Article destiné aux fondus de la montagne, aux dingues du dénivelé, aux "Cinglés du Mont Ventoux", aux chasseurs de cols, aux maniaques du "tout à gauche", bref à tous ceux qui commencent à frétiller quand la route s'élève. Pour nous, chasseurs de cols, le gros gibier, le trophée de luxe, c'est le "plus de 2000 mètres". Mais tous les nôtres, dans les Pyrénées ou les Alpes sont hors d'atteinte en hiver, protégés par le froid, la brume, la neige, le verglas et les jours trop courts. Cette année, malgré une centaine de nouveaux cols à mon tableau, aucun "GROS". Même le col des Tempêtes, près du sommet du Ventoux, n'est qu'à 1900 et quelques mètres. Où aller ? Je cherche et trouve : Tenerife, une île de l'archipel espagnol des Canaries. Un massif volcanique déchiqueté qui culmine à 3700 mètres et présente 46 cols répertoriés dont 10 à plus de 2000, le plus élevé à 2300 mètres. Beau terrain de chasse ! Agence de voyage, réservation de séjour et première difficulté : on ne trouverait de vélo à louer que sur la côte sud alors que je vais sur la côte nord, plus proche du massif de Teide (se prononce Té-hi-dé). Bueno ! Mais à l'arrivée, le guide de l'agence Fram se démène remarquablement et me trouve pour une location raisonnable, un vélo presque neuf, tel qu'il est décrit par notre chère FFCT : pas de garde-boue, pas de porte-bagages, pas d'éclairage, pas de sacoches, pas de porte-bidon, pas d'outillage et pas de pompe. Bref, le VTT tout nu. Un peu petit pour moi, mais de bons freins, de gros pneus quasi neufs et un 28 x 28. Je trouve un porte-bidon chez un réparateur de motos très sympa, j'avais amené une sacoche Chapak très pratique qui se fixe facilement sur n'importe quel type de selle, j'espère ne pas avoir de crevaison et ... c'est parti ! Et je comprends tout de suite pourquoi il n'y a pas de vélo sur la côte nord. C'est une côte très urbanisée où les villages se touchent et qui grimpe instantanément dans la montagne. Des pentes d'enfer : le 10 % n'est ici qu'un aimable faux plat ! Malgré le 28 x 28, je coince plusieurs fois et finis certains passages à pied. Mais quand on attaque la grimpée du Teide proprement dite, c'est plus humain : du 6 à 7 % seulement pendant ... 40 km ! 13/12/97 : je me fais emmener sur la côte sud et revient en vélo à travers le Teide. 110 km seulement, mais 55 de montée et 55 de descente : la route faisant le tour de l'énorme cratère n'arrête pas de monter et de descendre. A cours d'entraînement, après la coupure de novembre, je suis déjà complètement "à la ramasse" à 1500 mètres d'altitude. Et en plus j'ai la grippe. Dieu que les bornes kilomètres sont longues à apparaître quand on roule à 7 ou 8 km/h. Bref, je me trouve à 18 heures passées, en haut des 40 km de descente qui me ramèneront à l'hôtel, mais il fait nuit à 18h30. Alors j'applique l'article 27 du Mémento de Sécurité du Petit Cyclotouriste : "quand on descend un col, de nuit, sans lumière, il faut le faire très rapidement pour rester le moins longtemps possible dans cette zone dangereuse ! J'en profite pour faire la course avec un car de tourisme qui me rattrape dans les lignes droites, où je bénéficie de ses phares, mais que je lâche dans les virages où je distingue vaguement la ligne blanche médiane sur la route. Very exciting ... surtout quand il y a des trous ! Finalement je ne regrette pas d'être sur un VTT ! Tableau de chasse : 10 cols dont 5 "plus de 2000". Belle journée !! |
15/12/97 : Projet de la journée : remonter sur le Teide par l'est par une route qui part de la ville de La Laguna (alt. 550 m), traverse une forêt, franchit une dizaine de cols, dont 4 à plus de 2000 et un à 2300, donc des montées et des descentes sur 43 km mais avec des pentes raisonnables. Pour arriver à La Laguna, 20 km en partant de l'altitude 0. Comme je ne veux pas commencer à m'épuiser par les petits raidillons à 20 ou 30 %, que faire ? Élémentaire, mon cher Watson : je prends l'autoroute qui fait le tour de l'île. C'est évidemment interdit, mais officieusement toléré. Et on profite du souffle des cars et camions qui passent à 110 km/h. La forêt - route superbe, je mouline doucettement (j'ai toujours la grippe), je croise 3 cyclos qui descendent, dont un couple courageux avec tout le barda de cyclo-camping. Altitude 1800 m : du froid, du vent, des nuages, de la bruine. Je m'arrête sagement (il faut obéir aux injonctions de la montagne !) : jambières, blouson et ... enlever les lunettes parce que je n'y vois plus rien. Quelques km comme ça, mais je sens confusément que c'est la fin des difficultés, que la montagne va me sourire comme elle sait le faire avec ceux qui sont humbles et patients avec elle. Col de la Crucita (1980m) : le ciel se dégage d'un coup, je suis sur la ligne de crête, à gauche la côte sud avec au loin l'île de la Grande Canarie, à droite la côte nord avec la ville de Puerto de la Cruz, 2000 m plus bas. Encore des nuages mais juste assez pour rompre la monotonie du ciel et tamiser le soleil. Une symphonie de couleurs douces. Quelques kilomètres plus loin la montagne me souffle un coup de brise plus sec : le vent du nord va se déchaîner. Mais j'arrive à l'abri sur le versant sud, protégé par la ligne de crêtes. Au dessus de ma tête, les nuages passent comme des fous, affolés, déchiquetés par l'arête. Col de Izana, 2300 m, dans les nuages et le vent. Un allemand me double sur un beau VTT chromé. Mais il est en short et chemisette, frigorifié, et ne profite de rien. Il ne faut pas braver la montagne ! Elle va encore m'offrir un spectacle, le plateau qui redescend à 2000 m, immense, dégagé des nuages par les arêtes alentour. Je suis merveilleusement seul, les touristes ayant vu le mauvais temps de la côte ne se sont pas aventurés vers le sommet. Et puis la longue descente vers l'hôtel. De jour, c'est quand même plus facile ! Bilan : 10 nouveaux cols, dont 4 "plus de 2000". Total de la semaine : 33 nouveaux cols dont 9 "2000". Pas mal pour un mois de décembre ! Il me manque donc à Tenerife, 13 cols dont 1 "2000". A l'année prochaine ? Gilles CORI N°2047 de SAINTE-COLOMBE de VILLENEUVE (Lot et Garonne) |