Août 1988 : Alors que nous venons de grimper le col du Tourmalet par Sainte-Marie-de-Campan, nous hésitons avant de nous lancer sur le chemin qui mène au Pic du Midi. La mer de nuages, typique de la région, semble vouloir s'élever et il est l'heure du déjeuner. Après le pique-nique, l'hésitation est encore plus grande. Devons-nous essayer de pousser l'ascension encore plus haut ? Est -il plus sage de redescendre ?that is the question... Nous interrogeons l'homme installé dans la cabane du péage; " Effectivement, il arrive que des cyclos tentent la montée mais ils ne sont pas nombreux. " Après tout, pourquoi pas nous ? Maman hésite encore : comment se sentira-t-elle à presque 3000 m d'altitude ? Papa sort déjà son porte-monnaie pour s'acquitter du péage. " Pour les cyclistes, il n'est prévu aucun droit de passage. " Nous pouvons donc y aller en toute liberté. Alors allons-y. Au début, la pente reste douce. Le plus difficile consiste à s'habituer au revêtement poussiéreux et caillouteux. Avant que nous n'ayons parcouru un kilomètre, nous voilà transformer en ramoneurs, noircis de la tête aux pieds par la poussière soulevée par les voitures qui nous doublent ou que nous croisons. Après quelques arrêts pour souffler (l'altitude rend l'effort plus pénible) ou pour admirer le lac d'Oncet, soit-disant insondable et qui alimente en eau les hommes qui travaillent là-haut à l'observatoire, nous atteignons le deuxième col de la journée (le col de Sencours). Le moral et la forme des troupes étant au beau fixe, c'est sans hésitation que nous attaquons la seconde partie de l'ascension qui doit nous mener jusqu'au col des Laquest. Cette fois la pente se relève, les pierres sont plus nombreuses et plus grosses sur le chemin qui, de surcroît, semble s'être rétréci et se met à faire des lacets, à tel point que la circulation des voitures se fait de façon alternée. Jusqu'en haut, nous progressons séparément, en prenant soin, toutefois, de bien grader le reste de la famille à vue. " Qui va piano, va sano " : ce fut à peu près notre cas. Avec la petite mécanique et quelques pauses nous arrivons en haut beaucoup plus facilement que prévu. La dénivellation n'est pas difficile à supporter lorsqu'on la subit régulièrement et lentement. Au col,le spectacle est insolite. La mer de nuages arrive pratiquement à nos pieds. Le vent s'est levé et contribue à nous revivifier . Autant de sensations difficiles à décrire mais qui effacent d'un trait tous les petits malheurs du jour : partie la fatigue, au diable le découragement ou le raz-le-bol et adieu la colère que maman avait failli laisser éclater lorsque, montant quelques mètres à pieds, de jeunes marcheuses sur un ton railleur, l'avait presque traitée de folle. Après avoir sacrifié à la traditionnelle photo de famille prise par le premier quidam (merci à lui) qui nous tomba sous la main, nous entamons une nouvelle confrontation au terme de laquelle, nous décidons de redescendre. La météo, l'heure et le temps à prévoir pour le retour au camping nous fait renoncer à la partie finale de notre excursion qui nous aurait conduit, à pieds, jusqu'à l'observatoire. C'est donc à regret que nous faisons demi-tour. De toutes façons, qu'aurions nous fait de nos montures qu'il était impossible d'acheminer en haut. Pour donner une connotation personnelle au récit, j'ajouterais que l'ascension fut plus agréable que la descente. Une précédente chute dans un lacet gravillonné du col de Pailhères m'a donné cette peur des descentes non goudronnées. Bref, plutôt mal que bien, nous regagnons " le plancher des vaches " (c'est de circonstance) au col de Tourmalet. |
Un dernier coup d'œil vers l'observatoire que nous ne pouvons même pas apercevoir dans les nuages, et nous replongeons vers Sainte-Marie-de-Campan. Juillet 1989 : Sommes-nous attirés par le charme des Pyrénées ? Pour la troisième année consécutive nous revenons camper dans ce massif. Cet été, c'est la vallée de Luz-Saint-Sauveur qui a été notre lieu de villégiature. Nous campons donc au pied du col du Tourmalet. Il était donc impossible de ne pas y monter. Après plusieurs passages à vélo ou en voiture au sommet du col, nous en faisons notre but de promenade ce samedi. Dans ces conditions, le péage est obligatoire et la voiture semble peiner autant que nous, un an plus tôt, dans la première partie de l'ascension. Chemin faisant, nous sommes intarissables en souvenirs et évocations de notre périple de l'année passée. Les impressions nous reviennent comme si nous les avions vécues hier. Mais le spectacle a beau être différent, il est tout aussi immense. Plus de nuages, mais une infime brume et un soleil brûlant. Nous quittons la voiture au col de Sencours et nous montons à pieds jusqu'au pied de l'observatoire. Pour l'instant nous ne sommes pas nombreux à préférer la marche aux voitures . Par contre, l'ascension finale du pan de rocher sur lequel est juché l'observatoire, notre promenade prend le tour d'une procession. Nous respirons avec difficulté (altitude) et prenons conscience de la sagesse de notre décision de ne pas monter jusqu'à l'observatoire à vélos. Nos mécaniques auraient été des poids plutôt que des aides. A l'observatoire nous n'en finissons pas d'admirer la chaîne des Pyrénées d'une part et le début de la plaine d'autre part. L'absence de nuage nous permet de voir loin. Notre guide nous nommera les sommets. Certains nous rappelleront nos ballades cyclos. Dans les bâtiments nous découvrons la vie et le travail des astrophysiciens d'hier et d'aujourd'hui. Deux étudiants se soumettrons même à nos questions. Quelle aventure au quotidien ! Chaque jour est un combat contre le climat (9 mois d'hiver) et permet de découvrir un nouveau mystère de l'espace. En descendant nous débattons de la folie de construire un restaurant panoramique sur le site de l'observatoire et de cesser toutes les recherches qui y sont faites. Pourquoi priver le marcheur téméraire de la satisfaction d'être parvenu si haut au prix de quelques efforts en construisant un télécabine et l'empécher d'admirer un spectacle unique en France parce que non souillé, à ce jour, par la pollution urbaine. A deux années d'intervalle, deux excursions réalisées dans des conditions différentes mais un but unique. Cette promenade, dont nous avons fait volontiers notre pèlerinage de vacances, restera dans nos mémoires synonymes d'effort et de sensations uniques. Qui sais si, une autre année, nous n'y retourneront pas ? D'ici là les photos que nous avons ramenées, nous permettrent de rêver d'espace et d'immensité. Mlle Véronique Bonau Angers |