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Ascensions sur le vélo, avec la bécane, sans la machine, sans le bazar...

Revue N° 16 Pages 50

Quoi de plus gratifiant que d'atteindre un col nouveau quand on est "100 cols" drogué jusqu'à la moelle... Mais il y a manière et manière.

Sur le vélo, c'est net, c'est beau, c'est clair, satisfaction totale, voire autosatisfaction à tourner la tête des plus modestes, quand il s'agit ensuite de raconter tout cela à différents auditoires. Dans cette classe, on note les plus prestigieux Iseran, Izoard, les monumentaux Simplon, Stelvio, les verdoyants Louschbach, Linge, les odorants Peyruergue, Perty, les volcaniques Eylac, Entremont, les méditerranéens Braus, Brouis... Ce sont les friandises de notre confrérie. On les goûte et on y revient.

Avec la bécane, l'ensemble monture-cyclo s'est quelque peu désuni, mais pour le meilleur et le pire, on reste associé. Ce peut être passager ou plus durable; on fait front contre ornières et cailloux, et on arrive ensemble, l'un servant d'appui à l'autre. On y rencontre de célèbres muletiers tel le Sommeiller, des moins célèbres en vue de l'être tel les Roques Blanches, des humbles comme celui de Chaudebonne, des ignorés ou presque (le Dresq).

Ce sont de braves cols oubliés de l'équipement, mais qui, le temps aidant, se font de petites renommées locales, voire nationales ou internationales.

Sous la machine, on devient porteur le temps d'un passage, c'est Hannibal franchissant les Alpes avec son attirail : un cadre, deux roues, deux freins, une chaîne, un dérive-chaîne... Si on pouvait plier tout çà dans un format genre caisse à outils à bretelles, ce serait plus commode, et on se ferait moins remarquer. Car, sous la machine, il faut donner des explications aux humains rencontrés dont les réflexions = f (QI) vont du terne : "Tiens, voilà le Tour qui passe" au plus indulgent: "Mais, mon bon monsieur, vous vous êtes égaré". Sans la machine, c'est parce qu'on en aura besoin plus loin, de l'autre côté ; alors il faut bien passer, même si un sentier de chèvres, c'est déjà juste pour une paire de baskets. Mais une traversée, c'est une bien belle joie, et la boucle Briançon - Névache - Galibier - Briançon se fait en partie sans la machine. Eh bien, çà vaut le coup, foi de 100 cols, même si pour calmer les esprits chagrinés de rencontrer un tel équipage inversé entre Seuil et col des Rochilles, la réponse la mieux acceptée fut de déclarer: "Rassurez-vous, je suis en permission de sortie de l'hôpital psychiatrique de Briançon, je rentre ce soir par le Galibier, promis juré !"

Sans le bazar, çà finit par arriver quand on cherche à décrocher toujours un tantinet vaniteusement un port, un pas, une brèche, enfin un truc à maximum et minimum que l'on approche avec un véhicule mû par la force musculaire, mais qu'on ne peut atteindre raisonnablement que sur deux jambes. Alors peste soit de l'engin. On le laisse généralement à plat sur le sol rocailleux... et, allégé, on atteint la dépression tant convoitée sur la crête. Cela arrive, n'est-ce pas chers confrères ? A quoi bon gêner ceux qui veulent regarder le lointain à la Porte de Cristol, l'escalier rocheux qui y conduit est bien trop étroit. Quant à la magnifique forêt située dans le synclinal de Saint Genis, près de Serre (05), comment diable atteindre en vélo les Pas de Jaume ou de Zègues, ou cette Porte Sereine sur une crête où, même le GR se perd au moins dix fois. Et pourtant, trente kilomètres de route forestière y franchissent déjà six cols superbement cyclables. Alors, sans le bazar abandonné à l'ombre d'un pin (pas pour lui, mais pour le yaourt contenu dans le sac) au milieu des papillons multicolores, le Roc de l'Esculier et son Pas de l'Aup tout proche offrent un magnifique panorama : Au nord: Ecrins et Pelvoux, au sud : tout le développement de Lure au Ventoux. Alors, ce Pas de l'Aup, tant pis pour la liste. D'après les écrits de passages du gîte de Monique à Savournon, un Cent Col est passé l'année précédente, a trouvé et gravi en vélo onze cols en ce lieu, dont les sus-nommés Jaume, Zègues, Aup, Sereine. Ce serait un homme du sud, très au sud, du côté de l'Italie, salué ici très amicalement à l'occasion. Celui qui est passé après lui s'est contenté de sept (six plus un col satellite). Mais Dieu que la ballade était jolie : papillons, framboises, source claire et fraîche, sieste, calme. N'était-ce pas un peu le Paradis ? Alors : sur, avec, sous ou sans notre chère machine, la montagne et ses merveilleux points singuliers est bien notre grande reine à tous, nous dispensant à la fois ses courroux et ses bienfaits.

G. DELAFONTAINE

C.C. BAGNOLS MARCOULE


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