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ENTRE CHAMPAGNE ET FOIE GRAS

Revue N° 18 Page 42

Traditionnellement avant que l'année arrive à son terme, Reinette et moi, enfourchons nos bécanes pour une ultime escapade, originale, autant que possible, hors de la vue de notre clocher : Saint Martin XII siècle après J-C.

L'an dernier, c'était là-haut, vers la chapelle du Rat, une bouclette sinueuse et " vallonnée " d'une soixantaine de km. Ce 30 décembre 1989, ce sera le Tour du Mont Gargan.

La fin des randonnées organisées marque pour certains le début d'un relâchement hivernal ; pour d'autres, l'activité est réduite mais continue. Les règles du monde cyclo sont ainsi faites : chacun fait ce qui lui plait et c'est tant mieux !

Faisant partie de cette deuxième catégorie, Reinette et moi commémorons la fin de l'année et donc celle de la saison sportive et touristique par un circuit amélioré, un repas de Saint Sylvestre en quelque sorte.

Le T.M.G. c'est un parcours assez musclé, surtout quand le thermomètre flirte avec le 0, les muscles ne carburent plus avec la plénitude nécessaire. Un circuit de 62 km qui prend son " envol " des hauteurs de la tour de Masseret (Corrèze) sera le menu du jour.

Avec l'élan, le col de Larenges (alt. 445 m) est atteint dans le quart d'heure suivant. D'après les éminents chercheurs de la Confrérie des 100 cols, ce passage est situé quelque part sur la D20E qui devient la D43 lors de son entrée en Haute-Vienne. La modeste descente de ce col modeste conduit à la modeste gare de la Porcherie. Le rail, la route, la rivière aussi : la modeste petite Briance prend sa source non loin de là. Vous avez compris, rien d'excitant ici... si ! La grimpée menant au bourg de La Porcherie juché sur son piton à 500 m d'altitude.

La D43 traverse le plateau séparant les vallées de la petite et de la grande Briance que nous franchissons après une descente boisée et glaciale. Face à nous, la montagne du Gargan nous barre l'horizon. La Croisille/Briance traversée, nous débutons l'escalade par la voie directe, celle qui pendant 5 km à travers bois de châtaigniers en bas et de sapins verts en haut ne nous permettra jamais de souffler tant la pente est constante.

Vers le haut, de récentes coupes de bois nous offrent de belles échappées vers le nord et nous permettent de mesurer l'altitude que nous avons acquise.

La descente, après une pause vestimentaire, moins pentue, serpente en s'alignant sur les courbes de niveau . La vue sur le Mont Gargan, au sud, est impressionnante : par delà Sussac, étalé dans un bocage de pâturages et de guérets, la bordure occidentale du plateau de Millevaches nous fait face.

Les routes limousines ne sont pas simples : pour passer le pont enjambant la fougueuse Combade, il faut monter, et monter fort à Beauvais, puis Champs d'où l'on bascule - le mot n'est pas exagéré - dans le profond vallon de cet affluent de la Vienne. La remontée sur Domps n'en serait que plus pénible à négocier si les charmes de l'éden bucolique traversé ne venaient pas en atténuer les difficulté physiques rencontrées.

Paisible hameau d'altitude, Domps connaît une agitation hard à l'occasion d'un festival de rock organisé chaque année en été. Pour l'heure, seuls quelques rapaces tournoyant en quête de mulots troublent de leurs cris stridents la quiétude des lieux. Les bâtisses de granit construites aux pieds des châtaigniers séculaires regardent passer les cyclos sans bouger une tuile ; parvenus à l'altitude 576, nous quittons la route de Chamberet pour tomber dans le vide (?) le soleil dans les yeux, la formidable masse sombre du Mont Gargan nous barrant l'horizon . Nous descendons si bas, dans ce vallon sauvage et étroit que la Combale, encore elle ! Partout en une succession de cascadelles que j'ai l'impression de pénétrer dans l'antre du monstre Gargan !
Nous ne restons qu'un court instant dans ce sous-sol, car sitôt franchi le petit pont de pierre, la rampe...les rampes abruptes, puis moins, vont se succéder et nous allons nous hisser laborieusement vers les lieux moins austères, moins humides.

C'est le hameau d'Exidieux qui nous accueille avec son usine à cochons, idéal, pour vérifier nos sens olfactifs, désagréable quand on a le souffle court. Les bornes kilométriques annonçaient depuis longtemps Saint Gilles des Forêts, le voici enfin : sa petite chapelle en granit, ses rustiques maisons limousines, sa quiétude montagnarde lui donnent un cachet exceptionnel trop méconnu des cyclotouristes.

La route dite " touristique du Mont Gargan " toute proche, fait de l'ombre à ce beau village. Nous, c'est le sommet tout proche qui nous fait de l'ombre, mais sitôt Forêt-haute atteint, nous retrouvons... le soleil, la chapelle du Gargan, une vue magnifique vers le bassin de Sussac où nous sommes passés un peu plus tôt, et ... ouf ! ... une route qui, si elle ne descend pas, va nous mener à Surdoux plus tranquillement. Comme on dit : " on va se refaire une santé ".

Nous sommes au plus haut de notre périple, il reste environ une vingtaine de kilomètres, le moral est en hausse : pour le connaître, c'est facile, il est toujours inverse à la pente ! Tiens, si nous avions des VTT, nous monterions à la chapelle par le muletier. Vu d'ici, il est particulièrement engageant !

La route qui va de Surdoux à Meilhards est elle aussi digne d'intérêt (dans ce sens là), pensez, " ça " descend tout le temps. Le panorama offert sur les Monédières est ininterrompu... bref, ça baigne. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en descente, et quand c'est beau, ça ne dure jamais ! Déjà Meilhards et Reinette qui a souffert de la... multitudes des grimpées s'inquiète :
- " on va le payer " dit elle, calmement
- " non, çà m'étonnerait " esbrouffai-je, effrontément.

Il faut croire que le ton était rassurant car elle me crut, et elle eut raison !

Passé Meilhards, une douce déclivité nous promène en de multiples contours et voici Le Breuil de Meilhards, village aussi étiré que son nom l'indique.

Et après demanderez-vous ? et bien nous descendons, et oui, je vous l'ai dit : c'est une route fantastique, enfin pas trop quand même, car la tour de Masseret est maintenant en vue et une tour... suivez mon regard... non, pas en bas... oui, en haut, c'est ça, une tour çà domine et croyez moi la tour de Masseret domine... - surplombe serait mieux approprié - la base de loisirs des Bertranges où nous aurions du laisser la voiture.

Je ne vous donnerez pas mes impressions pendant l'ascension car vous rigoleriez tellement que vous en mettriez pied à terre. Nous on n'a pas rigolé et pourtant on a mis pied à terre !

Voilà une DER qui laissera un agréable souvenir et rappelez-vous, le T.M.G. c'est une belle balade. Tiens... c'est une idée, je vous y invite et vous donne rendez-vous le 7 octobre prochain à Masseret (1). Vous savez bien que les cyclos ne sont pas égoïstes et aiment partager leur bonheur et leurs trouvailles.

(1) Masseret : concentration d'automne et des Cent Cols en Limousin.

Francis Degeix

Limoges


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