Page 25b Sommaire de la revue N° 17 Page 27

"100 cols" grâce à l'Atlas

Revue N° 17 Page 26

Au soir d'une année peu riche en nouvelles conquêtes, je me surprends à revenir en arrière, lorsque chassant les + 2000 m pour atteindre le quota imposé, j'allais les chercher... loin...

Mais avant de poursuivre, je dois mettre en avant une certaine originalité : en effet, les membres de notre honorable confrérie qui n'ont jamais mis les pieds dans les Alpes, ne doivent pas être légion ! Des Pyrénées, à l'époque, je n'avais "fait" que le Tourmalet. Le reste, je l'ai trouvé dans l'Atlas, au Maroc. Coopérant dans ce pays pendant 9 ans, j'ai attendu les 2 dernières années de mon séjour là-bas pour oser monter sur un vélo. Cela pouvait passer pour saugrenu dans mon bled, les "vélos-loisirs" ne fleurissant qu'autour des grandes villes. Il a fallu qu'un jeune coopérant belge arrive, pour qu'à deux nous franchissions le pas... et la porte du garage.

Alors en route pour l'immensité des champs de blé de la Chaouïa, pour l'immensité des steppes pré-sahariennes, l'immensité des 3 Atlas, le Moyen, le Haut et l'Anti-Atlas. Trois chaînes de montagnes, quelle aubaine, que de cols, me direz-vous ! Détrompez-vous, les cols sont relativement peu nombreux (ou la cartographie par trop incomplète) et les amoureux d'une montagne barrière difficilement franchissable pourraient être déçus : l'Atlas culmine à des altitudes respectables mais ne paraît guère impressionnant. Figurez-vous que j'ai escaladé (à pieds) au mois de juin les 4000 m du Toubkal en chaussures de tennis ! Figurez-vous qu'en haut des 2178m du col du Zad poussent des cèdres ! Figurez-vous que j'ai franchi (à vélo) en tenue estivale sous un magnifique soleil, les 1907 m du Tizi- n'Talhremt (le col de la Chamelle)... un 10 février ! Un autre monde, quoi !

Mais parlons de ces fameux + 2000 m grâce auxquels j'ai pu être des vôtres. Le collègue du "Plat Pays" et moi- même avons été immédiatement attirés par le plus haut, le plus beau, le plus connu sans doute : le Tizi n'Tichka (tizi : col en berbère), 2260 m, par lequel passe la route reliant Marrakech à Ouarzazate. L'aventure commence dans la palmeraie marrakchie, pour se poursuivre plus loin dans un paysage plat et aride avant d'aborder les contreforts du Haut-Atlas. La terre est rouge, faisant ressortir le vert de la végétation (arganiers, chênes-lièges, pins d'Alep), tableau aux couleurs du Royaume maghrébin. Des douars entiers construits en pisé passeraient inaperçus si l'encadrement de quelques fenêtres peint en blanc ne les trahissait. La présence d'enfants chahuteurs, un peu moqueurs, signalent aussi leur proximité. Au détour d'un virage, l'image d'Epinal : un homme, turban et gandoura blancs mais babouches jaunes, trottant en amazone sur un âne maltraité, suivi d'une femme à pied, ombre noire ployant sous un énorme fagot... Curieux, voyeurs, nous observons, nous nous étonnons à chaque scène nouvelle; mais aussi gênés, un peu honteux, nous sentons notre présence sur nos vélos de luxe quelque peu déplacée...
Finies les rêveries, la route se rappelle à notre souvenir. Après un premier col, le Tizi n'Ait Imguer à 1470m d'altitude, elle suit maintenant un torrent, dont le lit est encombré de lauriers-roses, monte le long d'une vallée de plus en plus étroite et un vent glacé la prend en enfilade. Le ravitaillement à Taddert, dernier village avant le col, est le bienvenu. Nous achetons des côtes d'un agneau dont la tête sanguinolente trône sur l'étal, assaillie de mouches. Le restaurateur d'en face accepte de nous les faire cuire pour un régal dont nous gardons encore un souvenir ému. Mais il reste une bonne quinzaine de kilomètres avant le sommet. La route serpente à flancs de montagne, repasse sur elle-même, avant de s'allonger sur un haut plateau et enfin de déboucher sur la plate-forme du col. L'ascension n'est jamais vraiment dure mais quel vent glacial ! Tout à l'heure la descente qui fera flirter avec des ravins impressionnants sera bien plus délicate !

Au sommet, nous nous engouffrons chez un marchand de minéraux pour nous réchauffer et marchander longuement un cendrier en onyx, prix à payer à l'épouse délaissée. Hélas nous n'irons pas plus loin, vers le Tizi n'Lebnis (2210m) que nous aurions passé dans ce sens quasiment en roue libre pour dégringoler ensuite sur le versant saharien de l'Atlas...

Nous pensons déjà à nos futures "conquêtes". Nous "vaincrons" ainsi le Tizi n'Test (2100m) qui franchit le Haut- Atlas vers la plaine du Souss et Taroudant, le Col du Zad (2178 m) et le difficile (surtout un après-midi de juin !) Tanout-ou-Fillali (2070 m) qui franchissent le Moyen-Atlas vers Midelt et le plateau de l'Arid qui porte si bien son nom. A l'heure d'un bilan, espérons provisoire, ces moments figurent parmi les plus beaux de ma "carrière" cyclo. Ah ! si j'avais osé plus tôt !

Panneau routier en haut du col : col du Tichka : Alt.2260 m

Bernard FORSANS – N° 2505

CCS St Jean de Luz Olympique


Page 25b Sommaire de la revue N° 17 Page 27