L'histoire se passe sous le soleil de Savoie, lors de la grand-messe annuelle des cyclotouristes, à Albertville, en ce jeudi de prière consacré à la communion de masse des fidèles de la Semaine Fédérale. Comme de coutume notre groupe de pèlerins se sent peu motivé par ce bain de foule sous la canicule, et avec mon compère frère Philippe, grand pourvoyeur de vin de messe devant l'éternel, (souvenez-vous de Pâques aux 4 vents, page 58 de la revue 97), nous décidons d'organiser une cérémonie restreinte en altitude, plus près de notre saint patron Vélocio, ceci pour deux raisons, l'initiation de la novice Chantal, et pour célébrer le culte de Saint Perdoux, le père de notre ordre, dans son pays, et aussi pour satisfaire à sa demande de cols de plus de 2000 m., chose de plus en plus malaisée sur notre terre sainte. Le lieu choisi pour cette journée initiatique est le cormet d'Arêches, culminant à 2109 mètres et hors des routes bruyantes et envahies par nos ennemis : les hérétiques à moteur. Tout se prépare la veille au soir par une communion autour d'une table préparée par les novices moinillons de notre frère Thierry, la soirée fut longue et le saint breuvage sera largement dispensé par nos petits protégés, père Albert, malgré toute sa verve ne pourra convaincre soeur Aline de l'accompagner sur les pentes pour quérir encore quelques inaccessibles images pieuses sur les sommets. Soeur Marie-Jo et soeur Josette les gazelles des cîmes ne se sentant pas l'âme porteuse ne se joindront pas à nous. Les cardinaux de l'ordre seront présents : Père Daniel de Nohic, le guide spirituel de la congrégation élitiste de Labastide St Pierre sera là, malgré son grand âge. Père Francis qui a tracé le chemin de cette croisade en tant que patron des saintes I.G.N prendra sous sa coupe la novice Chantal qui doit lui prouver, lors de cette journée, qu'elle est digne de le servir et de l'accompagner pour de plus grandes croisades et surtout digne de rentrer dans l'ordre, son seul col à ce jour est le col de Caunan à 598 m, qu'elle a gravi lors d'un brevet d'initiation de notre ordre du V.C.M. de 250 km. Sont également présents, frère Gervais, jockey des sommets, frère Pierre l'ermite de Nohic, frère Thierry qui abandonnera ses moinillons à frère Jean-Yves pour un jour, frère Roger le compteur d'histoires pieuses qui nous arrive tout droit des hospices de Beaune, frère Albert qui rentre d'un pèlerinage d'un mois autour de la France, et enfin votre serviteur, frère Bernard de Castres, grand argentier de l'ordre. Le lieu de rendez-vous se situe à Beaufort, pays du fromage, où nous allons nous approvisionner en vin de messe et nourritures terrestres de façon à pouvoir résister jusqu'au soir aux multiples embûches de notre pèlerinage. Le saint patron de la congrégation de Midi-Pyrénées, Don Felipe de Las Vacas, viendra même, malgré l'heure matinale, bénir l'expédition, avant de retrouver ses pairs à Albertville. Après un copieux petit déjeuner, nous attaquons la pente, les sacoches surchargées de victuailles, quelques goulots dépassant sur les côtés. Nous effectuons une halte au joli village d'Arêches pour emplir nos gourdes de breuvage frais avant de rentrer dans le dur de la pente, nous laissons à gauche le bucolique col du Pré, qui sera escaladé le lendemain dans le cadre des pèlerinages officiels. Jusqu'au Lac de St-Guerin, nous transpirons abondamment, et c'est par couples que nous progressons, frère Pierre et frère Gervais en tête et en grande discussion sur l'avenir des petits gabarits dans la course démesurée aux longues distances, frère Philippe et frère Bernard qui sont des contemplatifs silencieux (par force), père Albert et père Daniel les vétérans devisent tout en essayant de ne pas perdre le contact, ensuite père Francis qui veille jalousement sur sa protégée, qui doit commencer à se demander si sa passion va durer encore longtemps, et fermant la marche, Roger qui se raconte l'histoire de "Paf le chien"; si vous ne la connaissez pas, vous pouvez lui écrire, par l'intermédiaire de son séminariste Père JACON. Frère Thierry lui est très en retard, ayant dû, avant de partir, dire la messe du matin à ses protégés. |
Notre arrivée au Cormet va se faire dans la sérénité et la joie devant les paysages qui s'offrent à nous, au loin le grand Mont vers lequel soeur Marie-Jo s'est aventurée mais sans son prie-Dieu à roulettes. Nous allons immortaliser par quelques prises d'image cet instant magique qu'est l'arrivée au sommet d'un col de + de 2000 m. Il est grand temps de manger et nous nous installons dans l'herbe tendre, chacun sort de sa sacoche les victuailles destinées à la communauté des prieurs en méditation transcendantale, le vin de Savoie, le bordeaux et surtout le Coutinel, vin préféré de notre Oenologue, coulent à flots. Frère Thierry; qui nous a rejoints, profite des dernières gouttes de ce sain breuvage. C'est à l'entame du Beaufort que nous allons avoir une apparition, Jean Fournol et J.Michel Bouillerot, perdus dans les montagnes savoyardes, nous indiquent le chemin à suivre pour ne pas perdre le sentier menant vers les 3 cols convoités pour l'après-midi. Nous nous mettons en prière devant cet envoyé du ciel qui va nous faire gagner beaucoup de temps et surtout réussir à atteindre notre objectif. Nous nous lançons dans l'escalade, les prie-Dieu sur l'épaule, père Daniel commence à trouver la plaisanterie peu à son goût, mais il continue, frère Gervais ne comprend plus bien ce qu'il fait là, mais la peur de se perdre l'empêche de faire demi tour; quant à père Francis, il commence à se faire du souci pour sa protégée. Voilà 2 heures que nous poussons et portons sans voir la faille salvatrice au sommet ; c'est à ce moment que la deuxième apparition va avoir lieu : le Révérend Père Jacon et soeur Christine Bouillerot (oui la compagne de la première apparition), frère Roger s'est immédiatement prosterné devant son maître qui va nous indiquer le col des Génisses 2348 m tout proche. Cette révélation nous a remis de la joie dans les coeurs et c'est sur le vélo que nous allons franchir le col dans un décor grandiose et enchanteur. Frère Philippe immortalise ce moment pour l'éternité, les deux autres cols ne seront que pure formalité; il nous suffira de suivre la crête sur un sentier roulable, et nous recueillerons les cols de la Grande Combe 2356 m et des Tufs Blancs 2304 m. Il est maintenant 16 h et le ciel devient menaçant; il est grand temps de se remettre en route vers le monastère. Chantal, dans un état de béatitude avancée, veut faire comme les grands prêtres qui l'accompagnent et rouler dans l'herbe sans descendre de vélo; elle va se prendre une gamelle mémorable et se gardera bien de recommencer jusqu'au Cormet d'Arêches que nous rejoindrons rapidement. Nous décidons de communier à la sainte table par un pot de houblon à Beaufort. Cette halte nous sera fatale et nous allons attirer les foudres du ciel qui vont s'abattre sur nous et nous tremper jusqu'aux os. Mais encore cette fois ce pèlerinage restera gravé dans les mémoires. Rappelle toi Francis, surtout en ce moment, pas de boogui-bougui avant la prière du soir. Et toi Chantal bienvenue dans le saint des saints épicuriens des Cent Cols. A l'an prochain pour une nouvelle croisade. Bernard AUSSILLOU N°1834 de MONTAUBAN (Tarn-et Garonne) |