LE POT A ENCRE

L'esprit et la lettre...

Pour ou contre un col en descente ?

Des " 100 Cols " se font un plaisir de comptabiliser les cols franchis en descente. Qui sont-ils ?

L'espiègle, le petit futé, le malin, l'éveillé, l'insoumis, le libéral, le tolérant, le coliteux boulimique, bref - l'humoriste s'en tient à l'esprit du règlement de la confrérie des 100 Cols.

D'autres préfèrent jouer un air de musique différent. Comment les reconnaît-on ?

L'adversaire du désordre, l'intègre, le vertueux, le probe, le pinailleur, le collet monté, le protestataire, bref - le grave applique le règlement à la lettre.

Or, tous deux sont conscients de la multitude de considération qui déterminent la pratique du cyclotourisme en montagne. Citons pour mémoire : jeune ou âgé, bien entraîné ou non, fatigué ou en pleine forme, grand gabarit ou poids plume, etc...

Or un jugement de valeur vaut un autre. En âme et conscience, qui a raison ?

Alors, moi, je fais mon compte. Le mien. Celui des confrères ne m'intéresse que dans la mesure où il joue un rôle de paramètre. Et encore, pas toujours ! Car il m'arrive d'aimer la montagne pour elle-même. Jouir de la montagne n'est pas toujours une évidence. Aussi pour y parvenir, il faut remiser l'exploit sportif au vestiaire. Cela aussi a son charme. La montagne se métamorphose ; l'adversaire redoutable se fait douceur de vivre.

Pour ou contre le franchissement d'un col en descente ?

En réalité, cette notion revêt peu d'importance. En effet, la toute grande majorité des cyclos, hormis quelques rares exceptions, randonnent en boucle " fermée " c'est-à-dire qu'ils reviennent systématiquement à leur point de départ. Dés lors que l'on tourne dans le sens des aiguilles d'une montre ou inversement, la dénivelée reste identique.

" Un géomètre qui fait un nivellement par cheminement (levé altimétrique) effectue toujours une visée avant et une visée arrière. Au bout du levé, il fait la somme des mesures " avant " et celles des mesures " arrières ". Les unes positives annulant les autres négatives, la fermeture (résultat) avoisine le 0. Il en va de même quand on fait un circuit à vélo. La dénivelée ascendante correspond à la dénivelée descendante. Par conséquent, quand vous épinglez le Mont Ventoux par Bédoin ou par Malaucène, en effectuant bien sûr une boucle fermée, pourquoi le Col des Tempêtes pourrait-il être comptabilisé dans le second cas et pas dans le premier ? Les degrés de difficulté des versants d'une montagne sont rarement semblables ; d'accord mais n'en va-t-il pas de même pour les autres considérations ?

Alors...

Une anecdote !
Lors de mon dernier périple, au bout de 8 jours d'intempéries en montagne, chargé comme un mulet, seul contre le monde entier, mon itinéraire me conduisit par un col balisé à deux reprises par un chevron Michelin. Au sommet, le bon roi Phébus s'était spécialement déplacé ce jour-là pour me faire la fête. Je nageais en plein bonheur !

Et voilà qu'un chapelet égrainé de cyclos et de cyclotes me croisa sur le versant opposé qui bénéficiait d'une appellation contrôlée différente. Saint Martyr était à l'ouvrage ! Il récitait ses litanies pour les guibolles en déroute. Que de bielles coulées ! Un col à un chevron !

Croyez-moi ou non mais il fallut un poil pour que je sois terrassé par un sentiment de culpabilité. Le sentiment d'avoir choisi la facilité. Or n'étais-je pas moi-même en circuit fermé et ce, depuis plus d'une semaine !

Le cyclotourisme en montagne ne nous enseigne-t-il pas la dérision de temporel ! Quid ?

Résumons.
Je pense qu'une seule conclusion s'impose à ce sujet, à savoir celle émise, il y a quelques années, par un cyclo : " Le but de la confrérie des 100 Cols est le rassemblement de tous les amateurs de cyclotourisme en montagne ".
Citation simple mais complète.
C.Q.F.D.

J. Bruffaerts

Bruxelles