"S'il n'y avait ces gougnafiers qui, pour remplir leur escarcelle S'acharnent à la défigurer" Jean Ferrat, vous qui avez si bien chanté la montagne, n'allez surtout pas au Stelvio ; vous y retrouveriez hélas les HLM et sans doute le poulet aux hormones voisinant avec les souvenirs et gadgets proposés aux touristes. Pourtant la journée avait bien commencé ; la progression dans le Val di Braulio n'était pas facile, mais je m'y attendais : 1500 de dénivelée sur 22 km depuis Bormio. Ce n'est pas Saint Ignace, ni même Houratate ! Il faisait encore frais, le ciel parfaitement dégagé, la circulation (et les gaz qu'elle engendre) encore réduite et les tunnels moins dangereux que je ne le craignais. J'allais donc enfin, dans des conditions idéales, l'épingler ce Stelvio auquel je rêvais depuis 20 ans, mais que diverses circonstances m'avaient empêché d'approcher jusque- là. Et satisfaction supplémentaire : en refaisant mes comptes, ce serait mon 100 ème + de 2 000. Les lacets qui suivent m'enchantèrent. D'abord, ils adoucissent la pente et, d'un palier à l'autre, on apprécie mieux à la fois le chemin à faire et celui déjà fait. Enfin quel régal pour les yeux... et le "Minolta". Passé la Bocca del Braulio, un long faux-plat dans les alpages permet de reposer le 30 dents (grand pignon et non petit plateau) et aussi le bonhomme. Un petit arrêt au monument aux morts de la guerre 1915-1918 (et non pas 14-18, toujours un décalage d'un an en Italie, comme en 40! ) et revoilà la frontière suisse quittée hier matin. Après, la pente se redresse pour les derniers lacets et le vent est plus gênant. Mais, je me répète, rien de plus normal : il faut bien le mériter celui qui, s'il n'est plus le plus haut routier d'Europe, reste nettement le premier pour nos voisins transalpins. |
Est-ce pour fêter celà qu'ils ont entassé là-haut ce magma d'immeubles serrés au maximum, souvent plus haut que larges : la place est rare il faut bien rentabiliser ! Quelle déception, je pensais m'attarder un peu, pour mieux savourer ce moment si longtemps espéré. Mais à quoi bon ? Alors une photo quand même des fameux lacets, et à regret je descends, lentement circulation oblige, mais surtout pour prolonger cette rencontre. Le "Minolta" en chômage partiel là-haut, reprend du service. D'en bas c'est aussi très impressionnant... et on ne voit plus ces affreuses bâtisses. Entre les arrêts je ne peux m'empêcher de ruminer ma déception, adoucie quand même d'une maigre consolation cocardière, je n'arrive pas à me souvenir d'avoir , en France, vu un grand col aussi défiguré. Les "verrues" montagnardes qui m'ont le plus marqué, Notre Dame de la Salette, le Pas de la Case, ne sont pas des cols et la seconde (non française d'ailleurs) a des excuses, vu le caractère bien particulier du "tourisme" andorran. Echapperons-nous encore longtemps au massacre ? J'espère, mais je n'en suis pas sûr, car si certaines vallées sont allergiques aux lignes EDF haute tension, elles s'empressent de couvrir leurs pentes de remontées en tout genre qui ne sont guère plus esthétiques. Alors pourquoi s'arrêter là quand la rentabilité prônée par le marketing n'a plus de freins ? Pierre CORDURIE N°351 de SALIES de BEARN (Pyrénées-Atlantiques) |