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Petite digression...

Revue N° 26 Page 38

La revue du club des "Cent Cols" arrive dans nos boîtes aux lettres en même temps que le printemps. A l'aube d'une saison cyclo qui s'amorce, elle ouvre des horizons nouveaux, prête au rêve et cet état d'esprit s'est perpétué sans faille depuis déjà 26 ans... le bel âge . Néanmoins, il me semble apercevoir à l'horizon quelques nuages qui portent ombrage à l'esprit comme à la règle de notre confrérie. Pardonnez-moi si les réflexions qui suivent sont ennuyeuses et si éloignées de la joie toute simple de pédaler en toute innocence, ce qui est le cas de 99,9 % d'entre nous, mais je sens la nécessité de donner un point de vue, espérant en cela me faire comprendre et susciter la réflexion.

Je trouve fort intéressante la recherche étymologique concernant le mot "col" (voir page 36). Elle nous fait découvrir toute la richesse du français issue de la diversité de nos langues régionales. Nous pouvons naviguer entre "ports" et" pas", "brèches" et "baisses", "lépoas" et "golets"... C'est un plaisir et un enrichissement intellectuel surtout à notre époque qui redécouvre l'importance de notre patrimoine. Il est vrai qu'un col possède sa définition géographique, celle, en gros, figurant dans les pages d'un dictionnaire. Cependant, chacun sait qu'aucun col ne ressemble à un autre et vouloir les faire entrer dans des catégories géographiques, ou plutôt topographiques, est une mission bien difficile. La confrérie des "Cent Cols" ne s'est pas posé de problèmes métaphysiques et sa "règle du jeu" indique, en simplifiant, qu'un col existe s'il est nommé, écartant ainsi toutes les opinions subjectives sur la "qualité" de tel ou tel passage. Libre à chacun de mépriser les taupinières corses, de n'apprécier que les géants au dessus de 2000m (si possible avec accès non revêtu..) ou encore de sortir la règle à calcul pour ne sélectionner que les cols dominés par des sommets environnants dépassant d'au moins 10 m le col en question, etc, etc... La liberté est la plus totale, encore faut-il ne pas vouloir imposer à tous SA vision toute personnelle du col idéal ! Je reste attaché à notre "règle du jeu", si simple, si naïve et qui continue à séduire 200 nouveaux membres chaque année. Ceux-ci ne boudent pas leur plaisir et c'est bien en toute connaissance de cause qu'ils viennent nous rejoindre, y compris de l'étranger.

Et pourtant... il me semble percevoir une remise en cause de cet esprit . Bref, aujourd'hui doit-on modifier cette "règle du jeu" ? Voire, serait-il possible de la contourner car elle serait devenue un obstacle ( à quoi ?...). A y bien réfléchir le débat pourrait se résumer ainsi:

Si un col n'existe que s'il est nommé, pourquoi ne pas nommer un col pour qu'il existe ?

Après tout, il suffit de préparer avec soin une pancarte annonçant "col de quelque chose" (au libre choix de l'artiste) et ensuite d'aller la planter là où on aurait plaisir à voir pousser un col, et le tour est joué.

Attention, comprenons-nous bien, si sur cette pancarte figure un nom de col (mot "col" cité expressément) découvert dans un patrimoine oublié, la démarche me parait louable et doit même être encouragée. Par contre, s'il ne s'agit d'inscrire qu'un nom choisi parmi ses amis (cas déjà observé) ou inspiré du village voisin ou de tout autre lieu à la portée de la main, je crois, hélas, que la démarche frise la malhonnêteté. Il y a là, vous l'avez bien compris, une faille dans notre "règle du jeu" et elle a été parfois mise à profit. Pire, je lis (article cité) qu'après tout une "position libérale" devrait être adoptée pour officialiser cette pratique... D'où la défense des listes de cols dont nous disposons pour quelques pays étrangers à savoir : l'Autriche et la Norvège. Or, que pouvons nous lire dans le préambule de présentation de ces listes au chapitre "dénomination" : (point essentiel de notre "règle du jeu" comme expliqué plus haut) ? Je le cite : " De nombreux petits cols ne sont mentionnés ni sur la carte OGK, ni sur la carte OK au 1/50000° (cartes autrichiennes). Pour éviter de longues recherches, j'ai désigné ces cols du nom de points géographiques proches dans l'ordre d'importance suivant : nom d'alpage, de fossé, de sommet, de localité." (fin de citation)
J'en conclus que ces cols (certes géographiques) ne portant aucun nom, l'auteur de la liste leur en a trouvé un ! On peut ainsi apprendre qu'un col peut porter le nom d'un fossé !

Bien entendu je réfute quelques outrances énoncées dans l'article déjà cité (voir p 36). Pour moi, les pays voisins ne sont pas habités par des "peuplades" sous-civilisées auxquelles le "génie" français s'apprête à apporter sa lumière, ceci est choquant ! Je pose seulement deux questions auxquelles chacun voudra bien réfléchir :
1) La liste dressée par UN cyclo étranger pour son propre pays pourrait être contredite par le travail d'un AUTRE cyclo s'attelant à la même tâche. Chacun d'eux proposerait des noms de cols selon leurs propres désirs. On aurait ainsi deux listes antinomiques, établies de façon sincère, mais laquelle serait la bonne? Poser cette question, c'est déjà reconnaître qu'une liste dressée dans ces conditions n'est pas fiable !
2) Si dans un esprit de tolérance en direction des "peuplades" environnantes, afin de m'approcher au mieux du "XXI° siècle" qui sera libéral, je pouvais enfin admettre que les Autrichiens ou les Norvégiens sont maîtres chez eux et qu'une de leurs libertés fondamentales est de baptiser leurs cols du nom qui leur chante, alors, je revendique, au nom de l'égalité, pour les Français, le droit d'en faire autant ! Pourquoi, diable, eux et pas nous ? Ainsi, à vos pancartes, à vos stylos, à vos clous et marteaux ! Il doit bien y avoir près de chez vous un passage dont vous aurez l'honneur d'être le parrain et dont le nom pourra figurer en bonne place dans votre liste annuelle envoyée à Henri Dusseau... Cette deuxième solution aurait , du reste tous mes suffrages car elle éviterait la rédaction et la mise à jour d'un guide et de ses additifs annuels, un travail parfois fastidieux qui ne serait plus indispensable car chacun définirait, selon ses propres vues, ce qu'est un col digne de figurer dans sa liste personnelle. Finies les frustrations !!

On voit là quels sont les risques encourus lorsqu'on sape le fondement de tout club, de toute association, de toute société même : sa "règle du jeu", librement acceptée. Si telle était la pente suivie, j'avoue bien sincèrement que je ne me reconnaîtrais plus au sein de la confrérie. Je m'en éloignerais, sans bruit, mais pas sans avoir souhaité : Bonne route à tous.

René POTY N°530

de CHAINAZ-les-FRASSES (Haute-Savoie)


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