Voici quelques années, j'avais découvert une petite route de montagne au pays basque, côté espagnol, qui m'avait enchanté par ses qualités naturelles. Au pied du col d'Otxondo, on emprunte une large voie assez pentue à son début, pour atteindre le Puerto (602m) : porte donnant accès à la vallée de la Bidassoa d'une part et, par-delà le col de Velate, à la grande route de Pampelune d'autre part. Mais aujourd'hui, je bifurque à gauche au sommet du col d'Otxondo et là, s'ouvrent les portes d'un petit paradis agreste peuplé d'animaux paisibles, comme à l'époque des temps bibliques. Dès le début, la route bien asphaltée, sinue avec un pourcentage moyen, entre genêts en fleurs (nous sommes en mai) et mélèzes accrochés aux talus d'en face. Le but de ma balade consiste à atteindre le sommet du Goramendi, dénommé "la Montagne rouge", car ici, tout est rouge : l'argile, le sable, la roche ; un rouge ocré du plus bel effet. Au passage devant une ferme d'altitude, je bascule en descente, non sans avoir jeté un coup d'œil sur ma droite, là en-dessous, où s'étale une verdoyante vallée parsemée de fermettes. Un troupeau de " pottocks " , petits chevaux d'origine basque, forte crinière, ventre bedonnant et très courts sur pattes, m'observent sans crainte tout en mâchonnant une herbe grasse. Bientôt, après une courbe très serrée, sur la gauche, se dresse la première rampe sérieuse et... je me dois de faire sauter la chaîne de pignon en pignon (vers la gauche naturellement). Arrivé sur un premier palier occupé par un troupeau de moutons, je dois mettre pied à terre pour me frayer un passage au milieu de la colonie. Les brebis, qui n'ont pas encore été tondues, sont flanquées de leur progéniture ; d'adorables petits agneaux qui bêlent avec des cris d'enfants... |
Me voilà maintenant sur une pente à forte déclivité et la piste est de nouveau encombrée par, cette fois-ci, des poneys qui paissent tranquillement ; de minuscules petits chevaux qui ne font pas plus de 80 cm au garrot, accompagnés de leurs poulains, gentilles petites bêtes qui se pressent contre le ventre de leur mère. Je m'élève dans la partie finale de l'escalade, la plus rude : trois kilomètres sur le 21 dents. La route est superbe avec de vastes perspectives sur les monts basques postés de loin en loin comme des sentinelles. Maintenant le paysage est nu, plus d'arbres, quelques rares cumulus naviguent nonchalamment dans un ciel bleu azur, quand un lézard vert traverse, juste devant ma roue, me tirant à mes pensées et me faisant tressaillir. Nouveau choc émotionnel ! Sur la route gît, sanguinolent, un crâne de mouton, et un peu plus loin, dans le fossé, finit de se putréfier une carcasse de vache ; au-dessus, les vautours tournoient : c'est tout simplement impressionnant ! Le chemin se termine tout là-haut, au pylône de télécommunication mi-rouge mi-blanc. J'enfile mon coupe-vent et me désaltère. Il ne me reste plus qu'à retraverser ce coin de paradis terrestre en dévalant comme à regret vers la société de consommation tout en quittant le Pico Goramakil le "Pic du bâton rouge" à 1074m... Francis SAUZEREAU N°130 d'ANGLET (Pyrénées-Atlantiques) |