Page 42 Sommaire de la revue N° 18 Page 45a

MONTAGNES D'ITALIE

Revue N° 18 Page 43

Lombardie, été 89,. Soleil Généreux, longs jours favorables aux randonnées montagnardes. Base de départ : Bormio, versant sud du Stelvio. Plus précisément : Cepina, où nous sommes gaiement et cordialement reçus au camping " Cima de Piazzi ". La joie !

A nous pour trois jours les petites routes et sentiers de découverte des Alpes Rhétiques :
Moitié vélo, seul, le matin
Moitié marche, à deux, l'après-midi.

Valle di Livigno : samedi 8 juillet

V : Départ à l'aube : Bormio, Valdidentro, le val Viola encore sombre entre les monts. Allure calme pour attendrir les 1000 m de dénivelée de la route qui en 15 km mène au Passo di Fascagno (2291 m). Radieux sous le soleil, ce col magnifique semble taillé à la hache dans le roc. Joli décor pour opérette montagnarde.

Descente à Trépalle : bien emmitouflé, ça va, tout juste... La montée qui suit, à rythme soutenu, est un morceau bien agréable. Un parcours superbe aux deux flancs de ce Val Vallaccia à la pure beauté sauvage. Le Passo d'Eira (2209 m), très large, offre un panorama étendu sur la barrière circulaire de hautes montagnes cernant l'enclave de Livigno. Contemplation.

La descente en souples courbes découvre dans son ensemble Livigno, bel alignement de hameaux établis au long du Spöl, et que prolonge en aval le miroir allongé du lac de Gallo : remarquable vue aérienne de cette vallée de Livigno, étroite et si belle.

Ah Livigno.. Village inoubliable, au même pittoresque, au même attrait qu'Andorre. Comment ne pas accorder un peu de flânerie à cet habitat montagnard (1800 m) aux typiques chalets aux bois patinés, aux boutiques inénarrables au cachet vieillot, particulièrement curieux.

Par ce temps splendide, la montée tranquille de la haute vallée du Spöl est un divertissement de choix qui aboutit à la Forcola di Livigno (2315 m), une belle échancrure de la barrière rocheuse.

Foscagno - Eira - Forcola, quel régal cette trilogie des cols routiers de Livigno, quelle succession de beaux tableaux montagnards !

M : L'après-midi n'est pas moins intéressant. Une bonne marche en terrain accidenté nous conduit à un admirable petit lac, sous l'à-pic des roches du Minor : ici la flore alpestre étale la variété de ses espèces toutes si colorées, avec en particulier de jolies anémones soufrées. Le retour est fort plaisant par le col de la Stretta (2476 m). La nature ne peut mieux nous gâter : tout n'est qu'harmonie et lumière : c'est exquis.

Passo Di Gavia : dimanche 9 juillet

V : Au petit matin, je traverse Bormio, où un groupe cyclo se rassemble. La montée du Valfurva est un bon échauffement, alors que cette vallée encaissée reçoit le premier soleil. Les cyclos de Bormio me rejoignent à Santa Caterina : échangeons les " buon giorno " d'usage, et je laisse passer, incapable de converser en italien, et désireux de m'en tenir à une allure modeste pour si possible grimper avec le sourire ces 900 m en 12 km, corsée d'un raidillon à 16 %.

D'emblée, elle me plait, cette mince route qui se faufile en lacets assez pentus dans la foret. A la sortie du bois, le paysage qui s'ouvre à moi me ravit pleinement ; et quelle joyeuse symphonie de couleurs : les pentes verdoyantes encombrées de roches sont égayées du bleu des gentianes, du brun ou du mauve des chardons, du rose vif des nombreux massifs de rhododendrons, et encore du blanc, du jaune, du roue de quantité de fleurs plus modestes.

Voici un important chalet d'alpage, et tout autour dans les pâtures ses gracieuses petites vaches grises qui ne craignent pas la pente. Un marcheur m'encourage " Forza ! Forza " Cette fine route qui serpente à 10 % en cette montagne fascinante, une progression souple d'un effort régulier qui ne fatigue nullement, un ciel d 'azur immaculé, la caresse du soleil... Eh oui ! c'est l'ivresse !

Une large courbe panoramique me dévoile la fameuse rampe contre l'à-pic rocheux. En pareille situation, 28 x 28, et ça passe très allègrement ! Quelle exaltation , quelle volupté au sein de ce site impressionnant !

Pente à présent plus douce, sifflet incisif d'une marmotte qui surveille son pierrier, route qui devient presque plate dès le refuge Berni. Vite arrivé au lac Gavia. Un dernier ressaut, et c'est déjà le col, qui marque hélas ! la fin d'un intense plaisir.
J'y retrouve les cyclos de Bormio, heureux de me venter leur sensationnel Passo di Gavia (2621 m). Comme je les comprends bien ! Je ne peux rien suivre de leurs propos volubiles, mais les " splendido " et " grandioso " m'invite à répondre : " bella montagna ".Nos yeux rient, nos mains se serrent : instants délicieux à partager. Notre bonheur s'épanouit sur cet horizon de riantes montagnes.

Toutefois, pour nous, cyclos, ce merveilleux Gavia est en passe de perdre une partie de son charme : les travaux d'élargissement et les murs de béton vont leur train et préparent une route moderne qui n'aura plus la saveur de cette petite route tortueuse.

M : Durant deux heures , nous marchons largement tout autour du col, découvrant le tracé tourmenté de la route qui gravit le versant sud, profitant de l'air pur et du bon soleil, admirant de belles mousses sur les roches et les fleurettes entre la pierraille, au pied des cimes à 3000 m : Gavia (3223 m) et Tre Signori (3359 m). Splendeur.

Comme nous revenons au refuge Berni le ciel commence à se couvrir. Nous voyons sur le versant opposé le sentier qui mène au refuge Gavia, et de là grimpe en 500 m de dénivelée au Passo della Sforzellina : c'est la promenade que nous avons projetée.

Nous hésitons, le temps s'assombrit de plus en plus, les nuages sont menaçants. Commençons par une petite visite à la jolie chapelle, puis à l'imposant monument surmonté d'un aigle. Survient alors un de ces orages dont nous pourrons nous souvenir.

Réfugiés dans la voiture, nous sommes au cœur du spectacle ; nuages poussés jusqu'au sol par de brèves rafales, illuminations des éclairs, fracas du tonnerre répercuté par les monts, pluie violente plombée de grêle... Ce déchaînement est d'assez courte durée, mais la pluie tombe dru et persiste, la montagne est submergée de nuées.

A regret nous quittons le Gavia et regagnons Bormio.

Valle di Fraele : lundi 10 juillet

V : Matin sombre, temps bouché : départ repoussé à 9 h. A la sortie de Bormio, je découvre le pittoresque village de Prémadio, tout étagé sur la pente au long d'une belle montée en virages. Pour accéder au val de Fraele, bonne route non revêtue qui domine le Val Viola, puis grimpe en une impressionnante série de courts lacets au pied de la haute muraille du Plator (2900 m). Pente agréable, un petit tunnel, et me voici sans peine au col Torre di Fraele (1800 m). De cette ancienne tour fortifiée, la vue est magistrale sur la petite route de la vallée. Par ce temps sombre, ce paysage sauvage est saisissant, cette vieille tour presque sinistre.

Légère descente jusqu'à deux petits lacs et une ferme enserrés dans de belles pâtures verdoyantes et fleuries. Une montée assez sèche pour atteindre le bord du lac artificiel de Cancano. Chemin rugueux, pentes couvertes de rhododendrons. Souvenir de l'orage d'hier, beaucoup de grandes flaques à contourner en un amusant slalom.

Après la route parfaite sur le second barrage, le chemin caillouteux longe le lac de San Giacomo sur l'autre rive. Et... chance ! Le soleil perce, en quelques minutes le ciel est dégagé et retrouve son azur méditerranéen.

Elle me plait beaucoup, cette large combe de Fraele, bien que noyée pour la production d'électricité et que les lacs artificiels ne me séduisent jamais tellement. Les deux lacs, qui travaillent en reprenant une partie des eaux utilisées au circuit précédent, sont alimentés de toutes les eaux vives qui dévalent des deux versants de la combe, l'Adda étant le principal de ces torrents.

De belles échappées vers le Val Tréla, puis vers le Val Alpisella. Au bout du lac, la chapelle San Giacomo, et de suite le large Passo di Fraele (1952m). Un coin charmant, bordé de jolis pins.

M : L'après-midi, sous les mélèzes d'abord, puis coupant les alpages, parmi fleurs et troupeaux épars, un chemin très plaisant nous procure la joie d'une bonne marche. Nous suivons la longue et haute barrière rocheuse du Ferro (3000 m), nous trouvons belles les sources de l'Adda, et nous parvenons au col bucolique d'Alpisella (2285 m). Quatre heures de ravissement dans le décor enchanteur du Val Alpisella.

Larges espaces de belle nature, aussi accueillants aux cyclos qu'aux marcheurs, car peu fréquentés, Livigno - Gavia - Fraele nous laissent de bien attachants souvenirs de ces lumineuses montagnes d'Italie.

Jean Duchamp

88230 Fraize


Page 42 Sommaire de la revue N° 18 Page 45a