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BALLADES AZUREENNES

Revue N° 18 Page 29

Le hasard minutieusement préparé de mes vacances estivales m'a amené à participer le 2 juillet à la randonnée des cols Azuréens, organisée par l'Amicale Cycliste de Cannes La Bocca.

Départ aux aurores, pour 200 km, prés de la piste cyclable Louison Bobet, réservée à la compétition, curieux anneau de bitume au tracé incertain, à mi-chemin entre le vélodrome et la route utilitaire.

Direction le massif du Tanneron, via Pégomas. Cette première ascension nous laisse le loisir d'admirer les points de vue sur la vallée de la Siagne, dans le jour naissant. C'est aussi l'occasion de lier connaissance avec Gérard, de l'A.C. Grassais, et secrétaire du C.D. 06, qui va se révéler un guide précieux et efficace au cours de ces randonnées.

Puis, nous redescendons, longeons le lac de St Cassien, passons Fayence et Seillans, pour aborder le col de St Arnoux (643 m), ardu mais ombragé. Le soleil commençant à chauffer, mes accompagnateurs du pays recommandent la halte bidon à la fontaine ombragée de Bargemont, au pied du col de Bel Homme (951 m). Au sommet, 6 km plus loin, ravitaillement léger, avant de traverser le camp militaire de Canjuers.

Peu après, Gérard, grand chasseur de cols devant l'éternel, propose une légère variante au parcours officiel qui me permettra d'ajouter le Collet de Subert à la liste annuelle que j'enverrai au Sieur Dusseau dès les premiers frimas, pour le compte du Club des Cent Cols. Nous revenons aussitôt après dans le droit chemin pour gravir le col de Clavel et le col de Siron, et arriver au contrôle ravito que nos estomacs attendent avec impatience.

L'accueil y est chaleureux ; on nous propose des chaises à l'ombre, on nous chouchoute, et comme il y a moins de monde que prévu, les portions sont généreuses ; bref, c'est le luxe !

Il faut cependant repartir, et c'est tout doucement que nous nous arrachons à ce plateau de St Thyrs qu'orne une petite chapelle.

Nous redescendons sur Castellane, " dominée par son roc, gigantesque falaise de calcaire ", pour longer ensuite le lac artificiel du barrage de Chaudanne, aux eaux d'un vert profond, en passant sous quelques tunnels. Suit l'ascension du col de St Barnabé (1367 m) rude dans sa première partie, plus cool après Demandolx où nous n'avons pas omis de remplir les bidons. Contrôle au sommet en plein courant d'air glacial. Le soleil, si généreux ce matin, semble d'ailleurs vouloir se planquer derrière de gros nuages noirs, annonciateurs de catastrophes météo.

Après St Auban et son impressionnante Clue (étroit passage de la rivière Esteron et de la route entre deux falaises abrupte percées de tunnels) nous cheminons à l'ombre des pins, de même qu'en grimpant le col de Bleine (1439 m) point culminant de la randonnée ". C'est dans ce même col que le copain de Gérard, âgé de 66 printemps, nous largua propre et net, sans le faire exprès d'ailleurs, pour parvenir à l'ultime contrôle du sommet avec une petite minute d'avance. Comme quoi le vélo conserve, surtout sous les latitudes méditerranéennes. Vivement dans 30 ans, que je pédale comme lui !

C'est ensuite la descente vers la mer via le col de Castellaras, avec une belle vue sur la vallée du Loup. Dans la descente, la route mouillée atteste que nous avons échappé de peu à l'orage. Les trois derniers cols (Sine, Ferrier, Pilon) ne sont qu'une formalité avant la plongée vers le littoral aux routes encombrées de voitures.

Cette magnifique randonnée ne rassembla finalement que 73 participants, dont 13 sur le circuit de 200 km. Les autres eurent peut-être peur ; ils eurent assurément tort, tant les routes proposées offraient de ravissement à l'œil, et tant l'accueil sympathique permettait d'oublier les efforts consentis pour se hisser en haut des ascensions.

Le dimanche suivant, 9 juillet, les même protagonistes plus quelques autres (53 au total) se retrouvent à Ispola, sur le coup de 5h30 pour prendre le départ de la prestigieuse randonnée des 3 cols, sauvée de la disparition grâce à l'action dynamique du C.D. 06.

Le col de la Lombarte, 2350 m, constitue le premier plat de ce copieux menu, soit une ascension de 22 km, qui débute comme un coup de trique, dés la sortie d'Isola, avec une rampe à 11 %.

Le peloton de maillots multicolores s'étire au fil des lacets dans la nuit finissante. Après Isola 2000, la route se rétrécit et le pourcentage se calme quelque peu. Depuis quelques kilomètres chaque fois que je me mets en danseuse, j'entends un claquement sec et régulier, que je situe au niveau de l'axe du pédalier. Une bille cassée, sans doute. Au sommet, 1er contrôle et ravito. On revêt dare-dare les habits chauds, en raison du vent froid. Un coup d'œil sur le pédalier : rien d'évident.
Après les congratulations d'usage, je plonge vers l'Italie dans une descente style " maillot jaune voulant creuser l'écart " manquant d'écraser une pauvre marmotte qui allait rejoindre ses congénères.

Au fur et à mesure de la descente, nous croisons une foule de piétons qui vont faire leurs dévotions au sanctuaire de Santa Anna. Sur un passage au revêtement détérioré, je perçois des vibrations inhabituelles accompagnées d'un bruit inquiétant. Je m'arrête, et après un examen minutieux, je découvre que la patte arrière droite est cassée, redescendre sur Isola et abandonner ? Ou continuer prudemment en espérant que tout tienne jusqu'à ce que je trouve un poste à soudure quelconque ? J'opte pour la deuxième solution, d'autant plus que je suis venu de Nantes en partie exprès pour la R 3 C. Inch'Allah.

Je finis donc la descente puis aborde la montée vers le col de Larche 1991 m, deuxième difficulté, mais plus roulant que la Lombarde. Quand je suis assis, ça ne bouge pas trop, mais dès que je me mets en danseuse, la patte brisée s'écarte d'un demi-centimètre, de même que sur les nombreux passages mal revêtus.

J'essaie d'oublier mon problème pour admirer le paysage fait d'alpages et de petits villages accrochés au flanc de la montagne et dominés par de majestueux sommets, le tout baigné d'un soleil généreux.

Je parviens au sommet du 2ème col sans plus d'encombres. Gérard parti plus vite, s'y restaure. Je raconte mes malheurs et fait largement honneur au substantiel ravito qui nous est proposé.

La descente côté français est heureusement plus large, peu dangereuse et bien revêtue. Je m'y laisse couler. Là le style adopté est celui du retraité soucieux de profiter encore longtemps de sa pension.

A la frontière, un douanier puis un gendarme, nous indiquent que seul le garagiste situé à l'entrée de Jausiers pourra effectuer la soudure salvatrice. Nous atteignons pleins d'espoir cet établissement à l'enseigne du losange jaune. Miracle, il est ouvert en ce dimanche matin, l'homme de l'art est présentement en train de s'expliquer avec un pare-choc. Hélas, il refuse obstinément et catégoriquement de souder, en raison d'une précédente expérience malheureuse. Malgré maints palabres et suppliques diverses, rien n'y fait. Merci quand même !

Je décide de continuer, il ne reste " que " la Bonnette, 2802 mètres quand même, plat de résistance du jour. Le cadre a bien tenu deux cols, il n'y a pas de raison majeure pour qu'il lâche dans le troisième...

Et c'est parti pour 24 km de grimpette dans un paysage grandiose, inondé de soleil. Aux prairies du pied du col, succèdent une végétation maigrichonne au fur et à mesure que l'on s'élève, puis un désert de pierres, et enfin un éboulis de graviers noirâtres au sommet, le tout agrémenté d'un passage à gué, de passages en corniche, de répits sur les courts plateaux, de paysage sans cesse changeants, et de points de vue sur le massif du Grand Bérard, si l'on sait se retourner. En haut, les plus motivés peuvent rejoindre la cime de la Bonnette, au prix d'un court effort, sur une route qui fut la plus haute d'Europe.

Au col, l'unique contrôleur de cette ultime difficulté semble bien content de voir du monde. Il n'en a pointé que 3 depuis ce matin et attend avec impatience le gros de la troupe. Nous le distrayons et il nous réconforte à l'aide d'abricots et de sirops de facture artisanale. Le susdit préposé nous réapparaîtra quelques heures plus tard au vin d'honneur, rouge comme une écrevisse, les arbres se faisant plutôt rare en haut de la Bonnette pour s'abriter du soleil.

Dernière épreuve pour le cadre, la descente sur Isola. Elle sera du style " opposant d'un régime totalitaire " (peur d'être déporté !) en slalomant entre les plaques de gravier fin, généreusement distribué par la D.D.E.

Tout tient bon jusqu'à l'arrivée où Rémy Bernage, président du C.D. 06 fidèle au poste depuis la veille au soir, homologuera la carte de route.

Cette randonnée prendra une place de choix dans l'armoire aux souvenirs.

C'était le denier jour des vacances !

Jean-Louis Rougier

Cyclo Randonneur Cellarien (44)


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