départ dans la solitude et la perspective d'un tel voyage ne me grisait pas. Au début, je pédalais nez dans le guidon (enfin de l'activité physique) ; plus je m'éloignais, plus mes problèmes s'estompaient, ils ne me concernaient plus, ça c'était nouveau ! Seulement, petit à petit, un air de mélancolie et de regret s'installa et, passé Eguisheim, je téléphonai..., elle n'était pas là. J'essayai plus tard, juste pour m'assurer qu'elle ne regrettait pas sa décision, pour lui dire que ce serait mieux à deux, juste pour lui demander ce qu'elle ferait le lendemain... 6 août. La nuit et les 100 km qui nous séparaient, portèrent sûrement conseil car, dans la matinée, Gégé me rejoignait en voiture, son vélo sur la galerie! Désormais nous allions pédaler à deux, rouler un peu tous les jours, voir du pays..., En cas de grosse défaillance, il y aurait toujours une petite gare quelque part ! L'itinéraire, nous le choisissions en fonction des curiosités à ne pas manquer, des grandes routes à éviter, des cols à franchir..., En tant que membre du Club des Cents Cols, je voulais en profiter pour allonger ma liste (Gros yeux... petit sourire au coin des lèvres...) ! Ce soir-là, nous dormions aux Hauts de Lucelle, en Suisse romande; nous n'avions parcouru que 67 kilomètres, mais, pour un premier contact avec le Jura, c'était suffisant. Les étoiles scintillaient à travers le feuillage de l'immense charme sous lequel nous étions installés ; on devinait le beau temps pour le lendemain. 7 août. A midi, nous passions le col des Rangiers, le premier d'une longue série de 57 ! Ça sentait bon les foins autour de nous ! Quelques côtes bien placées avaient fait perler les premières gouttes de sueur de dans nos veines, le sang battait d'effort, de plaisir de monter, de joie d'être à deux et de partager. Dans la traversée des Gorges du Pichoux, je notais sur mon carnet de route : le grondement du torrent pour les oreilles, la brise pour la peau humide, l'ombre pour la tête, la bonne route pour les fesses, le soleil pour le joyeuse humeur ; mais ça grimpe quand même ! Après le col de Pierre Perthuis, le Pays de Neuchâtel nous accueillait dans un site de carte postale où serpentait un chemin de fer ; l'herbe y était coupée avec beaucoup de minutie. Dans ce cadre, nous franchissions encore le col de Bellevue avant de planter la tente au camping de La Chaux de Fonds; il faisait toujours beau mais des nuages se pressaient à l'ouest... 8 août. Dans la fraîcheur du matin, "La Vue des Alpes" se négocia sans trop de peine mais l'effort ne fut pas récompensé par un tour d'horizon digne du nom de ce col, dommage! Sur l'autre versant, nous retrouvions "Iâ" Suisse typique avec ses belles petites routes, ses villages bien ordonnés, ses champs de blé ou de maïs cultivés avec beaucoup de soin et ses prés fauchés dans les moindres recoins. L'après-midi, les éclaircies qui reprenaient le pas sur les nuages nous firent miroiter les nombreuses voiles voguant sur le lac de Neuchâtel. Gégé commençait à prendre la cadence au milieu de ce chatoiement de couleurs, et le col des Etroits se monta encore avec plaisir. Les ombres s'étiraient déjà sur le côté de la route quand nous pénétrâmes dans la vallée de la Joux, vers les pentes du col du Mollendruz ; il y eut bien quelques rampes au départ, mais très vite la pente devint adorable et nous nous surprenions dansant sur nos bicyclettes au son des cloches des vaches ! C'est relativement tard que les rayons rougeoyants, rasant les eaux du lac de la Joux, nous réunirent autour d'une choucroute "William Saurin" mijotant sur le petit réchaud que nous transportions ; un litre de bière nous fit oublier les efforts de la journée et... les courbatures ! 9 août. C'est à peine si nous eûmes le temps de digérer les tartines de miel du matin, car rapidement il fallut déployer toute notre énergie sur les pentes "trois flèches" (Michelin oblige !) du col de Marchairuz (1449 m). Dur ! Dur ! Mais nous mîmes un point d'honneur à ne pas mettre pied à terre. Par les cols de la Givrine et de la Faucille, nous quittions ensuite les plateaux du Jura et descendions dans le Genevois ; le vent se levant et le ciel s'assombrissant, les éléments naturels vinrent à bout des nerfs de ma compagne qui déclara qu "elle en avait m... de faire aller ses jambes et de poser son c... sur la selle !"... avec le sourire quand même. Le vélo-plaisir allait-il devenir vélo-douleur? Mais nous venions de pénétrer en Haute-Savoie, une région que j'adore pour ses mille et une facettes et que j'ai souvent parcourue à pied ou à vélo. Nous étions au pied des Alpes, et sur ce terrain, Georges Rossini du cylo-club de Thonon nous avait préparé un itinéraire "choc et chic" qui nous chatouillait l'imagination depuis quelques mois et qui devait nous conduire jusqu'à Antibes, à travers 47 cols et des lieux sublimes où nous allions connaître le vélo-bonheur. Cette nuit, Annemasse nous hébergea... sous la pluie ! 10 août. Nous avons longuement hésité à nous lancer à l'assaut de la montagne car la pluie n'avait pas cessé depuis la veille ; l'idée d'une journée de repos nous effleura mais ce fut la soif de voyage et d'inconnu qui l'emporta sur la sécurité de rester et qui fut plus forte que le risque de se faire mouiller. A la première interruption, nous nous dirigeâmes vers le col de Saxel ! Le tonnerre grondait en altitude et les sommets étaient bien pris dans ce ciel livide qui s'obscurcissait à mesure que nous approchions du relief ; côté lac Léman, c'était également bouché ; les oiseaux s'étaient tus au passage de quelques ondées et ça baignait dans... l'eau ! Pourtant, au milieu de ces fleurs et autres plantes forestières qui embaumaient fortement l'air, aidé aussi par ces odeurs d'herbe coupée et de macadam arrosé par intermittence, je devinais une amélioration... Au village de Sècherouilles, je notais sur mon carnet : le ciel se déchire, les oiseaux recommencent à siffler, les insectes se remettent à murmurer, la route sèche. Avec les cols du Perret et de l'Avernaz, l'aspect préalpin se différencia bien du Jura que nous venions de traverser; des pointes rocheuses dominaient les pâturages parmi lesquels nous pédalions et ça sentait bon la vache ! "Vive la Haute-Savoie, son reblochon, sa tomme '" semblaient nous dire ces braves bêtes au passage. Le soleil déclinait déjà sur les crêtes des Aravis qui barraient l'horizon vers le sud quand Cluses nous accueillit en fin de journée. 11 août. C'est une erreur de croire qu'il est difficile de voyager à bicyclette ; bien sûr, les premiers temps ne sont pas toujours faciles, c'est une question d'adaptation, le temps de se faire à cette nouvelle manière de vivre. Un voyage comme le nôtre à la portée de tous, il faut y croire ! Malgré notre charge, nous nous étonnions tous les jours, comme sur cette route "deux flèches" taillée dans le roc, au pourcentage soutenu sur 9 km vers le col de Romme, ou encore dans la montée du col de la Colombière culminant à 1600 m, dans une ambiance alpestre très reposante. Le ciel laissait de belles éclaircies mais une certaine lourdeur trempait nos cuissards que nous avions enfilés sans slip! (très efficace contre les irritations du fessier). Vous ajoutez à cette atmosphère le calme qui s'était fait autour de nous, dans l'attente de... et mon inquiétude se confirma après le Grand-Bornand ; jusqu'au lac d'Annecy, par le col de Bluffy, ce fut une course contre la montre avec... les nuages! Toute la nuit, le clapotis des gouttes de pluie sur la tente nous berça dans nos rêves... 12 août. Au matin, le temps n'était pas splendide. Le son d'une cloche se rapprochant, puis s'éloignant à intervalles réguliers, des pentes du col de Leschaux, nous parlait d'un vent de pluie ! Derrière nous, le lac fumait et les Dents de Lanfon, comme la Tournette, étaient bien encapuchonnées. Mais devant nous, le large col, tout de verdure, sentait bon la nature humide... La faible pente qui s'étirait sur 12 km, nous donna de l'entrain à pédaler et nous réchauffa ; nous avions le temps d'être à l'écoute de notre corps qui, au fil des jours, bronzait, se musclait et se sentait à l'aise dans l'effort physique. Pour éviter de mouiller la chemise sur la route du col de la Cluse, je montai torse-nu, malgré l'air frais et une bruine persistante. Bien au chaud et au sec dans leur voiture, les automobilistes qui nous dépassaient ou nous croisaient, appréciaient notre effort avec de grands gestes ; quelques-uns restaient impassibles ! Ayant un rythme ascensionnel plus rapide, j'avais souvent un peu d'avance dans les portions de route pentue et j'en profitais pour photographier, écrire, ...; ce jour-là, je fis chauffer une tisane, j'étais sûr que Gégé allait apprécier ! |
Perdus dans les nuages, nous pointions ensuite au sommet du Mont Revard où une brusque déchirure nous accorda néanmoins une superbe vue plongeante sur le lac du Bourget. Dans la descente du col du Plainpalais, le ciel souri a et finalement le soleil dissipa toute la masse nuageuse. Ce soir-là, nous pûmes longuement admirer les reflets du couchant sur les montagnes qui encerclent le lac... 13 août. Qui ne rêve pas, qui n'a jamais rêvé de partir, de voyager, ne serait-ce qu'une seule fois dans sa vie ? Le désir de connaître, de découvrir est quelque chose d'inné, et ce matin, autour d'un petit déjeuner copieux à même la pelouse, nous ne regrettions pas d'être partis. Huit jours déjà, 700 km dans les jambes, 22 cols dans les bras, une boulimie d'images dans la tête, une satisfaction profonde dans le cœur... Heureux ! Les cols du Granier, du Cucheron et de Porte, entrecoupés de vallons très verdoyants, nous permirent de pénétrer le massif de la Chartreuse où les campings, fleurissant un peu partout, prouvaient que les gens s'y plaisaient ; nous aussi ! Au repas de midi, il y eut des quenelles à la sauce financière ! Hum ! à se lécher les babines! En effet, nous achetions souvent des petits plats préparés et surgelés qu'il suffisait de réchauffer sur notre petit "camping-gaz". Nous étions fréquemment en appétit avant l'heure !! 14 août. Hier soir, nous avons longuement cherché le campement de St Egrève, à l'entrée de Grenoble, qui existait toujours sur la carte mais qui, sur le terrain, avait été avalé par un quartier résidentiel en construction ! Seuls les points d'eau furent encore utilisables. Le beau temps était au rendez-vous et je transpirais beaucoup jusqu'au col de Montaud ; avec la charge et la raideur de cette route serpentant entre les vagues pré-alpines, j'étais contraint de monter en danseuse; je pensais à Gégé qui devait suivre... en pestant ! Pensez-vous ! Elle arriva gaillardement, me disant qu'elle avait bien dû marcher dans les sorties de virages mais qu'elle était subjuguée par le décor. Pour rejoindre Autrans et Villard-de-Lans par les cols de la Croix Perrin et du Mortier, les vallées étaient larges et le soleil avait le temps de nous surchauffer. La fraîcheur, nous ne la retrouvions qu'en pénétrant dans le Vercors où il ne fut plus question que de grottes, de spéléo, d'escalade, de routes coincées ou taillées dans la roche comme dans les Gorges de la Bourne ou dans les Grands Goulets ; impressionnants et sublimes ! 15 août. On sentait l'approche du sud et de la Provence ; la végétation se rapetissait et se dispersait entre ces parois verticales qui nous éblouissait de leur luminosité. Les arbres n'étaient plus ces grands feuillus de la Savoie distribuant ombre et fraîcheur, alors qu'il faisait de plus en plus chaud et que le bitume fondait ; les gravillons restaient collés sur nos petits pneus et, emmenés dans leur élan, raclaient l'intérieur des garde-boue ! Au col de Carri, le Parc Naturel Régional du Vercors nous accueillait ; le paysage que nous découvrîmes valait bien nos rêves et après le col de la Machine, je notais sur mon carnet de route : la "Combe Laval", une route taillée dans le roc, datant de 1893, élargie en 1938/39 ; tunnels, route surplombante, des abîmes profonds-voir photos-sublime !! Col de Gaudissart, col de la Croix, col du Pionnier, de la Portette, du Chaud Clapier, de la Chau, de St. Alexis, col de Rousset (où une descente sublime (encore) nous emmena vers la Drôme !)... Des cols il y en eut dix ce jour-là ! Ce fut une journée "choc" pour les jambes mais "chic" pour les yeux. A Die, les cigales égaillèrent nos oreilles toute la nuit et un filet de lavande nous chatouilla les narines... C'était le dernier rendez-vous de la journée, une journée de vélo-bonheur ! 16 août. Cette journée nous conduisit aux "portes du Dévoluy" ; malheureusement, nous ne pûmes éviter la route de Sisteron et après les 12 jours de calme que nous venions de passer dans la montagne, le refrain "goudron, chaleur, voiture" nous assomma littéralement ! Sur 72 km, rien n'attirait notre regard sinon la route; les cols de Cabre et du Pignon se rajoutèrent malgré tout à la liste. Le soir, nos oreilles bourdonnèrent longtemps mais nous avions retrouvé le calme à l'intérieur du Dévoluy ; au pied du Pic de Bure, à la ferme du Petit Vaulx, des chevaux et des gens sympathiques nous avaient accueillis. 17 août. "Un rayon qui s'engouffre dans la tente restée ouverte et qui nous lèche la figure, une petite brise qui secoue le double toit, de l'eau qui coule dans la piscine aménagée par le fermier, une odeur de foin qui nous excite l'odorat, une radio qui caresse l'ouïe avec l'air: juste une illusion... et toujours ce calme de la montagne"... tel fut notre réveil en douceur pour un matin de grande journée ! Nous franchissions encore des cols (Festre, Noyer, Bayard, Manse, Lebraut) mais ils n'étaient plus une obsession ; ils étaient devenus notre terrain de jeux et nous les préférions aux grands plats, aux longues lignes droites sur lesquelles il fallait mouliner sans avoir quelque chose à se mettre sous la... pédale ! Nous étions en Dévoluy ; une morne tristesse régnait sur cette terre aride et tout en cailloux. Vers le col du Noyer, la route était petite et aucune voiture ne venait interrompre le seul bruit de la nature, quel délice ! L'impression de solitude était extrême. Les papillons volaient autour de nous et les grillons n'arrêtaient pas leurs stridulations à notre passage, tellement nous étions silencieux sur nos vélos, à l'image de ce paysage lunaire ! Le crépuscule, avec son vent du soir, nous surprit au-dessus du lac de Serre-Ponçon ; le soleil rosissait encore l'horizon mais la lune, presque pleine, nous souriait et nous surveillait déjà. Nous étions à l'entrée de l'Ubaye. .. 18 août. 48 kilomètres, un seul col, le Collet.". Quelle chaleur! Nous étions constamment à la recherche d'eau, d'ombre et... d'argent ! Pas de banque ouverte depuis quelques jours à cause du week-end prolongé du 15 août ! Bonne leçon, dorénavant il faudra prévoir; mais nous ne comptions plus les jours... Trop chaud ! A Barcelonette, au pied des cols de plus de 2000, la montagne fermait ses portes et un violent orage s'abattit sur la région ; cela tonnait fort chez "St. Pierre" ! Notre petite tente nous inspirait un peu de sécurité, et si nous avions été là-haut ? 19 août. Vers 9 h, nous nous élancions dans la fraîcheur matinale et à 11 h 30, le col d'Allos, avec ses 2244 m était gravi. Gégé semblait assez satisfaite de la réussite de son premier 2000 ; elle s'en inquiétait encore la veille et le matin même, me parlait de rêves étranges où il était question d'esprits et de vélos ! Mais elle avait le sourire, le soleil aussi ! 11 épingles dans un bois de mélèzes, voilà la physionomie du début du col des Champs au départ de Colmars, notre deuxième 2000 de la journée ! Et personne n'avait l'air de trop souffrir, c'était merveilleux ! Pour la première fois depuis 15 jours, nous roulions en compagnie d'autres cyclo-campeurs ; comme disait la gardienne du camping de Barcelonette ; je vous prenais pour des hollandais : il n'y a qu'eux qu'on voit pédaler comme ça, les autres font un col dans la journée et rentrent le soir ! Dans les Gorges de Daluis, creusées dans d'étonnants schistes rouges, nous rattrapions des cyclos allemands ; décidément c'était le jour des rencontres ! Nous décidions de camper ensemble à Entrevaux, dans une super ambiance moyenâgeuse, car cette cité avait été fortifiée par Vauban pour défendre l'entrée de la vallée du Var. 20 août. Une pente à 14 % nous surprit à la sortie du camping (dur ! dur ! à froid), suivie d'une vingtaine épingles se faufilant à l'ombre et dans l'odeur des pins jusqu'au col des Félines ; d'autres plantes basses y ajoutaient leur parfum..., la Côte d'Azur n'était pas loin ! 20 %! Un panneau venait d'annoncer des déclivités à plus de 20 % en direction du col des Buis! Tout de suite la pédale se fit lourde ; derrière moi Gégé avait déjà mis pied à terre ! J'essayai, j'accélérai mon souffle pour bien oxygéner, je ralentis le pédalage pour garder des réserves ; les rayons de la roue arrière grincèrent, la chaîne craqua, mes muscles gonflèrent, ma tête chauffa... Non vraiment un 36/25, avec le matériel de camping, c'était trop juste ! Il faudra y revenir plus léger. Pour la première fois, je bloquais dans un col ! Je marchais 10 m poussant mon engin avec beaucoup de mal mais le remord me rongeait déjà, m'étais-je laissé intimider par le panneau ? Et si j'essayais une nouvelle fois ? Je me remis donc en selle (dans le sens de la descente), fit demi-tour et repartis, les muscles bandés sans être limite, le rythme respiratoire rapide, tout en zigzaguant sur la route et en me calant bien en danseuse sur mon guidon...; ça passa partout (3,5 km), formidable ! Personne pour m'applaudir, je ne gagnai ni coupe ni fleur, mais la récompense était de l'autre côté quand j'allai m'offrir la super descente; ce n'est pas encore le "Buis" qui m'aura fait marcher! Dans les clues de St. Auban, au col des Lattes, au col Bas, à Gréolière, partout nous sentions maintenant le souffle de... la mer ! C'est elle qui nous fit avancer au cours de cette journée ! Au col de Vence, ultime sommet de cette randonnée avec vue sur la Méditerranée, nous étions remplis d'émoi, de bonheur, d'envie de continuer... après plus de 1 400 km ! Vignoble alsacien, Jura, Savoie, Chartreuse, Vercors, Dévoluy, Ubaye, Provence,... nos bicyclettes nous permirent de vous respirer ; nous reviendrons, c'est sûr ! Michel HELMBACHER Rosheim |