Le 12 juillet, les grandes vacances 1979 commencent. Nous sommes cinq sur les quais du port de Trieste, cinq bien décidés à profiter au maximum de l'Aventure yougoslave qui nous attend. Tous frais débarqués du train qui nous a mené depuis Montauban via Marseille, Nice, Gênes, Milan et Venise, sur les rives bleues de la mer Adriatique. Il ne faut franchir que quelques kilomètres pour entrer dans le pays de Tito, son portrait dans chaque endroit public occupe la place d'honneur. Le premier contact avec les routes de la péninsule d'Istrie permet de parcourir de petites voies ombragées, qui se terminent en une affreuse piste à fort pourcentage, qui débouche sur un col de 922 mètres avec une vue magnifique sur le golfe de Rijéka parsemé d'îlots. Dans la descente deux faons peu farouches nous observent étonnés... Rijeka, port animé est traversé pour franchir les monts Velika. Lokve, petit village au centre de la forêt sera notre étape, chez un yougoslave vivant à Paris qui nous donne la phrase clé pour trouver à coucher : "Molim saspati gde bilo!" Toujours un paysage de forêts et de montagnes, les fenaisons se font à la faux, quelques femmes gardant des troupeaux filent la quenouille; Puis le goudron disparaît ; nous sommes au centre du parc naturel de Plitvice, on ne serait pas étonné de rencontrer l'ours ou le lynx qui sont ici très abondants. Le repas du soir sera frugal, fromage, tomates et fruits, c'est à peu près tout ce que nous avons trouvé à manger. La route serpente entre des montagnes de calcaire gris. Bilhac où nous voyons les premières mosquées, ainsi que la population musulmane aux habits multicolores. Une petite ville tranquille, Dvar; et nous empruntons une vallée riante par une route excellente, qui au bout de trente kilomètres disparaît brusquement, au pied d'une colline. Un groupe de paysans nous indique vaguement la direction à suivre à travers les prairies et les rocailles pour trouver de l'autre côté un semblant de piste et un village, Rore... Quelle expédition, nous n'arrivons qu'à la tombée de la nuit dans un village d'un autre temps, nous trouvons à coucher dans des lits (payants). Pour améliorer notre repas, on nous offre une marmite de yaourt au lait de brebis et de chèvre d'une saveur et d'une odeur assez forte! Le petit déjeuner sera le même menu avec pour faire glisser le tout un verre d'eau de vie décapante. |
Il est cinq heures du matin, tout le monde part faucher la prairie, il faut suivre le mouvement! Encore une trentaine de kilomètres sur un chemin caillouteux pour déboucher dans une piste d'avions immensément large et longue ! L'altitude avoisine les 1000 mètres et le paysage est très pittoresque. Un col à franchir et c'est Livno, ville musulmane où nous trouverons à nous ravitailler, mais sans pain, car on est dimanche et tout est fermé. L'après-midi deux cols à passer; la chaleur est torride. Bugojno, il faut chercher à coucher. La première fermette ne peut nous prendre faute de place, une quinzaine de personnes sortent d'une minuscule cuisine pour nous accueillir, à la seconde on nous offre deux verres de "décapant", mais vu que l'on y a peur de la police, on n'ose pas nous héberger; quant à la troisième, c'est un accueil chaleureux, un repas improvisé et toujours du "décapant"! Le paysage de montagnes se fait plus aride, bien que nous suivions une vallée. Les auberges bordant la route ont toutes un grill actionné par une roue formée de pots de yaourts dans lesquels un filet d'eau en y tombant fait office de moteur! Un mouton rôtit grâce à cet ingénieux mouvement. Des barrages forment de longs lacs aux eaux bleues, notre route s'applique à les suivre, avec par moment un écart pour le franchissement d'un col. La circulation s'intensifie, nous arrivons à Sarajevo, capitale de la Bosnie. Après la traversée des zones des grands ensembles, nous sommes au centre de la vieille ville, ses mosquées et son "bazar", partout grouille une foule disparate... Nous irons dans un quartier plus calme pour passer la nuit à l'auberge de jeunesse. Bon accueil, il y a peu de monde, nous passerons une bonne nuit, nos vélos sont restés dehors sous la garde du veilleur de nuit. Un réveil brutal, on vient nous avertir, il manque un vélo, et oui ! C'est le mien qui est parti, bien qu'en quatrième position... De vaines recherches autour du bâtiment, plainte à la police, très aimable mais qui n'y peut rien. C'est le retour en catastrophe vers Montauban, en train... On s'en souviendra des vacances yougoslaves 1979 ! Louis ROMAND N°90 Montauban (Tarn et Garonne) |