Installés sur un banc de la petite place
Deux vieux messieurs parlaient pour se passer le temps
Riant de tout et rien comme ils faisaient en classe
Du temps de leur jeune âge, au temps de leur Printemps.
Ce matin-là, par chance, un curieux personnage
Était passé, furtif, par les rues du vieux bourg
Donnant, sans le savoir, à leur long verbiage
De quoi s'alimenter pour trois ou quatre jours.
"C'était pas un coureur, je te le dis, Pépère:
T'en connais toi beaucoup qui te disent bonjour,
Qui te serrent la main sans faire de manières?
Alors, tu réponds rien ou t'es devenu sourd?
T'as peut-être raison, mais t'as pas vu, l'Ancien
Qu'il avait un vélo un peu comme Bobet
Un maillot coloré qui ressemblait au sien
Musclé tout comme lui, pas du tout enrobé?
C'est vrai qu'il était beau, mais tu oublies, Pépère
Cette grosse sacoche à l'avant du guidon,
Et le phare devant, le feu rouge à l'arrière
Et puis le Beaujolais qu'avait dans son bidon ?
C'est par Dieu énervant, t'exagères l'Ancien!
C'était un vrai sportif, t'es bien le seul qu'en doutes.
Pour venir par chez nous, sais-tu, ça monte bien
Et de la ville ici, elle est longue la route!
J'ai pas dit le contraire, écoute mieux, Pépère
Mais crois-tu qu'un coureur se serait arrêté
Pour photographier le lavoir des commères ?
C'est quand même trop fort ce que t'es entêté!"
Et toute la journée, sur la petite place
Se déroula la joute entre amis polémistes
Amusant les gamins qui suçotaient des glaces
En rêvant d'être aussi, un jour, cyclotouristes.
Rolland ROMERO N°1269
La Voulte (Ardèche)