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"Chemins aux vents"

Revue N° 30 Page 27

"La bicyclette, comme le chemin, prend de la hauteur. En effet, le sentier escarpé, rude, constitue la vérité du chemin et, dans nos rêveries, nous grimpons toujours à vélo des côtes. Nous prenons appui sur les pédales pour nous arracher à la pesanteur. Les mêmes jambes qui nous retiennent piteusement au sol nous donnent la possibilité de décoller de la terre. Nous éprouvons le bonheur de danser d'une pédale légère sur les plus hauts sommets. Si nous affirmons que la bicyclette est aérienne, c'est que, grâce à elle, nous tombons dans des creux de fraîcheur ; puis nous longeons des crêtes de soleil et nous replongeons enfin dans des portions d'ombre. Nous retrouvons alors la variété liquide et limpide des paysages sous-marins avec leurs courants chauds et leurs courants froids, leurs retraits, leurs différences de niveau de pression. De concert avec elle, nous jouissons d'une troisième dimension trop souvent ignorée. Nous nous apercevons que quelque chose d'infiniment subtil existe au-dessus de la terre. Nous autres, êtres du solide, du percutant et du contondant, nous redevenons sensibles au fluide. Que de sensations et surtout de rêveries aériennes ! Nous captons le moindre souffle, nous accueillons la brise fraternelle, nous nous courrouçons contre le vent du nord. Nous nous désespérons quand l'atmosphère est inodore, mais je n'ai jamais rencontré de chemins qui ne soient empreints de parfums souvent étranges. Surtout nous respirons, nous échangeons notre propre haleine contre le souffle du monde" .

Ecrit par Pierre SANSOT

tiré de "Chemins aux vents" paru chez Manuels Payot.


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