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4000 M OU LE TOIT DU MONDE VENEZUELIEN

Revue N° 18 Page 50

Où trouver le soleil et la chaleur en cette période de brouillard de notre France de novembre ?

L'Amérique du Sud me semble être un lieu propice pour cycler au soleil. C'est vite décidé, dans moins de dix jours c'est le départ.

Après le rituel transport en train vers Paris, puis l'avion qui en un peu moins de neuf heures, me déposera sur le rivage de la mer des Caraïbes, au Vénézuela.

Un millier de kilomètres parcouru dans des décors de paysages tropicaux pour atteindre Valera capitale de l'Etat de Trujillo, une ville qui déjà annonce que je suis au pied des Andes, demain la journée ne devrait pas être de tout repos...

Aussi de bon matin pour profiter du peu de temps où la température n'est pas trop forte, je démarre en remontant une vallée qui s'élève régulièrement.

Quelques villages sont traversés, et plus l'altitude augmente, plus le paysage devient grandiose, tout le long de la route, de petites maisons forment comme une haie, on y vit très misérablement.

Mais la rampe devient plus sévère, et les kilomètres sont plus longs à parcourir, quelques beaux lacets et, déception, je me retrouve au sommet d'un col de 1840 m, avec à peu près toute cette dénivellation à redescendre !

Au fond de la descente je n'irais pas manger au village de la Mesa comme je l'avais prévu. Il est situé dans un endroit invraisemblable d'accès, sur un plateau dominant tout le coin .

Sur l'autre versant, par contre, les vues sont splendides et compensent bien les efforts de la montée, je viens de franchir les Monts des Sept Lunes !

En remontant le lit d'une nouvelle rivière, le Motanta qui coule en cascadant de la montagne, une petite ville, Tomotès aux rues en très fortes pentes, permet un ravitaillement de fortune.

La route monte, monte, les cultures se diversifient avec le changement d'altitude : moins de 800 m ce sont les fruits tropicaux : bananes, goyaves, mangue, etc.... entre 1000 et 2000 m les champs de légumes : choux, céleris, carottes, poireaux, oignons, passé les 2500 m les pommes de terre. Le ruisseau ne s'embarrasse plus de pont, il traverse la route d'un lacet à l'autre.

3000 m, les cultures ont à peu près disparues, c'est le domaine des " frailejones " plantes laineuses à fleurs jaunes. L'après-midi va s'achever, voici 80 kilomètres que je m'élève sans discontinuer, et le sommet est encore loin !
Dans un des dernier hameaux habité, j'arrive à trouver à me loger chez un brave Andin qui me fera partager sa chambre, mon altimètre marque 3500 m. La soirée se passe dans une petite pièce où nous sommes entassés à 7, enfants et femmes autour d'un brasero fait d'une boite où brûle un peu de mazout.

Un plat de pommes de terre, des galettes de maïs et du café maison, voici le repas. C'est ensuite la visite à des voisins, un parcours dans une espèce de jeep rafistolée au fil de fer, à travers des pistes frôlant le ravin, quelle soirée ?

Au matin, l'air est vif, les gants et le kway ne sont pas de trop, pour terminer les quatorze kilomètres qui me conduisent au sommet du col de l'Aguila, 4116 m dit le panneau, et le vante comme étant la plus haute route Sud-américaine !

Le soleil inonde toute la montagne, au loin les plus de 5000 m avec leurs glaciers ; une route continue de monter, elle va au col de Pedra-Gorda où se trouve un relais radio, la pente est rude, et vu l'altitude, il me faut reprendre le souffle de temps à autre.

Mais, là-haut, que c'est beau ! L 'altitude 4312 m, mon record ! Bien vite je redescend vers des hauteurs moins éprouvantes, en moins de vingt kilomètres j'atteints le premier village important, Apartaderos, il fait carrefour vers les lacs de montagne que je rejoins par un nouveau col de 3354 m. Ici on récolte les pommes de terre, la herse est tirée par un couple de vaches, le tracteur n'a pas sa place dans ces champs aux pentes raides.

Et puis, c'est la descente sur une soixantaine de kilomètres, une descente par paliers, des vues magnifiques, des villages très typiques à traverser, l'eau coule de partout en cascades fraîches et pures, la truite est l'hôte de ces eaux.

En fin de journée, Mérida capitale de l'état du même nom, une ville toute en longueur et en descente, l'hôtel est vite trouvé près de la poste, pour un repos bien gagné après ces deux rudes journées, l'hôtel " Capri " je vous le recommande, et pour une fois j'entends parler français.

Encore une vingtaine de jours dans ce pays, une vingtaine de cols à franchir mais d'une altitude modeste, un voyage surprenant dans un pays offrant encore un petit parfum d'aventure.

Louis Romand

Randonneur Sans Frontière


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