"Les bords de mer sont laids, bétonnés et envahis par des hordes de touristes...". Bref, mon épouse, Josette, n'était pas tentée par le projet. En fait, préparant nos vacances à seulement quelques jours d'un samedi de grande migration estivale et rêvant de voyages insulaires, je n'avais rien trouvé d'autre sur les sites des voyagistes. Avant de jeter mon projet aux orties, un coup d'oeil sur la carte annotée des cols recensés fait découvrir une bonne quarantaine de cols sur Majorque : l'argument est décisif. Je me précipite sur l'un des derniers vols disponibles et nous voilà occupés à faire entrer dans les housses nos VTT munis de pneus semi-lisses, la tente, les duvets et tout ce qui ne peut tenir dans nos bagages-cabine (en fait nos sacoches de vélo assemblées par paires au moyen d'un sandow). Une petite peur à l'embarquement à cause du poids de l'ensemble et c'est parti !... Premier travail à l'aéroport de Palma de Majorque : remettre nos vélos sur pied, les harnacher et se mettre à la recherche d'une consigne pour y déposer les encombrantes housses à vélo. Après quelques formalités sous une chaleur avoisinant 40°, nous partons enfin vers le nord et nos premiers cols. Les deux premiers s'enchaînent sur une montée très modeste. Tournant plein ouest au second, nous descendons vers un troisième (le rêve!) : la route nous offre de somptueux paysages et notre Jura du matin nous paraît désormais bien loin. Cette belle île nous pose bientôt un petit problème : il n'y a pas de campings et les hôtels, peu nombreux en dehors des HLM de la côte, sont évidemment pleins en haute saison. Essai infructueux à Banyalbular, puis tentative (avec dénivelée, mais toute aussi infructueuse) pour tenter un bivouac en bord de mer, et nous repartons vers Estellenc où nous trouverons finalement une chambre pour la nuit. Le second jour, nous progressons toujours le long de la côte Nord, puis Ouest en glanant quelques aimables cols et de merveilleuses vues sur la mer. Nous touchons vers midi la partie sinistrée de l'île : hôtels et résidences ultra-modernes gardent des plages décevantes et encombrées. Il nous faudra une bonne dose de courage (et de portage) pour trouver dans ce secteur un endroit de pique-nique et de baignade ! L'après-midi, après avoir encore pris quelques cols, nous fuyons plein Nord à travers la montagne par Galilea et Puygpunyent. Là non plus, pas d'hôtel, et nous bivouaquons sur un espace sympathique ayant miraculeusement échappé aux barrières, clôtures et murs divers bordant les routes. Le troisième jour, nous revenons sur la Côte Nord en passant par le site de La Grandja et le Coll de Claret. Les altitudes sont modestes, mais la route est superbe vers Deja et le Port de Soller où nous jetons l'ancre en début d'après midi. Le lendemain : Coll de Soller, magnifique et tranquille (l'essentiel de la circulation passe par un tunnel), puis Bunyola, le Coll de Hono et le petit village d'Orient. La suite devait nous conduire vers la ferme de "l'Ofre Comasema", le col attenant et un petit chemin rejoignant la route Nord vers l'Embalse de Cuber. La route menant à la ferme est ornée de pancartes, puis barrée d'une magnifique grille. Malgré un espagnol incertain, nous comprenons quand même que le passage est toléré pour les randonneurs pédestres. Nous poursuivons à travers la propriété jusqu'à la ferme-villa. Puis il nous faut choisir notre route à l'instinct, avec le secours d'une carte à I'échelle trop grande pour ce genre d'exercice.. Le col est assez facilement repéré et atteint au prix d'un bref épisode pédestre. Après, les sentiers deviennent aléatoires : nous délaissons une vire rocheuse à gauche pour un passage assez marqué. Hélas, après une bonne descente, plus rien. Le retour en montée nous fait hésiter et nous avisons en contrebas une sorte de plate-forme : nous supposons qu'elle est desservie par un chemin et continuons notre descente en rampant sous la végétation plus qu'en marchant. La plate-forme atteinte, point de chemin, mais la trace d'une canalisation de fort diamètre... Trop tard, et surtout trop bas pour reculer : nous suivrons la conduite, tant bien que mal, dans une direction de plus en plus opposée à notre projet. Bien plus bas, un chemin correct nous permettra de rejoindre la civilisation au sud de la crête que nous voulions franchir vers le nord ! |
Pour arranger les choses, le "super-dérailleur-tout-carbone", spécialement adapté au modèle de poignée tournante de marque réputée mais confidentielle... du vélo de Josette se brise : c'est beaucoup pour un seul jour ! Le dérailleur est retiré, la chaîne raccourcie et l'ensemble maintenu sur un développement unique 36x19. Nous faisons route ensuite pour retrouver le pied du Coll de Soller passé le matin. Une chance : il se monte très bien sur 36x19... Atteignant la ville, nous nous mettons en chasse d'un vélociste. Le soir Josette finira par repérer un petit atelier, recelant au milieu d'un invraisemblable amas de cartons, un dérailleur Shimano 7 vitesses (une de moins que la roue libre et rigoureusement incompatible avec les fameuses poignées tournantes ... mais bon). Le lendemain, elle pourra repartir avec 3 ou 4 vitesses raisonnablement stables et ses trois plateaux. Nous atteindrons ainsi la Côte Est, par un superbe itinéraire, à parcourir tôt le matin : c'est l'itinéraire touristique de l'île, et des convois de véhicules de location en tous genres, 4x4 inclus, s'élancent à la conquête d'un macadam parfaitement lisse à partir de 11 heures. À Alcudia, nous recherchons le camping qui paraissait signalé sur ma carte. En fait, il s'agit d'un camp de vacances privé et nous finissons par poser nos duvets sur le sable, entre deux rochers à quelques mètres d'une mer calme et limpide (superbe baignoire pour nos ablutions matinales). Une journée de quasi-repos et de baignade, puis une nuit sur l'unique (ou presque unique, donc à éviter) camping de l'île et il nous faudra rejoindre Palma. Nous y arriverons à bonne vitesse (en traumatisant au passage quelques cyclotouristes moins agités que nous) pour récupérer nos housses à vélo, quelques minutes avant la fermeture de l'échoppe qui les avait recueillies ! Finalement, Majorque est une île superbe dès que l'on quitte les usines touristiques. Nous avons trente cols nouveaux à notre actif et c'est, en fait, une très agréable destination pour les collectionneurs de cols ! Michel MATHIEU N°1107 de LONS-LE-SAUNIER (Jura) |