Partis comme chaque année en voyage VTT itinérant sur 8 jours entre Bollène et Antibes à travers les montagnes de la haute Provence (Ventoux - Luberon - Sainte Baume - Siou Blanc - Maures et Esterel.) nous devions aborder dès le matin du deuxième jour les quatre cols du géant de Provence (Comte, Jardins, Tempêtes et Frache) tous entre 1 000 et 2 000 mètres). Mais, vous le savez bien, à vélo et encore plus en VTT, les parcours tant dans leur géographie que dans leur chronologie ne se déroulent jamais comme prévu... Donc, après une nuit réparatrice au gîte des Ecuries du Mont Ventoux à Malaucène, les quinze VTTistes de l'A. L. Lons le Saunier (dans le Jura, lieu de la semaine internationale de cyclotourisme du 6 au 13 Août 1995, où quelques cols seront homologués pour l'occasion...) décident un départ matinal en deux groupes : les "mordus" par le sentier de grande randonnée GR4, les "sages" par la classique route RD 974. Rendez-vous de l'autre coté du sommet au chalet Reynard vers midi avec un maximum de cols... Commençons par les dix "mordus" engagés courageusement sur un GR pas très bien entretenu: ils cheminent pendant une heure sur un faux plat qui ne semble pas monter bien fort pour les 1600m du Ventoux... Un contrôle de la carte (perturbé par l'évidence du balisage rouge et blanc du GR...) prouve finalement qu'il y a erreur sur le GR : nos "mordus" ont emprunté le GR 91 qui se contente de contourner le Mont Ventoux par le nord sans jamais le gravir ! Ils sont donc contraints à faire demi-tour (dur dur !!!) pour revenir sur le village de Malaucène: deux heures de perdues ! On reprend la bonne direction mais avec la chaleur déjà lourde et les buis envahissant les lacets du GR4, les premières rampes du monstre provençal font souffrir nos cyclos. Après deux nouvelles heures de griffures, poussages et autres crevaisons, les "mordus" débouchent vers midi (déjà !) sur le col de Comte (84-1004) sensiblement à mi-pente de la face Nord. Devant une petite route ramenant sur la RD 974 (route officielle du Tour de France 94 où 8 jours plus tard l'Italien Eros Poli remportera l'étape de Carpentras), nos "éros" déjà fatigués hésitent à emprunter le bitume. Mais c'est sans compter avec la passion du vétéran et chef de groupe: Jean Climonet (60 ans et toujours le premier dans les mauvais coups !) qui propose et impose aux jeunes innocents (7 jeunes de 17 à 25 ans sans défense...) de continuer sur le GR4 jusqu'au Mont Serein (300 m de dénivelée et 4 km de sentiers, une bagatelle semble-t-il... Mais "sereins", ils ne le seront pas longtemps. Horreur ! Le chemin en mauvais état, traversant des pierriers instables, s'avère impraticable à vélo et même à pied. La progression est lente et pénible (en fait, la langue française, pourtant belle et riche, ne permet pas vraiment de traduire l'enfer rencontré...) |
La station du Mont Serein et son Collet des Jardins (84-1390) sont atteints entre 13 h 30 et 14 h 30 suivant l'état physique et le moral de chacun. Devant l'étendue du retard et du désastre (coupures, brûlures de la peau et de l'estomac, dépressions, états de choc...) le dernier tronçon du sentier montant en directissime à travers le légendaire pierrier sommital (visible depuis l'autoroute !) est court-circuité au bénéfice de la route qui en 5 km et en 5 lacets propulse nos aventuriers à la côte 1910 (comme tant d'autres avant eux !). C'est sans s'arrêter à l'observatoire, ni même regarder le sentier de crête que nos "mordus" un peu usés plongent sur la route de la face sud pour retrouver le reste du groupe au chalet Reynard autour de 15 h - 15 h 30. (7 heures pour escalader le Ventoux: qui dit mieux ?) Pendant ce temps les "sages" ayant attendu 1 heure 30 au sommet décident alors de descendre seuls au Chalet Reynard en s'engageant dans le GR4 qui rejoint en 400 m le Col des Tempêtes (84 -1829) en coupant le premier lacet de la face Sud. Hélas, ces 400 m sont épouvantables, plus proches d'un éboulement que d'un chemin. Deux petites chutes refroidissent les ardeurs. Revenus sur la route du Col des Tempêtes, trois des "sages" vraiment très sages (!) préfèrent rester sur celle-ci qui mène directement et en toute sécurité au Chalet Reynard. Deux candidats ne baissent pas les pédales: le jeune Antoine (plein d'enthousiasme) et l'organisateur et rédacteur de ces lignes prennent la crête. 400 mètres de route jusqu'au silo nucléaire (Français, vous pouvez dormir tranquilles !), puis c'est une superbe piste à la fois aérienne (plus de 1 000 m de vide de chaque coté !) et sans difficulté. Avec une pente moyenne descendante de 8 %, cette crête peut même être conseillée à des débutants pour s'initier aux joies simples du vélo en montagne. Quinze au départ de Malaucène ce matin, deux seulement au Col de la Frache, cinq heures après: le Ventoux a encore frappé ! Suivirent encore plusieurs étapes rocambolesques (six jusqu'à Antibes), de joies, de cols, d'égarements en tous genres, bref de belles aventures que je vous conterai sans doute un jour... Une quarantaine de cols dans la semaine, mais que ferions-nous sans les "Cent Cols" ? Sans doute, quelques "colchards" de plus, quémandant des cols de bière à défaut de cols de montagne... François POUESSEL N°573 LONS le SAUNIER (Jura) |