De tours de roue en 650 B à des circonvolutions en 700 C, la saison cycliste s'écoule, traditionnelle, dans notre Rouergue tortueux. D'une cyclosportive en Alpes à un Brevet Montagnard en Pyrénées, la Petite Reine franchit gaillardement les pentes proposées au gré des facéties de ses partenaires. Vie sans relief se renouvelant chaque année, ainsi pourrait paraître une existence cyclotouristique si quelque rotation originale ne venait pas l'enrichir. Refusant toujours de se laisser engluer dans l'habituel, qui affadit la quotidienneté, Sauveterre entreprit une chevauchée pas ordinaire autour d'une manifestation nationale de notre mouvement. Solitaire souvent, il décida cependant de conclure un "pacte de non-agressionn" avec l'ineffable "Apôtre du 650 B". Fourbissant temporairement les armes de la haute philosophie cycliste, ils ébauchèrent ensemble un programme pentu à souhait autour de l'épicentre de la Croix de Bauzon, rendez-vous des membres de la Confrérie des 100 cols. Un orage diluvien avait rongé les chemins, creusé les bas-côtés en déversant des nappes de sable sur les petites routes de l'arrière pays, tandis qu'un timide soleil, tentait d'assécher les ravines. Muni (aujourd'hui seulement) d'un VTT... (en 26 pouces pour ne pas déplaire au 650 B), Sauveterre gravit quelques modestes cols autour d'AUBENAS, précédé par son compagnon de route qui se délectait sur ces chaussées sablonneuses et étroites. En ce dimanche, jour de la concentration, le soleil perçait épisodiquement la brume au-dessus de VALS. Dans la cohorte des vétetistes, les deux cyclistes cherchaient "leur "parcours, moins mouvementé, pour s'offrir EYROLLE, SUCHET, CROIX DE ROCLES, MEYRAND et enfin CROIX DE BAUZON. De la tiédeur de la vallée de l'Ardèche aux hauteurs fraîches du Tanargue, le "colombien de RODEZ" démontrait avec sa verve coutumière et intarissable, les avantages incommensurables de la monture de 1956 dans des évolutions sur routes dures et pentues. Cependant, dans MEYRAND, profitant d'une irrésistible poussée d'un zéphyr ardéchois, le ruthénois, le vrai, s'envola vers la cime froide et austère adressant à LOUBARESSE un gracieux salut à son confrère voguant, minuscule, quelques lacets plus bas ! Après une courte halte au belvédère, dans la brève descente, tel un "DELGADO au zénith" dans un sifflement céleste, le 650 B montra avec un brio éclatant une suprématie incontestable - et incontestée d'ailleurs depuis longtemps!!! C'est dans la froidure d'une soirée à 1200 m que se termina cette étape sur des contreforts sauvages. A l'hôtel, autour des "grands prêtres" de la Confrérie, Jean PERDOUX et Henri DUSSEAU se dessinaient les projets de l'Ordre mis au point par les "aventuriers du premier rang", "EINSTEIN-POTY" et "CHAPPE DE BREBISSON", tandis qu'en coulisse, "l'éternel et marginal débat" mettait en scène le "promoteur du NDLR fédéral et le savoyard officiant tout à la fois à la Confrérie et à la Fédération: fermeture ou ouverture, tradition ou accueil non sélectif, revue d'hier ou magazine, tolérance ou intégrisme... toujours les mêmes controverses qui devraient - pensait Sauveterre - s'effacer devant les aspirations à la liberté de tous les cyclistes; l'exclusion, la création de barrières artificielles, ne sont-elles pas l'apanage des "frileux", de ceux qui ont peur de ne pas savoir convaincre? Passons... |
Un soleil sec balayait le sommet de rayons matinaux qui traversaient difficilement l'ouate fine et mouvante. Dans la froideur, les deux cyclistes plongeaient dans la vallée embuée avant que la route ne se redressât pour conduire en quelques brefs zigzag, vite avalés, jusqu'au col du Pendu. La nationale traînait sa cohorte de camions malodorants jusqu'à LANARCE où une départementale étroite s'offrit pour mener dans le calme retrouvé, au col de FIOULEBISE, venté à souhait comme le laissait présager son nom, puis au lac d'ISSARLES d'un bleu surprenant dans un écrin de verdure et de bruyères fanées. Par une route de crête, les deux cyclistes traversaient un territoire aride déserté par les populations. Calme inquiétant et tristesse envahissante dans un paysage qui s'abandonne à la jachère! La plongée sur BURZET présenta des panoramas grandioses surveillés par les vigies des sucs volcaniques. Après un régal descendant, surtout pour l'astucieux 650 B, la collection de cols se poursuivait par l'ascension du "sec" Juvinas puis du "débonnaire" "Aizac" tandis que "Longe-Serre" clôturait, enfin, cette journée bien remplie. Lundi devait présenter des pentes et des descentes innombrables à travers les châtaigneraies de l'arrière pays de VALS: COULETET, COULET, SARRASSET, ARENIER, ESCRINET, FAYOLLE, QUATRE VIOS, MEZILHAC, PRANLET. Dans la fraîcheur bleue d'un beau soir d'automne, les gorges de la BOURGES réservaient à chaque lacet assuré un nouveau décor. Mardi, par des voies insolites autour de VALS, toujours parmi les châtaigniers ployant sous le poids de bogues enflées, la randonnée se poursuivait, allègre et saccadée, dans des sites agrestes où chaque village présentait des façades de pierre fraîchement entretenues. La vie rurale veut ici perdurer comme en témoignent les demeures ranimées, la propreté des abords et des bois. Puis le plateau austère du COIRON se découvrit aux vents frais en ouvrant ses cols à plus de 700 m (COULET DE SOULIERE, BENAS, CROIX ST MARTIN, FONTENELLE) Par le col d'AURIOLES et le surprenant château de Boulogne se termina cette sortie. Mercredi, dernière matinée d'agapes cyclistes qui nous conduisit à la chapelle STE MARGUERITTE par le col de la CROIX DE ROGNON. Spectacle magnifique mais combien difficile à partir de CHIROLS où, sur 9 km par une route changeante, tantôt lisse, tantôt caillouteuse, les plus petits braquets n'étaient jamais assez petits. Sauveterre, mal à l'aise aujourd'hui, laissa s'envoler "l'Aigle du 650" moulinant son 28x26. Le vent hurla dans les antennes de la station, tandis qu'une vue imprenable constituait le sublime cadeau offert, après un effort gigantesque, par une crête sommitale, à deux cyclistes baignés par un bonheur partagé. La CROIX DE MILLET clôtura les festivités cyclotouristiques et déjà les conversations oubliées durant cinq jours reprenaient autour des sujets "brûlants" que sont les avantages, imaginés ou réels, des cycles en 650... surtout de ceux qui datent de près d'un demi-siècle! Incorrigible, inénarrable mais incomparable compagnon de route... quand même: n'est-ce pas Henri? Alors, à bientôt pour d'autres découvertes à vélo, d'autres propos sans concession dans d'autres lieux enchanteurs, autour d'un prochain rendez-vous des "croisés" des 100 cols. Jean BARRIE N°308 Rodez (Aveyron) |