Tout a commencé aux environs de Ponte Rosso ! La route s'élève brutalement en direction d'une puissante muraille semblant nous interdire d'aller vers le nord. Les lacets succèdent aux lacets et, horreur suprême, le peu d'altitude patiemment grignotée s'évanouit à chaque fois, dans de brèves et fulgurantes descentes. Costa Roda miroite au loin tel un mirage au-dessus de la profonde vallée. Le cheminement en balcon nous offre de superbes points de vue en récompense de nos efforts. Sur le plat relatif qui suit, nous nous refaisons une santé et à Cannavaggia, bien dissimulé dans une profonde combe, nous profitons d'un insolite banc public pour pique-niquer en pleine nature, et confortablement. Une fois Lento dépassé, l'échancrure du col, maintenant bien visible, nous attire comme un aimant. Plein des bidons à la fontaine, où quelques chasseurs, ceinturés d'impressionnantes cartouchières, nous prédisent une fin d'escalade imminente. La pente n'est pas tendre et c'est avec soulagement que nous atteignons le sommet. C'est à cet instant précis qu'il aurait fallu que je mesurasse mes paroles !!! Etourdiment, je m'exclame... : "Nom d'une pipe, on peut dire qu'il est mal B.... ce coquin de col !" Pas de réaction immédiate, mais, je devine désormais la sourde menace suintant de la montagne déjà humide. Dopés par l'euphorie de la descente, nous ignorons la fugace impression et plongeons vers Murato et le col de Stéphano. Les hostilités ne se déclencheront que le surlendemain : Voilà que le navire à grande vitesse nous ramenant vers la métropole essuie une tempête d'une violence rare. De bateau de surface, il devient submersible et finit par plier sous le choc d'une vague monstrueuse. Les vitres s'étoilent, le plafond se déforme, les coffres à bagages s'ouvrent et dans la cale, les automobiles deviennent tamponneuses. Le bâtiment sera dérouté sur Livourne où nous ne parviendrons qu'à la nuit tombée. De là, un car rapatriera sur Nice (350 km vers le nord), les quelques voyageurs qui n'avaient pas de voiture à bord. Encore heureux que les coffres soient assez vastes pour accueillir un tandem british, un VTT français et la randonneuse de votre serviteur. |
Voilà que dans l'ultra courte nuit niçoise, une crise de coliques néphrétiques se met à me tarauder les entrailles. Voilà que la voiture, sagement laissée dans un parking, nous attend bêtement affaissée sur une des roues aussi plate qu'un filet de sole meunière. Et plus de cric dans la malle ! Il me faut donc arpenter les vieilles ruelles du Vieux Nice, à la recherche de la bonne âme qui me prêtera l'indispensable outillage. Retraite éperdue vers le nord, car il est impératif de mettre le plus de distance possible entre ce coquin de col de B.... et moi-même, sinon il finira par avoir ma peau ! Le soir même, 1000 km plus haut, je me crois enfin à l'abri, mais la malédiction me poursuivant sans relâche, je suis contraint, dès le lendemain de me réfugier dans une clinique bunker où il sera fait appel à toutes les ressources de la science pour tenter de me délivrer. Aujourd'hui, même si je ne souffre plus, je connais la raison de l'entêtement de la méchante lithiase (calculs) qui refuse de me quitter. C'est ce col, dont j'ai eu l'imprudence de dire qu'il était mal B...., qui me poursuit sans relâche. Au fait, pourquoi B.... ? Ne voyez pas dans ce qualificatif une quelconque allusion sexuelle ou autre. Il s'agit très prosaïquement du col de Bigorno (2B-0885) en Haute-Corse que je m'étais cru autorisé de qualifier de " mal bigorné ". Comme quoi, les cols n'ayant pas le sens de l'humour, peuvent être à l'origine de bien des malheurs. René CODANI, N°1892 de LARDY (Essonne) |